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Encore des cannes compagnonniques bidouillées en vente aux enchères !

Par Jean-Michel Mathonière

Un correspondant du site, Monsieur Daniel Traube (antiquaire expert à Bruxelles, spécialiste des cannes de collection), m'a gentiment alerté de la vente aux enchères, le dimanche 9 juin à la salle des ventes d'Enghien, de deux cannes compagnonniques visiblement bidouillées (pour ne pas dire tout simplement fausses).

Voici les photographies de leurs pastilles, qui sont des faux grossiers réalisés par un « amateur » contemporain peu scrupuleux — et qui ne s'est même pas donné la peine de se documenter un peu sérieusement sur le sujet !

Encore des cannes compagnonniques bidouillées en vente aux enchères !

Sous le numéro de lot 71, il est proposé une canne se pésentant comme étant celle d'un Compagnon charpentier nommé « Bourguignon le Devoir ». Outre le fait que le lettrage est constitué de lettres frappées d'un style anachronique pour l'époque dont semblent dater la férule et le pommeau de corne de cette canne (vers 1860-1880), et aussi que l'emblème constitué par l'entrecroisement du compas, de l'équerre et de la besaiguë, est grossier et non-conforme aux usages compagnonniques, il est un détail dont l'éclatante stupidité témoigne immédiatement de la fausseté de cette pastille : les lettres INDG, d'une part, et UVGT, d'autre part, appartiennent à deux rites différents et ennemis de Compagnons charpentiers ! Nous aurions donc là une canne d'un Indien-Soubise ! Et pourquoi pas un Compagnon charpentier-chocolatier pendant qu'on y est ?

Sous le numéro de lot 70, on trouve une canne voulant passer pour celle d'un Compagnon maréchal ferrant du Devoir nommé « Bourguignon la Sagesse ». Le caractère de faux est moins éclatant, sauf pour un spécialiste, mais on remarquera tout de suite que le lettrage est semblable à celui de l'exemple précédant, anachronique donc, et que, décidément, notre faussaire aime la Bourgogne…

Encore des cannes compagnonniques bidouillées en vente aux enchères !

Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit assez probablement à l'origine de cannes authentiques que notre « brocanteur-restaurateur » aura trouvées dans quelque vide-grenier dépourvues de leurs pastilles d'origine, ce qui arrive fréquemment car c'était souvent de règle d'enlever la pastille lors du décès du Compagnon, et qu'il aura décidé de les « valoriser » par la « restitution » de pastilles plus vraies que nature. Hélas, cette petite entorse à la vérité semble être devenue une habitude chez lui car ce n'est pas la première fois que l'on croise ses productions, et on notera qu'il n'est jamais précisé qu'il ne s'agit pas de pièces 100 % authentiques.

Ce qui est encore plus regrettable, c'est de constater que ces bidouillages parviennent à être mis en vente non seulement sur des sites comme eBay, mais aussi dans des ventes aux enchères réalisées par des commissaires-priseurs, avec aval d'un « expert ». Monsieur Daniel Traube et moi-même avons contacté l'hôtel des ventes d'Enghien pour signaler ces faux. Pour ce qui concerne les pseudo cannes compagnonniques, elles seront finalement mises en vente en précisant qu'il s'agit de « copies » de cannes « de fantaisie », ce qui est un moindre mal, mais il me semble préférable quant à la bonne santé du marché et à l'honneur de la profession, qu'elles soient purement et simplement déclarées pour ce qu'elles sont : à savoir des faux ! Car tant que ce faussaire, en activité, trouvera des débouchés incompétents ou plus ou moins complaisants, il produira !

On notera par ailleurs que, d'après Monsieur Daniel Traube, cette vente aux enchères compte de nombreuses autres cannes bricolées et/ou suspectes, dont nombreuses proviennent probablement de la même officine : http://www.enghien-svv.com/html/index.jsp?id=16545&lng=fr

Encore des cannes compagnonniques bidouillées en vente aux enchères !

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)


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