Couteau suisse : c’est ainsi que l’une de mes professeures d’interprétation F-LSF, surnommait les interfaces de communication en langue des signes françaises (LSF) car ils se prévalent souvent d’une myriade de compétences et de références impressionnantes qui dissimule en réalité une absence de qualités professionnelles. Un peu comme cet instrument qu’on croit universel mais qui finalement ne coupe pas très bien le saucisson, débouche mal les bouteilles, décapsule difficilement les bières et ne scie pas du tout les branches des arbres.
L’exemple ci-dessous, une annonce parue sur le site leboncoin.fr (merci à Didier pour sa trouvaille), résume parfaitement la situation ambiguë de ces personnes qui se présentent comme des professionnels de la langue des signes française (interface, médiateur, professeur, traducteur…) mais qui en fait ne possèdent ni diplôme ni parcours universitaire ou même études supérieures justifiant une telle mise en avant.
Souvent après avoir suivi une initiation à la LSF de quelques semaines ils ou elles se jugent parfaitement à même d’exercer nombre d’emplois demandant une compétence en langue des signes (que malheureusement ils ne possèdent pas). Mieux certains imaginent même pouvoir enseigner cette langue qu’ils pratiquent si maladroitement !
Je ne souhaite pas ici critiquer les associations qui permettent un rapprochement entre les sourds et les entendants grâce notamment à des animateurs/trices qui, bien que maîtrisant parfois mal la LSF, proposent des activités à des personnes sourdes et/ou entendantes dans le but d’aider ces deux communautés à mieux se connaître ou bien qui organisent des permanences d’accueil et d’écoute au sein d’administrations publiques.
Ils font oeuvre de médiation certes – parfois sans la présence d’interprètes, hélas – mais ils ne s’arrogent pas des titres ou des fonctions qu’ils ne possèdent pas.
Ce que je dénonce inlassablement au fil de mes billets (malgré les nombreuses critiques que cela me vaut comme celle-ci ou celle-là) ce sont des individus comme "Martin" qui, n’ayant suivi aucune formation diplômante, s’arroge le droit d’exercer une activité auprès d’un public souvent fragilisé car mal intégré dans la société française, peu informé, manquant de repères.
Ce sont ces personnes illégitimes que j’accuse effectivement d’exploiter la faiblesse et la naiveté de certaines personnes sourdes pour leur propre bénéfice (financier bien sur) et le contentement de leur ego ("regardez comme je suis gentil, j’aide les sourds").
Cette annonce parue sur leboncoin.fr en est la preuve éclatante et malheureusement, un peu partout en France, des personnes bien ou mal intentionnées profitent du flou entourant la reconnaissance de la profession d’interprète en langue des signes française pour arnaquer des personnes sourdes ou malentendantes.
Cela doit donc nous motiver nous, les interprètes F-LSF, à nous battre pour obtenir enfin des pouvoirs publics une reconnaissance officielle de notre activité d’interprète/traducteur afin d’éviter ce type d’arnaque.
Quand on lit l’annonce ci-dessus on a envie de rire, mais, comme l’écrit un de mes collègues interprète, "interpréter sans compétence, c’est mettre en danger les usagers". Imaginer simplement les dégâts que cause cette femme en traduisant n’importe comment une consultation médicale…