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L’Abyssin de Jean-Christophe Rufin

Par Argoul

à Hrundi

Abyssinia is the old name of Ethiopia. In this novel, J-C Rufin imagines a French newly created ambassador to the Negus, King of the Christian kingdom of Ethiopia during the Louis XIV’s time, 17th century. As in the Molière’s court comedies, this common young man will have to qualify, to succeed and to conquer his fair lady. Which is not easy in the old French society very proud of nobility by birth or by King’s preference. Hre, you get a long, well told and captivating novel, published in 1997 and with a dim recollection of Ethiopia.

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L’histoire se déroule au temps de Louis XIV. Si elle évoque l’Abyssinie, nom Grand Siècle de l’Ethiopie chrétienne, c’est plus comme une contrée fabuleuse que comme un pays réel. La majeure partie des 699 pages du roman parle d’ailleurs peu du pays, mais beaucoup plus de la France et de sa prétention. A cette grande époque, Louis XIV est un dieu soleil autour duquel tout doit tourner, même les mouches, les ordres religieux et le Pape.

Nous avons donc un jeune homme : curieux, hardi, aventureux, aimant ses semblables. Accolons-y une jeune fille : élevée au couvent, regard dépucelé par la vie qu’elle observe, obstinée, aimant une seule personne. Flanquons le couple d’un autre en faire-valoir, Maître Jurémi, huguenot exilé et Françoise, femme qui a eu des malheurs. Voilà pour les héros. Les anti-héros sont un Consul de France, tout empli de sa propre importance comme le veut sa charge “à la française”, quelques intrigants autour de lui et divers Jésuites et Capucins. Comme dans Molière la jeunesse va s’opposer à la vieillesse, la fille au père qui veut la marier contre son gré, autant épris de noblesse que de fatuité, la modernité légère à la pesante tradition.

Et, comme il se doit, l’amour triomphera des convenances et des intrigues.

Jean-Baptiste Poncet, apothicaire exerçant la médecine sans être diplômé de faculté, est heureux au Caire, dans ces échelles du Levant qui offrent à un jeune homme sans naissance et sans fortune toute l’initiative qu’il peut prendre. Tout jeune qui se rend aujourd’hui en Californie, à Sydney, Singapour ou Tokyo pour fuir l’inertie française, le malthusianisme des postes et l’esprit de caste - allait hier en orient, où les Turcs appréciaient le savoir pratique. Tout le contraire du consul de France au Caire, homme sans qualité nommé par naissance et faveur, que sa fille retrouve sans l’avoir connue ou presque, élevée au couvent depuis ses sept ans. Faisant venir en recommandé un gentilhomme pour établir la demoiselle, malgré les soupirs de l’intrigant et odorant Macé, son adjoint, Monsieur le Consul de Maillet voit sa fille Alix en décider autrement. Et se faire déflorer exprès pour empêcher le contrat. Puis s’enfuir avec son amant Jean-Baptiste qui sait si bien séduire les plantes, les bêtes et les cœurs vrais.

Avant ce happy-end, la quête du jeune homme doit quand même se dérouler selon les rites : se qualifier pour concourir, vaincre les épreuves, et mériter la belle - tout comme dans les contes. Une suite d’intrigues force ledit Jean-Baptiste à monter une ambassade hasardeuse vers cette Ethiopie qui déteste les prêtres venus de Rome et dont nul n’est jamais revenu. Jean-Baptiste en reviendra parce qu’il ne se prend point au sérieux, nommé ambassadeur auprès de Louis XIV par le Négus lui-même. Il ne profitera pas de ce titre, arraché de haute lutte, pour se hausser du col, une tentative en ce sens échouant sous les intrigues. Jésuites, Capucins et autres ordres “moraux” sont plus soucieux de politique que de foi et pratiquent bien peu cette charité chrétienne qu’ils vantent à longueur de sermons aux autres. Le lecteur ne manquera pas d’y voir une certaine caricature de socialistes au temps de Mitterrand, que l’auteur a fréquentés assez pour en connaître les ressorts. 

Je raille un peu car ce livre au titre éthiopien ne parle point d’Ethiopie, ou si peu. Il parle de l’image jésuitique de l’Ethiopie par les savants de cour (travers très français). Il parle de haute politique accouchant de souris (entre autres parasites). Il parle de la France en son miroir, arrogante, se poussant du col, infatuée, ne considérant la “mondialisation” d’époque que si elle consent à tourner autour de son soleil. Tout Français pourvu d’un statut appartient à une caste ; il prend dès lors ” une expression d’importance, c’est-à-dire, car les deux choses sont fort voisines pour l’apparence, un air offensé et comme indigné par l’outrecuidance de ces indésirables intrus. ” p.515

Jean-Christophe Rufin a ainsi de ces expressions qui sont autant de bonheurs de lecture. Elles rendent ce roman d’aventure digne d’être lu. Bien écrit, enlevé, assez gros pour savoir durer le temps d’un voyage, il manifeste que l’auteur aime ses personnages - et c’est là tout, si l’on veut qu’un roman soit bon.

Jean-Christophe Rufin, L’Abyssin, 1997, Folio 699 pages, Prix Goncourt du Premier Roman, Prix Médicis 1997.


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