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Le premier mardi c'est permis (17) : L'endroit et l'envers

Publié le 04 juin 2013 par Litterature_blog
Le premier mardi c'est permis (17) : L'endroit et l'envers Parce que le célèbre rendez-vous de Stéfie fête ce mois-ci ses deux ans, j’ai voulu marquer le coup à ma façon. Pas de présentation de livre coquin aujourd’hui mais un texte coquin écrit par mes soins. Cette courte nouvelle, c’est tout nouveau pour moi, j’espère que vous saurez vous montrer indulgent. En fait j’en ai eu l’idée après que Cess m’ait fait découvrir le premier chapitre du roman Beautiful Bastard (d’ailleurs elle en parle aujourd’hui, allez-vite lire son billet). J’ai trouvé ça tellement affligeant, tellement mauvais que je me suis dis, n’importe qui peut faire une daube pareille. Et comme je suis vraiment n’importe qui, je m’y suis collé. Bon, je n’ai pas pu faire aussi gratuitement vulgaire que la clit litt actuelle. Le porno pour le porno, pas moyen et puis je crois que cela aurait été ridicule. Donc j’ai fait de mon mieux, comme j’ai pu. A vous de voir…
L’endroit et l’envers
Une étude notariale, c’est mieux que rien. Et puis, qu’est-ce que vous voulez faire avec un brevet des collèges et un CAP au raccroc ? Elle était donc secrétaire à l’étude de Maître Garnier. Une des, parce que, sur les deux étages de la grosse maison bourgeoise adossée au musée, à l’ombre de la cathédrale, une dizaine de femmes s’affairait devant autant d’ordinateurs. Une savante hiérarchie présidait à la dévolution des tâches. Le premier clerc aboyait ses consignes. – les cloisons étaient minces et tout un chacun l’entendait, lors de la réunion des cadres, sermonner son second, un quinqua boutonneux aux grosses lunettes de myope, et glapir, éructer, tempêter, tonner contre Mlle Dupuis, la chef du « pool dactylos » comme il continuait de la nommer – d’ailleurs lui-même persistait à taper ses brouillons sur une Remington hors d’âge pour laquelle on peinait à trouver des rubans encreurs.
Ce dont s’occupait précisément Maryline Levasseur. Elle avait bénéficié d’un beau concours de circonstances pour obtenir ce poste. Le vieux notaire, Maître Garnier père, était un ami du grand-père Levasseur : ils avaient des souvenirs communs dans les Aurès ; ils y avaient essoufflé leurs convictions républicaines. Ernest Levasseur était décédé de son « mal au poumon » l’automne de cette même année où sa petite-fille, successivement et dans cet ordre, entrait dans la vie active et se laissait passer la bague au doigt. Ç’avait été, la noce, la dernière joie de l’aïeul.
L’époux de Maryline était un de ces jeunes gens comme on en voyait beaucoup dans les années quatre-vingt-dix : avides de reconnaissance sociale, pétris d’ambitions, inévitablement glabres et soucieux de s’entourer très vite d’un quarteron de marmots. L’Emmanuel que je vous cause alimentait en automobiles « de standing » la bonne société beauvaisienne et bientôt isarienne puisque le jeune homme, ne vous l’ai-je pas dit ?, nourrissait un projet de carrière assez costaud. La SARL Dumortier lui confia, deux ans plus tard, la direction de la succursale de Saint-Aubin-en-Bray. Il eut vite fait d’étendre son emprise sur les départements circonvoisins, poussant jusqu’à la grande banlieue de Rouen à l’ouest et aux abords de Pontoise vers le sud. Le grand écart, me direz-vous. Justement ! C’est ici que cette histoire se noue.
Les lectrices prudes pourront sauter –  si j’ose dire – le paragraphe qui vient. Qu’elles sachent simplement que vers la Noël les tests confirmèrent la grossesse de Maryline.
Pour les autres, il n’est pas inutile de préciser, dans les limites qu’impose la décence, les conditions dans lesquelles le couple Lehallier – on notera au passage l’incontestable francité du patronyme – pratiquait l’exercice conjugal. Le samedi soir on dînait à la lumière tamisée d’un lampadaire à gradateur. Le mari glissait dans la chaîne un cédé de Puccini. « La Bohème » avait leur préférence. Emmanuel se faisait tendre, « Que gelida manina, Quelle petite main gelée ! Laisse-moi la réchauffer… » Il n’en fallait pas plus pour faire fondre Maryline. Elle noyait son regard – bleues, qu’elle les avait, les mirettes – dans la braise volcanique des quinquets d’Emmanuel (il fut longtemps poursuivi par une conjonctivite tenace). Et quand, au second tableau, Mimi reconquiert Marcello, « l’effluvio del desio tutta m’aggira… », la jeune épousée se laissait prendre la main, glisser les bas, soulever la robe et, chastement, lui s’activait. Sans atteindre les performances chiraquiennes – dix minutes, douche comprise – la chose était réglée avant que la Tebaldi, dans cette version dirigée par Tullio Serafin à l’académie Sainte-Cécile de Rome, n’expire dans les bras de Rodolfo. N’allez pas croire cependant que Maryline s’astreignît à la tâche sans en retirer de satisfaction. Une fois même le missionnaire dut s’y reprendre à deux fois ; tandis qu’il s’échinait, elle ressentit brusquement une vague de chaleur lui emplir le ventre et un soupir lui échappa. Lui, rugissait, les yeux exorbités, avant de glapir comme une âme en peine en l’éperonnant. Il eut la délicatesse de s’en excuser.
Quand elle se retrouva avec un polichinelle dans le tiroir, les effusions sabbatiques cessèrent évidemment. Hélas la grossesse ne se passa pas comme prévu. Elle fit une fausse couche et, lors du curetage, le scalpel du chirurgien lui enleva définitivement tout espoir de maternité. Dès lors le gars Lehallier donna à sa libido de nouveaux terrains de jeu et Maryline s’absorba dans ses tâches secrétariales. Elle milita au Secours Catholique, entra dans une chorale et prit part assidûment aux déambulations dominicales d’un club de randonneurs.
C’est là que notre histoire la trouve. On est en 2001, disons au début juin. Elle a la trentaine. A l’étude elle s’est rendue indispensable et Maître Garnier fils envisage de lui confier la succession de Mlle Dupuis qui, après avoir perdu dents et cheveux (avantageusement remplacés par prothèse et perruque), se voit abandonnée dorénavant par son acuité visuelle. Heureusement pour elle, elle ne se verra pas mourir…
Mais je parlais de Maître Garnier deuxième du nom. Fils tardif de l’Hubert, remarié après un veuvage décent avec une jeune femme qui… que… une jeune intrigante quoi, pour tout dire à peine française car de père italien et de mère corse. Sa photo était parue plusieurs fois dans les pages des magazines, au bras de mondains en vogue. A quarante-deux ans, sa beauté éclatait et son fils en hérita. Je dis « son » fils car, sur la paternité, d’innombrables rumeurs circulèrent. Hubert Garnier s’en accommoda et témoigna envers le rejeton une tendresse dont on ne l’eût pas cru capable. Et Félix, ma foi, la lui rendit. Il fit son droit à Assas puis suivit, quatre années durant, les cours de l’Institut des métiers du notariat à Tours (02.47.05.52.84) dont il sortit major de promotion.
Quand Félix prit possession du bureau paternel, les méthodes changèrent. C’était un dirigeant résolument moderne, il tablait sur les vertus individuelles, ne craignait pas de s’afficher à Paris dans un petit cénacle de patrons progressistes et méprisait Laurence Parisot. On lui prêta très vite des sympathies à gauche et il poussa le goût du sulfureux jusqu’à se faire photographier dans la gazette locale en compagnie de Jean-Louis Borloo, venu dans la ville préfectorale présider une réunion de l’Union cantonale des démocrates et indépendants. D’ailleurs, dans le salon feutré du second où il recevait ses hôtes de qualité, il fit encadrer la pochette du 25cm où un Georges Brassens, cheveux et moustache noirs, veste de velours fauve, colle son oreille au pavillon d’un phonographe ; le vinyle est de 58 et le premier titre en est « Le pornographe »… Mais n’anticipons pas. Provocateur et capable d’écarts par rapport aux ceusses de sa caste mais meneur d’hommes intransigeant. Ton sec, cassant, sûr de lui, « un vrai macho » se disait Maryline in petto. Fallait le voir déchirer froidement sans un mot tout dossier comportant la moindre faute d’orthographe. Et quand la secrétaire éclatait en sanglots d’avoir été si durement rabrouée, il lui jetait avec dédain une pièce de deux euros, « Allez vous acheter des Kleenex© ! »
Il ne fut pas long à repérer les compétences de Maryline Lehallier qui grimpa deux étages et se retrouva sous le feu des jalousies. Quand son mari fit affaire avec lui autour d’une Porsche GT3 (6 cylindres à plat, 4 soupapes, distribution par chaîne, 180000 deutsche marks quand même…), elle osa le convier à dîner. Elle avait mis les petits plats dans les grands, mijoté un tagine d’agneau à la figue tandis qu’Emmanuel se chargeait des vins. Félix arriva, ponctuel, un énorme bouquet de roses blanches à la main… Du repas il y a peu à dire, sinon que la conversation, exclusivement masculine, roula sur la Ligue 1 où l’école nantaise venait de damer le pion aux grosses cylindrées. « C’est comme en amour », lâcha Manu, et les deux hommes éclatèrent de rire. On avait déjà pas mal bu et un peu de grivoiserie ne déparait pas. Maryline sourit poliment et s’éclipsa dans la cuisine vaquer à la vaisselle. Elle s’étonnait des éclats tonitruants de son patron, à qui les silences entendus des secrétaires ne prêtaient guère d’aventures ; de Manu au contraire la voix pâteuse et la syntaxe incertaine lui étaient habituelles en toutes circonstances où l’alcool coulait d’abondance ; il ne tarderait pas à s’assoupir dans le canapé... Dans les tintements des assiettes et l’entrechoc des verres, elle perçut des mots qui ne laissaient guère de doute sur la conversation masculine, elle rougit à certains. Aussi décida-t-elle, une fois desservi le café et les tasses, de prétexter d’une grosse fatigue pour monter dans la chambre. Dix minutes plus tard, elle éteignait la veilleuse et s’abandonnait à Morphée.
Elle ne sentit pas, dans la nuit, le drap glisser à ses pieds, sa nuisette se relever jusqu’à la taille et ses jambes s’écarter, livrant passage à un souffle. Prise dans son rêve, elle ne ressentit d’abord qu’une douce chaleur gagnant le milieu de son corps. Le zéphyr sur les poils de son pubis l’éveilla. Machinalement elle allongea le bras pour saisir le drap mais sa main tomba sur une chevelure. Elle n’eut pas le temps de s’en étonner car brusquement une humidité inhabituelle lécha ses petites lèvres avec une infinie caresse, s’insinua dans les plis de son prépuce et lapa le gland de son clitoris. Une fois, deux fois, puis goulûment. Un élancement subit lui arracha un soupir. Elle se garda bien d’ouvrir les yeux. Jamais encore Emmanuel n’avait aventuré la langue en ces contrées dont elle-même ne devait qu’à l’inadvertance du gant de pressentir que peut-être ils renfermaient des trésors interdits. La langue à présent balayait la longue fente avec application et, chaque fois qu’elle parvenait au sommet de sa trajectoire, une onde de plaisir l’inondait. Un fourmillement d’aiguilles dans tout le bassin. Elle sentit durcir la pointe de ses seins cependant que des paumes à présent effleuraient l’intérieur de ses cuisses. C’était une sensation nouvelle, comme si son corps s’éveillait. Les baisers déposés dans le creux de l’aine étaient d’une telle délicatesse qu’elle dut réprimer un sanglot. Des bras passèrent doucement sous ses jambes pour relever son bassin. Dans le mouvement, elle sentit le frais de la nuit entrer dans son sexe qui était complètement ouvert. Le tiède de la salive le noya tout aussitôt, cependant que la nervosité maîtrisée de la langue lui tira un frémissement. Il lui semblait qu’à chaque poussée buccale elle se creusait davantage mais que, du plus profond de ces endroits-là que jamais elle n’avait osé nommer, montait une lame de fond qui n’attendait qu’à déferler.
Emmanuel laissa glisser la langue dans la petite vallée que dessinaient ses fesses. Un frisson lui creusa les reins mais les caresses de l’homme sur ses rondeurs détendirent sa contraction, lui ouvrant son déduit. Sa langue s’immobilisa sur le méat obscur, elle le titilla, il finit par s’ouvrir, elle y plongea plusieurs fois vélocement, écartant sa rosette. Maryline à cet instant se sentait dans un état d’abandon qu’elle n’avait jamais connu, dont elle n’avait même jamais soupçonné qu’il pût exister. Ses quelques incursions dans le domaine du sexe se limitaient aux tolérances de la décence. Elle savait bien qu’Emmanuel faisait de fréquents accrocs à la fidélité mais elle n’imaginait pas qu’il pût faire autre chose avec ces femmes que « raidir, ramoner, décharger » comme elle l’avait une fois entendu dans un film trivial. Il y avait là-dedans quelque chose d’animal, comme sont les hommes, elle le savait bien. Et pour elle l’exercice n’était qu’un devoir. Parfois, à l’étude, se faisaient jour des conversations un peu scabreuses. Elle prenait garde de s’en mêler et finissait par se lever sous un prétexte ou sous un autre. Ces choses-là n’étaient pas pour elle.
Elle inspira profondément quand la bouche d’Emmanuel, mordillant son clitoris, lui traversa le corps d’une flèche brûlante. Elle fit mine de se troubler dans son sommeil. L’homme s’écarta quelques instants, elle sentit ses mains se poser plus haut dans le lit, sous ses aisselles. Elle entendait distinctement son souffle très près de son visage. Et alors, lentement, avec infiniment de lenteur, il poussa son sexe en elle. Elle le sentit glisser, prendre possession de son corps, emplir l’immense vide que ses caresses avaient creusé. Comme si elle, elle enveloppait son corps à lui, comme si elle l’avalait. Elle aurait voulu, à cet instant précis, lui mordre la bouche, se jeter sur son visage, sur son cou, boire tout ce qu’il avait de liquide en lui. S’effondrer dans un chaos des sens. Mais il eût fallu renoncer à jouer les belles endormies.
Emmanuel maintenant allait et venait à un rythme mesuré. Elle sentait que tout en elle lui facilitait la tâche en lubrifiant abondamment son dard. Elle fondait sous les assauts. Elle s’étonna de ne pas hurler tant le corps lui brûlait. Elle eut la sensation d’être en apnée dans un bain juste trop chaud. L’homme arqua brusquement les reins en une ultime poussée. Elle eût voulu que son sexe lui fendît le corps jusqu’en haut et elle sentit la rosée divine se ruer en elle. Sa  gorge palpita longtemps. Elle eut un goût sucré dans la bouche. Alors l’homme expira interminablement.
Puis il y eut le léger bruit de la poignée de la porte, un glissement de pas sur le parquet, des froissements d’habits… Le sexe de l’homme s’échappa avec lenteur. Et de nouveau des baisers sur ses chairs en feu, une tendresse de langue sur ses petites lèvres. Deux mains saisirent ses hanches et la soulevèrent. Un corps se glissa sous le sien, dans le biais du lit, et elle sentit la dureté d’un mandrin contre son pubis. Elle se retint de japper quand à nouveau son sexe livra passage. Les mains l’assujettirent contre le torse de l’homme qui s’agita, d’abord avec délicatesse, puis avec des élans qui, très vite, lui firent à nouveau chanter l’introït. Elle en était là de la grand-messe quand le diacre, quittant le tabernacle, frotta longuement sa chandelle contre son périnée avant de trouver l’entrée de la sacristie. Jamais on n’avait forcé cette porte mais le servant y mit tant de conviction qu’elle détendit ses muscles et laissa le chibre aller à son gré au plus profond de son fignedé. Ainsi éperonnée, elle ne pouvait que s’abandonner. Le cierge coulait de partout. C’est alors qu’elle sentit, sur le devant, un intrus forcer la porte pour la saillir. Instantanément elle jouit. Les deux braquemards menèrent une folle sarabande, mettant son corps à vif, la brûlant par tous les bouts, la soubresautant comme un sac de noix, la souquant par devant er par derrière sans qu’elle ne sache plus où était la proue et où la poupe et, quand elle fut au comble de la godille, une déferlante la submergea. Elle perdit pied, elle sombra, elle s’époumona dans des halètements d’ânesse, elle y alla de son périple, elle mourut.
Puis il y eut des froissements d’habits, des glissements de pas sur le parquet, un baiser léger déposé sur ses lèvres. Elle frissonna au picotement de la moustache. La poignée de la porte  joua. Elle fut seule. Le corps anéanti.
***
« C’est parfait, Mme Lehallier, parfait ! »
Elle venait de remettre à Maître Garnier fils un épais dossier sur le règlement de la succession Di Pozzi, un peintre de renom dont les héritiers se déchiraient et entre qui le conflit semblait sans autre issue que le tribunal. Une ultime réunion de conciliation était prévue le surlendemain. Le travail de Maryline Lehallier était une merveille de diplomatie, et d’une telle minutie que tous les cas trouvaient une réponse imparable.
« Je ne sais comment vous remercier… »
Il la regarda avec quelque chose d’une sincère reconnaissance. Il avait dénoué sa cravate et reposé son stylo sur la table. Maryline se leva, contourna le bureau. Elle osa glisser la main vers son visage. Il ne bougea pas. Du doigt elle parcourut la longueur de ses lèvres, d’une commissure à l’autre ; revint en sens inverse, l’ongle effleurant la moustache, qu’il avait fine et soigneusement taillée. Elle souleva lentement sa robe blanche. En dessous, elle était nue. Elle mit la main sur sa nuque et doucement elle attira le visage de Félix Garnier jusqu’à son ventre.


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