C’est l’impression que j’ai eue en me régalant cet été du roman d’André Girard. Pleine d’humour et de choses savantes, cette histoire se déroule dans une petite ville de Ville de Saguenay, Port-Alfred. Des personnages truculents, doués d’une verve intarissable, nous racontent leurs faits et gestes, à partir de témoignages enregistrés sur cassette par un étudiant. André Girard mène tambour battant ces personnages dans ce roman polyphonique, le terme est vraiment approprié. Étienne, le narrateur, abandonne sa thèse de doctorat en muséologie pour se consacrer à l’écriture d’un roman que lui inspirent ces témoignages. Nous avons droit aux aventures imaginaires d’un chauffeur de taxi, aux lectures réfléchies d’un manœuvre, aux nostalgiques réminiscences d’une prostituée sur le déclin. Et puis, à travers ces monologues d’hommes insatisfaits, mais toujours sur le qui-vive, se profile Joanna dans le sillage d’Étienne qui ne résiste pas à ses étranges manières. Elle est femme de chambre à l’hôtel Plaza où loge provisoirement le jeune homme, elle est aussi étudiante en philosophie et bien autre chose de surprenant encore…
Avec un immense talent, André Girard tisse un chassé-croisé irrésistible de personnages déambulant tant dans notre mémoire que dans ce lieu mythique qu’est la taverne. Taverne et mémoire, parfois, faisant partie du passé. Tout se passe d’un monologue à un autre, tout, c’est-à-dire ce qui fait qu’un être humain bâtit son existence sur des joies, des déceptions. Des clartés, des ombres. Des cris, des silences. Inévitablement, des regrets.
C’est un grand roman que ce dernier d’André Girard. L’auteur, qui se veut léger, nous dépeint un microcosme replié sur des profondeurs auxquelles nul lecteur ou lectrice ne peut demeurer insensible. On souhaite à André Girard les honneurs de grands prix littéraires pour cette très intelligente polyphonie.
PORT-ALFRED PLAZA
André Girard,
Québec Amérique, 208 pages.