Revu avec un regard nouveau depuis l'affaire DSK, hier soir sur Arte, ce film de Brian de Palma, tiré d'un roman à succès de Tom Wolfe, publié en 1983. Titre eponyme : The bonfire of the vanities.
Le film lui-même est sorti en 1999. Au moment de sa sortie, le film fut un échec commercial important. Aujourd'hui, le scénario semble avoir été écrit après les événements que nous avons vécus récemment.
Le choix de programmer ce film maintenant, au moment où DSK, après la séquence américaine, va devoir affronter la justice française pour l'affaire Banon, n'est sans doute pas un hasard.
L'histoire de cet homme riche et puissant vaudrait sans doute à l'adaptation cinématographique, si elle sortait sur les écrans aujourd'hui, un succès immédiat.
Ce richissime financier est accusé d'avoir pris la fuite après avoir renversé un adolescent noir dans le Bronx, une nuit où, en compagnie de sa maîtresse qui conduisait sa voiture, les deux amants avaient pris par erreur une bretelle de sortie conduisant dans un quartier où des gens de leur classe sociale ne s'aventurent jamais habituellement,
La descente aux enfers de cet homme fait étrangement penser à ce qui est arrivé à l'ancien directeur du FMI.
Qu'on en juge par l'intrigue, le personnage principal et les protagonistes qui s'agitent autour de son cas pour le faire choir de son piédestal et se construire une notoriété à ses dépens :
- Le procureur de New york, un juif accusé de racisme par la communauté noire et qui doit prochainement affronter une élection non gagnée d'avance, tient absolument à prouver qu'il se montre impitoyable envers les riches blancs et qu'il défend la cause des humbles et des opprimés constituant la majorité de son électorat dans le district où l'accident s'est produit. ce district n'est autre que le Bronx, le même quartier où DSK devait être jugé si les autorités n'avaient pas abandonné leurs charges....
- Le pasteur du quartier où l'adolescent s'est fait renverser, autoproclamé meilleur défenseur de la communauté noire, comprend tout le parti qu'il peut tirer de cette situation pour se constuire une notoriété en instrumentalisant la rancoeur des pauvres, des minorités ethniques, contre les privilégiés qui sévissent à Manhattan. A cet égard les scènes de tribunal, pendant lesquelles l'assistance, raccolée par les associations pour faire pression sur le juge, rappellent étrangement celles où la haie de femmes de chambres conspuait DSK à son arrivée au tribunal, ceci au nom des humbles, des "non blancs"
- Le révérend activiste fait également étrangement penser à l'avocat de Nafissatu Diallo, qui a choisi comme stratégie une ligne de défense dénonçant une justice de classe et "raciale".
- La mère de l'adolescent, elle-même, n'est pas si éloignée de la femme de chambre prétendument violée par notre Frenchy queutard invétéré et néanmoins ancien présidentiable, puisqu'elle se laisse manipuler par le pasteur et les associations en espérant récolter une somme rondelette pour elle-même, son fils étant dans le coma et ne semblant pas pouvoir profiter un jour de cette manne financière.
- Que dire également de l'association des locataires de l'immeuble de luxe ou réside le présumé coupable, qui lui demande de quitter les lieux car il gène les résidents respectables qui ne veulent plus de lui. On se souvient de l'épisode où DSK s'est vu lui-même refuser par les locataires d'un immeuble où il voulait louer un apartement, le privilège de partager leur "humble résidence" et dut trouver à prix d'or un immeuble occupé uniquement par lui et sa femme.
- Autre scène qui fait immanquablement penser aux images de DSK menotté, celle de l'arrivée au tribunal. Son avocat l'avait rassuré en lui prédisant une simple formalité, mais dans la voiture de police, les officiers lui annoncent qu'ils doivent lui passer les "pinces", et une foule de journalistes prévenus sans doute par le procureur et attirés comme des mouches par le scandale et la chute d'un puissant l'attendent sur les marches du palais de justice pour le crucifier de leurs flashes fouineurs.
- La femme du chauffard présumé ne ressemble certes pas à Anne Sainclair, car elle ne tarde pas à le quitter dès qu'elle apprend sa mise en examen, et alors même qu'elle n'a pas encore connaissance de sa liaison avec celle qui conduisait la voiture au moment de l'accident.
De Palma ne pouvait évidemment pas penser à DSK quand il a réalisé son film, ni l'auteur du livre envisager que les frasques d'un riche homme politique français illustreraient un jour à merveille le récit qu'il avait conçu pour dénoncer les travers et dysfonctionnements du sytème judiciaire américain. Mais on ne peut aujourd'hui que s'étonner, malgré la caricature parfois outrancière de la fable, du caractère prémonitoire de l'oeuvre littéraire et de son adaptation cinématographique.
Ceux auxquels le parallèle que je fais ici avec l'affaire DSK a donné envie de voir le film peuvent consulter les lignes ci-dessous :
D'où vient l'expression bucher des vanités ? (extrait d'un article de wikipedia)
Le Bûcher des Vanités (en italien : Falò delle vanità) a lieu le 7 février 1497 quand les disciples du moine Jérôme Savonarole rassemblent des milliers d’objets pour les brûler, à Florence, le jour du Mardi Gras.
Les objets visés par cette destruction sont ceux qui poussent au péché, spécialement ceux qui touchent à la vanité, comme les miroirs, les cosmétiques, les robes richement travaillées, les bijoux, les instruments de musique. D’autres objets aboutissent sur le bûcher : livres immoraux, chansons non-religieuses, images licencieuses. Quelques chefs-d’œuvre de la peinture florentine, des nus d’inspiration mythologique de Botticelli sont portés par le peintre lui-même au bûcher.
De tels bûchers ne sont pas une invention de Savonarole, et accompagnaient fréquemment les sermons hors des églises de saint Bernardin de Sienne, dans la première moitié du XVe siècle.
Distribution : Elle est particulièrement efficace, avec Tom Hanks dans le rôle du présumé coupable, Mélanie Griffith, délicieusement perverse en maîtresse intéressée, qui témoigne contre son amant au procès. Morgan Freeman est excellent comme d'habitude dans le rôle du juge intègre qui, bien que noir, refuse de transformer le procès en instrument d'agitation sociale et de levier politique. Il y a aussi Bruce Willis, qui pour une fois, ne se commet pas dans un navet hollywoodien où les méchants tombent comme des mouches. Ici, il joue le rôle d'un journaliste qui dans un premier temps, comme la plupart des ses confrères et bien que persuadé de l'innocence de celui que tout le monde accuse, tait ce qu'il sait pour aller dans le sens de ce que son rédacteur en chef et le public du journal souhaitent entendre, puis comme tout le monde ensuite, applaudit lorsque la victime expiatoire des media et bouc émissaire idéal cristallisant sur son nom toutes les frustrations des laissés pour compte du rêve américain est innocentée. A la fin du film, on le voit recevoir le prix Pulitzer pour un livre dans lequel il surfe de manière opportuniste sur une opinion publique toujours changeante au gré des fluctuations de l'actualité. Tout le monde, y compris ceux qui voulaient à tout prix brûler le financier sur ce bûcher des vanités post-moderne, salue désormais le sytème et ses protagonistes institutionnels divers, qui ont su reconnaître leurs erreurs, blanchir l'innocent.
La justice a triomphé comme on dit, mais le faux happy end laisse au spectateur un goût amer.
D'autre procès en sorcellerie, dans lesquels des avocats et des partis instrumentalisant la haine raciale et celle de classe, feront la une de l'actualité. Les boucs émissaires que sont les riches et les banquiers, (qui se trouvent parfois être juifs également, comme le financier du film et DSK.........), seront à nouveau désignés comme responsables de tous les maux sociaux par les damnés de la terre et ceux des politiciens qui font croire à leurs sectateurs qu'il suffirait de punir les puissants et de récupérer l'argent confisqué par un grand complot de la finance cosmopolite pour aller vers un avenir radieux.
A chaque extrémisme son bouc émissaire. Pour l'extrême droite et la droite populiste, ce sont les émigrés qui sont responsables de tout. Pour l'extrême gauche, la gauche extrême, et parfois également pour une partie de la gauche qui se dit modérée, les nouveaux grands complots contre la république, la démocratie, la culture, sont fomentés une fois de plus (l'histoire se répète...) par les banquiers, les traders, et bien sûr leurs complices de la presse et des media aux ordres du pouvoir.
CQFD, l''angle droit bout à 90° ...............