Mon vaisseau a atterri sur l'île de Montréal en 1992.
Ce n'est probablement pas plus tard que l'année suivante que les trois colocataires étudiants que nous étions savions déjà que Laval était l'épicentre de la corruption. Pourquoi? parce que nous avions des oreilles et de yeux. Parce que nous étions étudiants, pas juste scolaire, d'abord et avant tout étudiants de la vie en société.
Et nous apprenions que pour tricher en toute impunité, il fallait s'exiler vers le Nord, ça allait de soi. C'était d'abord une rumeur, une blague comme on en fait sur les newfies, mais inévitablement, du maire à la jeune fille qui prenait l'autobus pour se rendre downtown à partir du jeudi, les gens de Laval avaient une tolérance à la magouille naturelle. C'était entendu.
Je me rapelle encore avoir jasé avec cette infirmière de la Cité de la Santé de Laval, j'étais alors célibataire et je voyais bien qu'elle me travaillait après une soirée bien arrosée pour que nous allions nous allonger ensemble quelque part. Je me rappelle que tandis qu'elle me négociait une possible nuitée, moi je lui parlais surtout de sa ville. J'étais bourré de préjugés et je tentais de démystifier le vrai du faux. Le simple fait qu'elle soit originaire de Laval la plaçait dans la catégorie des filles qui ne pouvaient tout simplement pas m'intéresser. Elle s'en était pris verbalement à moi en fin de soirée tentant de me faire dire ce que je n'avais jamais promis: que je lui devais un lift à Laval. Oui, elle était italienne...Non je ne lui ai pas fais de lift. Je n'étais pas cocher de carosse.
Il y avait quelque chose dans ce (alors futur) 450 qui m'agaçait profondément et c'était probablement ce qui m'agaçait aussi chez certaines personnes du 418 dont j'étais issu: le manque d'envergure.
À Québec, j'habitais à 30 minutes de marche du centre-ville. Bien souvent, je m'y rendais à pied afin de rejoindre mes amis (qui habitait relativement près aussi) quand nous sortions en ville. Sortir en ville pour moi et mes amis n'était pas une extension tellement plus grande que de se rendre à l'école. Nous allions à l'école de la vie. La proximité ne rendait pas la sortie terriblement exceptionnelle, c'est ce que nous en ferions de cette soirée qui rendait l'ensemble mémorable. Quand nous rencontrions des filles/des gars de Charlesbourg/Beauport/de la Rive-Sud, nous rencontrions des gens qui semblaient simplement se féliciter de tout simplement sortir en ville. Il y avait comme une sorte d'émerveillement béat qui les rendait gagas. Comme si l'idée d'être en ville en soi, un samedi soir, était une folie d'une telle ampleur que ça engourdissait toute initiative autre que l'acte de présence. Alors tant qu'à rester debout, après être resté planté émerveillé à regarder les lumières en prenant un drink, ses gens dansaient. Sans se parler. Ils dansaient toute la soirée. Et repartaient en s'échangeant peu de mots. Mais après avoir beaucoup crié, dansé et chanté. Entre Gurdas/Gurdés.
Les filles de Laval trempaient dans les mêmes eaus à nos yeux. Sortir à Montréal, c'était la grosse activité qui, à sa simple évocation, allait donner des frissons aux filles avant de les rendormir dans la platitude leur ville sans envergure. C'était du pur snobisme injuste de ma part. Je ne connaissais pas la ville du tout et la jugeais selon ce que mon instinct me commandait. J'avais quand même eu une amoureuse originaire de Chomedey quelques mois avant, alors que j'étudiais dans le 819, qui m'avait en somme aussi enligné sur ce type de cheminement mental mais bon... Les rumeurs sur le banditisme pouvait donc être aussi de l'ordre du jugement injustifié.
Toutefois quand j'ai travaillé dans un magasin de musique & livres de 1995 à 1997, je travaillais à Laval, sur le Boulevard au nom d'un grand architecte Français. Un architecte controversé, justement...J'étais donc dans les loges pour rencontrer TOUS types de lavalois, je travaillais dans le service à la clientèle.
...
Si j'avais quelques préjugés auparavant, LÀ, ils se sont tous confirmés.
Je travaillais avec de très belles filles mais qui semblaient coincées en 1964. Elles avaient des photos d'elle-même en train de sourire à Dieu. Vous savez cette tête qui regarde le ciel tout en sourire de côté avec une main près du visage afin d'accueillir le tout puissant...Et les clients...Holàlà...Ça m'a dégoûté du service à la clientèle à vie.
Bien que je m'étais juré à l'époque de ne jamais habiter la région, par amour, j'y ai acheté en 2002. L'ironie veut que l'argument principal de la belle était: Montréal n'est pas une ville pour élever des des enfants...HA!
Et après plus de dix ans, j'ai pu être témoin à tous les niveaux et à toute heure du jour de ce que l'on raconte sur la mafia et du naturel avec lequel la crosse est une seconde nature dans la région. Si vous saviez le nombre de gens qui se sont pointés pour faire mon asphalte, c'en est une véritable caricature.
"M'a t'lé faire tout d'swuite ça va prendre just oune heure, mon chum, porkéséfaire tou veux pas? C'mon! "
Dans les arénas ou les clubs sportifs, les commissions scolaires, c'est encore plus absurde.
Money speaks, that's all, mon chum.
Alors que tant de gens aient su, et que malgré tout, cette corruption ait pu se maintenir pendant des décennies: pas anormal du tout. Des têtes de crapules comme ça, il y en a des tonnes par chez nous.
Que la ville soit maintenant sous tutelle, n'est synonyme que de jour de vraie collecte des vidanges.
Vous vous rappelez du MacLean qui avait fait sa Une avec la province la plus corrompue au pays?
Vous vous rappelez de la commotion que ça avait créé chez nous?
Vous défendriez notre province aujourd'hui?
J'avais une bonne dose de mépris pour la ville que j'habite.
Je l'ai toujours semble-t-il.