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Disgrâce

Par Jcfvc
disgrace.jpgJe voudrais ici parler d'un film sur l'Afrique du sud, dans lequel joue pourtant john Malkovitch et dont on ne parlera sans doute pas autant que d'Invictus.
Le dernier film de Clint Eastwood n'est pas désagréable à voir. Il a le mérite de montrer à un large public, comment le grand leader noir, prenant à rebours les dirigeants de l'ANC et les militants de base, ainsi que beaucoup de noirs et de métis je suppose,, a contribué à éviter un bain de sang à son pays en optant pour le pardon et pour une politique consistant à associer les blancs à la construction d'une Afrique du sud où les races pourraient enfin cohabiter.
Mais le film de Eastwood pôse et résout les problèmes de manière Hollywoodienne et ne nous apprend pas grand chose de la réalité de ce pays, des tensions qui subsistent entre communautés. Le message est politiquement correct. C'est celui que la majorité des gens qui rejettent à juste titre l'apartheid ont envie d'entendre aujourd'hui. Mais, à être trop simpliste, le message a du mal à être véritablement crédible. Ce serait trop beau pense-t-on, si les choses étaient si simples, s'il suffisait d'un match de rugby pour effacer les traces d'un passé si violent.
Disgrâce, lui, nous offre une image totalement opposée de la nouvelle Afrique du Sud. Sans céder à une nostalgie neo-ségregationiste, c'est ici un pays non réconcilié qui nous est décrit, un pays où les blancs minoritaires doivent payer un tribu au passé, où la mauvaise conscience fait accepter à certains les pires humiliations de la part de ceux que leur communauté oppressait jadis.
Tiré du formidable roman de Cotzee, prix Nobel de littérature en 2003, le film est fidèle au texte et ne trahit pas, je crois, ni la lettre, ni l'esprit de l'oeuvre littéraire, même si les analyses sociologiques et psychologiques contenues dans le roman sont bien plus puissantes et plus profondes que celles du film, simplement suggérées par l'image et quelques dialogues. 
Un professeur de littérature, spécialiste de Byron et des romantiques, tente de faire partager sa passion à des élèves un peu endormis et peu intéressés par son discours. Il fréquente assidûment les prostituées pour assouvir ses désirs. Il a un discours ambigu sur une sorte de légitimité de l'instinct de chasseur du mâle envers envers des partenaires féminines. Il ne viole pas, mais profite de son aura (et peut-être de sa position hiérarchique de prof) pour coucher avec une étudiante métisse. Il doit quitter son poste pour avoir refusé, devant le conseil de discipline de l'université, d'exprimer des regrets quant à son acte et pour s'être contenté de plaider coupable.
Il arrive chez sa fille qui exploite seule une ferme isolée dans le bush. Son amie (Les deux femmes sont lesbiennes dans le livre, mais ce détail n'est pas vraiment précisé dans le film) vient de quitter l'endroit.
Le père s'aperçoit rapidement que l'employé noir se comporte comme si la propriété lui appartenait et qu'il devait reprendre ses droits à la terre un jour ou l'autre. Il interroge sa fille à ce sujet, mais cette dernière semble résignée au fait que dans la nouvelle société, la communauté blanche doit accepter une dépossession progressive des privilèges que les Afrikaners se sont octroyés injustement.
La feme est attaquée un jour. La fermière blanche est violée et les agresseurs tentent de transformer le père en torche humaine. Suite à cette attaque, la fille refuse de porter plainte et ils s'aperçoivent que Petrus, l'employé noir, connait les assaillants et a peu être commandité l'attaque afin de décourager la propriétaire du lieu et de récupérer ses terres, sur lesquelles il commence d'ailleurs à se construire sa propre maison dans une grange qu'elle lui a cédée.
On apprendra par la suite que la fille du professeur ne se fera pas avorter et acceptera d'épouser Petrus, le futur véritable patron des lieux, pour être "protégée" de la convoitise et de la haine de ses voisins noirs.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser ce petit résumé, bien qu'aux antipodes de l'optimisme d'Invictus et de la forte demande d'histoire sainte que nous avons envie d'entendre et qui est véhiculée dans les médias, c'est un tout autre pays, qui nous est dépeint ici. La vision est pessimiste. Les personnages blancs, surtout le prof, ne sont pas du tout des "héros positifs", mais ne sont aucunement non plus nostalgiques de l'ancien ordre. Ils essaient au contraire d'établir des relations harmonieuses avec leurs voisins africains, mais réalisent que l'ancien monde est en train de vaciller, qu'ils vont devoir payer cher la souffrance que leur communauté a fait subir aux noirs et aux "non blancs".
Le prof de fac en est réduit à aider une blanche vivant dans le bush à euthanasier des chiens abandonnés. Est-ce une métaphore du sort qui attend les Afrikaners ?
J'ai comme l'impression, en entendant les reportages sur l'Afrique du sud contemporaine, que le pays que nous présente Coetzee est plus proche de la réalité que la bluette hollywoodienne que nous propose Eastwood et qui fut encensée béatement par la critique, pour des raisons plus idéologiques qu'esthétiques.
En tout cas, si vous avez vu Invictus, et si Disgrâce passe dans un cinéma près de chez vous, courez voir ce film. Vous aurez ainsi deux versions complémentaires d'une même réalité.
Sur Arte, récemment, un documentaire sur la lutte héroïque, humaniste et néanmoins inflexible de Mandela contre l'Apartheid a montré bien mieux qu'Invictus, ce que fut cette lutte et les compromis (qui ne furent jamais concessions) que le grand leader noir dut conclure pour éviter un bain de sang à son pays. Une leçon que devraient méditer chez nous et ailleurs les adeptes du "tous pourris", qui n'ont comme programme alternatif de gouvernement, que de vouloir mettre en prison tous les les hommes  politiques coupables (et même ceux qui sont suspectés seulement !) de faits de corruptions beaucoup moins graves que ceux commis par les anciens bourreaux de l'apartheid, qui eux furent pardonnés par leurs victimes (ou en tout cas par les tribunaux de la nouvelle société mis enplace par l'ANC grâce à l'influence de Mandela et de gens comme Desmond Tutu sans doute.....
Je ne suis pas sûr que le nouveau président et les nouveaux dirigeants du pays soient à la hauteur de leur prédecesseur........  Espérons que je me trompe et que Coetzee se trompe aussi dans la  vision extrêment sombre de son pays qu'il nous communique dans ses mots et que le film tente de traduire en images....

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