Titre original : The Virgin Suicides
Note:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Sofia Coppola
Distribution : Kirsten Dunst, James Woods, Kathleen Turner, Hayden Christensen, Josh Hartnett, Danny DeVito, Andrea Joy Cook, Giovanni Ribisi, Scott Glenn, Michael Paré…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 27 septembre 2000
Le Pitch :
Le destin tragique des sœurs Lisbon, cinq jeunes filles en fleur, vu au travers des yeux d’un groupe de garçons énamourés…
La Critique :
Sofia Coppola a de qui tenir. Et ce n’est rien de le dire tant l’ombre du paternel flotte sur le patronyme synonyme de chefs-d’œuvre et de renaissance d’Hollywood durant les années 70. Elle a donc passé son enfance, non pas sur les bancs de l’école, mais sur les plateaux de tournage. Elle a été élevé dans le monde du cinéma, littéralement. Seulement voilà, comment, dans ces conditions certes favorables par certains points mais très difficiles par d’autres, se constituer une identité ? Comment renverser la vapeur en n’étant pas seulement la « fille-de », mais une cinéaste avec un style propre ? Il convient pour la jeune femme de s’imposer, de livrer un premier film éminemment personnel pour lancer sa carrière efficacement, sans malentendu. Et elle n’aurait pu le faire de plus belle manière qu’avec Virgin Suicides.
Adapté du roman éponyme à succès de Jeffrey Eugenides, le film prend donc pour angle de vue la vie d’adolescents pris dans les tourments de cette période délicate. Le thème de l’adolescence, de ses révoltes, de ses questionnements et, parfois de ses dangers, sera un élément clé du cinéma de Sofia Coppola pour les années à venir. Ici, il est question de deux éléments-clés de cette période, la découverte de l’autre, la sexualité et le désespoir qui en découle. On pourrait s’attendre à un teenage movie somme toute assez classique et très représenté en cette fin de décennie, et bien non, ce serait trop facile. Car la fille Coppola a une vision toute personnelle de la question, et va choisir un angle d’attaque plutôt intelligent. En effet, au lieu de nous focaliser sur les sœurs Lisbon comme dans un scénario classique, on les observe au travers des yeux de leurs jeunes voisins. Ceux-ci sont éperdument amoureux de ces jeunes femmes vaporeuses, et sont fascinés par le mystère qui les entoure, alors même que leurs familles partagent la même rue. Car le film s’ouvre alors qu’une des sœurs commet l’irréparable en se jetant par la fenêtre de sa chambre. Les raisons de ce geste ne seront pas expliquées clairement dans le film, même si l’on comprend qu’il n’est que la conclusion d’un long processus de dépression. Cet événement incite la mère de famille à prendre des mesures drastiques en déscolarisant ses filles, les coupant totalement du monde extérieur. Mais bon, les jeunes filles meurent d’envie d’aller découvrir le monde extérieur, et vont essayer de sortir de l’enclos dans lequel leur mère les enferme en fréquentant de jeunes garçons quand leurs parents ont le dos tourné… Elles vont connaître les troubles de cet âge singulier avec d’autant plus d’intensité quelles doivent arracher chaque instant de cette vie rêvée. On trouve donc une opposition entre le monde ouvert de la bande de voisins et celui clos des sœurs. Les deux groupes idéalisent respectivement l’univers de l’autre, et comme ce sont des adolescents, leur grande sensibilité donne un côté irréel à cette observation fugace, de même qu’à leur environnement. On suit donc ces jeunes gens au rythme de leur vie ponctuée de premières booms, ou du bal du lycée.
Le casting est une force du film. Pour donner vie à ces ados, Sofia choisit des acteurs de talent, comme Kirsten Dunst qui est clairement le personnage le plus marquant du film pour de multiples raisons (oui, il s’agit d’une grande actrice, regardez Entretien avec un Vampire pour vous en convaincre). Un jeune Josh Hartnett, et Hayden »Anakin » Christensen sont aussi au nombre des jeunes gens. On trouve quelques têtes bien connues comme Danny DeVito en médecin de famille et James Woods qui interprète le rôle du père Lisbon. L’autre énorme point positif (accessoirement le point chauvinisme intensif de cette critique) la B.O., réalisée par le groupe de musique ambient/electro français, Air. Une musique qui est est pour beaucoup dans l’identité et l’âme qui rend ce film unique.
Car il s’agit bien d’un film unique en son genre. Traiter de l’adolescence, surtout à cette époque où c’est un sujet en vogue, est assez casse-gueule, car cela passe souvent par la reprise plus ou moins heureuse de clichés et passe souvent par la redite. Or, la mise en scène élégante, les choix esthétiques subtils donnent à ce film une saveur fugace. Il est très difficile de parler avec justesse des aspects les plus sombres de la jeunesse sans faire dans le réactionnaire, l’ultra libertaire ou la rébellion de pacotille. Sofia Coppola en fait un film simplement basé sur les émotions, une œuvre doucement viscérale, pleine de sensibilité. Un premier essai en forme de chef-d’œuvre et d’affirmation de son art et de son identité. On ne comprend pas forcément le geste terrible de ces jeunes femmes, et pourtant, il éveille en nous quelque-chose d’unique et de profondément enfoui. Virgin Suicides va au fond des choses par le biais des sensations plus que de la réflexion. Au final, on se reconnaît dans tous les personnages, mais peut-être un peu plus dans ces jeunes garçons qui cherchent à percer le mystère des sœurs Lisbon, sans y parvenir. On reste sur le pas de la porte, fascinés et transis, sans savoir quoi dire, si ce n’est que ce que l’on vient de voir s’est ancré en nous pour longtemps…
@ Sacha Lopez
Crédits photos : Pathé Distribution