Benoît Casas a publié tout récemment L’Ordre du jour, au Seuil.
« L'ordre du jour est le journal
d'une année, du premier janvier au 31 décembre. Il s'agit d'une année à la fois
imaginaire et synthétique. Ce qui s'y passe est véridique et dispersé. Le
désordre d'une vie,-l'intensité des jours s'y donne à travers un principe
strict de composition. Parce que L'ordre
du jour est aussi une traversée de la bibliothèque. Le livre est en effet
construit à partir du traitement d'un immense corpus de phrases datées. Les
phrases qui composent chaque texte titré d'une date du calendrier proviennent
toutes de textes (journaux-poèmes-lettres. (les auteurs sont multiples)) datés
eux-mêmes de ce jour (le texte du premier janvier est entièrement écrit à
partir de phrases écrites un premier janvier. etc). Mais de ce corpus
hétéroclite et foisonnant n'est repris que ce qui coïncide étonnamment avec la
vie de l'auteur. Le lecteur fait alors l'expérience d'une étrangeté de
l'autobiographie. Traversé par les éléments, les rêves, les paysages, les
voyages, les rencontres, L'ordre du jour est la saisie d'une vie en éclats
-surgie par instants- en lumières ou détails. » (Quatrième de couverture).
28 mai
nuit orageuse
avec éclairs
et quelques coups
de tonnerre.
saint Georges et son dragon
sont aussi beaux
l’un que l’autre.
la pression des difficultés.
trop de choses
à passer au crible
à absorber.
souvenirs totalement incertains.
priorités du jour :
écrire étudier.
on pourrait appeler cela
autobiographie.
jamais l’expression
journal intime
ne m’aura semblé
plus absurde.
29 mai
je fais des projets.
je regarde fixement
devant moi.
journal de lectures.
les deux observances.
la tâche n’est pas achevée
une fois pour toutes.
on se retrouve
avant le précipice.
il faut s’y décider
à chaque instant.
car ce n’est que le début
sans cesse
toujours le début.
la vérité qui court
après la vérité.
30 mai
cadavres
d’animaux.
clématites.
une continuelle
rectification.
si je est un autre
cela ne fait pas beaucoup.
ranimer le noyé.
processus méthodique.
31 mai
la route de la solitude.
syllabes fractionnées
par le souvenir.
percussions de consonnes.
je ne pouvais jamais lire
plus de deux ou trois pages
mon cœur battant si fort
qu’il me fallait poser le livre.
des bribes des déchets
des fragments.
ces deux pôles :
le mot révélateur
la rengaine le refrain.
cherche le temps de ton côté.
l’arrêt continuera.
unique raison de ne pas
perdre courage.
Benoît Casas, L’Ordre du jour, Seuil,
2013, pp. 113 à 115.
Bio-bibliographie de Benoît Casas.