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Andrea Calmo, à propos du Tintoret

Publié le 10 juin 2013 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

« Les secrets d’un [artiste] sont infinis, et infinies les choses qu’il doit prendre en considération. C’est pourquoi il est téméraire de juger précipitamment ses actions, car bien souvent ce que tu crois qu’il fait pour un motif, il le fait pour un autre, et ce qui te semble fait au hasard ou imprudemment est fait à dessein et fort prudemment. »

François Guichardin – Ricordi (1530)

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Voici une lettre pleine d’humour écrite par un ami d’enfance du Tintoret (1519-1594), Andrea Calmo (1510-1571), lui aussi fils de teinturier, qui devint l’un des plus grands comédiens de Venise au XVIème siècle.

« Au favori de la nature, mixture d’Esculape et fils adoptif d’Apelle,
Messire Jacopo Tintoretto, peintre.

Tel un grain de poivre qui recouvre, assomme et vaut l’arôme de dix bottes de pavots, c’est ainsi que vous êtes, vous qui êtes du même sang que les Muses. Bien que né depuis peu, vous êtes pourvu de beaucoup d’esprit et d’intelligence; votre barbe est peu fournie mais votre tête est bien pleine; votre corps est petit mais votre cour est grand, bien que jeune en âge vous êtes mûr en sagesse; et dans le peu de temps où vous avez été apprenti, vous avez appris davantage que cent qui sont nés maîtres. (…)

Parmi ceux qui chevauchent le Pégase de l’art moderne, il n’en est pas de plus habile que vous dans la représentation des gestes, attitudes, poses majestueuses, raccourcis, profils, ombres, lointains, perspectives. On peut bien dire, en somme, que si vous aviez autant de mains que de qualités de cour et d’esprit, il n’y aurait pas de chose que vous ne puissiez faire, aussi difficile fut-elle. Vous m’êtes bien cher, oh mon frère, je le jure par le sang des moustiques, car vous êtes ennemi de la paresse : vous passez votre vie partagé entre l’accroissement de votre gloire, la restauration de vos forces physiques et l’édification de votre esprit. Cela s’appelle travailler pour en tirer bénéfice et gloire, manger pour vivre et ne pas dépérir, et faire de la musique et chanter pour ne pas devenir fou comme certains qui s’adonnent tant à leur art qu’ils en perdent d’un coup la raison et leur tête. (…) »(1547)

Delle lettere di M. Andrea Calmo

Loin du peintre persécuté, solitaire et renfermé que certains nous ont décrit, on découvre, dans cette lettre joliment imagée de ce superbe écrivains (nous vous le ferons mieux découvrir, c’est promis), un homme qui aime les arts et qui dévore la vie en même temps qu’il construit sa gloire en travaillant son art.

Il aimait lire les philosophes, les satires de son temps, jouer de la musique, chanter avec art, et écrire quelques saynètes pour les compagnies della calza (troupes de comédiens aristocrates, reconnaissables à leurs pantalons multicolores).

Il semble qui menait une vie saine et tempérée, qui ne néglige pas les réjouissances du corps et de l’esprit.


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