La Bière en Fête par Patrick Faus
Boisson populaire et internationale par essence, la bière a toujours été plus riche et plus complexe que l’on voulait bien le croire au premier abord. On boit une bière en vitesse sur un rade quand on a une belle soif d’été, une bouteille à la maison en ouvrant le frigo comme les américains, en pique-nique, avec des amis, seul, la bière marche à tous les coups. Il y en a de toutes les couleurs (ou presque), de tous les goûts, et de tous les styles. Variété, richesse, différence, industrielles et artisanales, de grands brasseurs ou de petites structures, la bière est notre quotidien et accompagne l’homme depuis la nuit des temps. Il était temps de mieux la connaître.
Ce n’est pas une nouvelle spécialité médicale, ni une nouvelle école de pensée philosophique, mais plutôt une manifestation autour de la bière dont les biérologues en seraient les nouveaux passionnés. Elle serait une véritable science du service, de savoir parler du produit et surtout de savoir le déguster. Le 21 mai 2013, cette Biérologie était à Beaubourg pour plusieurs manifestations autour de la bière. Spécialistes, amateurs éclairés, restaurateurs et agriculteurs, étaient présents pour fêter l’évènement. On pouvait s’y promener sur le Chemin du Biérologue, sorte de parcours initiatique à travers six expériences inédites. Le Marché des Saveurs permettait de rencontrer les agriculteurs autour des ingrédients naturels de la bière. Les Alliances Mets et Bières étaient sous la houlette des Maîtres Restaurateurs pour découvrir le plaisir nouveau de la bière à table.
Finale de la 8ème édition du Concours de Biérologie
À l’initiative de la marque Heineken, leader de la filière bière en France, les différentes épreuves avaient pour but de vérifier la « culture bière » des seize finalistes du concours. Service au verre ou à la bouteille, création d’un cocktail, analyse des saveurs et des arômes de différentes bières, et la capacité à proposer des alliances bières/mets pour tout un repas. Le gagnant fut Antoine Vidal du CFA Médéric, à Paris. L’acteur François Berléand était le coach des candidats et le chef Christian Etchebest (Cantine du Troquet et Cantine du Troquet Dupleix), le parrain de la manifestation et du concours.
Questions à Christian Etchebest
Pourquoi cette participation avec Heineken à la Biérologie ?
Ils sont venus me trouver parce que mes restaurants ont une image de convivialité et de partage et qu’ils recherchaient un chef avec cette image. Le fait que cette manifestation soit dédiée aux jeunes m’a plu. On m’a donné beaucoup dans ma carrière et maintenant je donne.
Quels sont vos rapports avec la bière ?
J’ai toujours mis le vin en avant dans ma vie et dans mes restaurants. Pour moi, la bière avait un coté festif, c’est désaltérant, mais je ne suis pas un profane. Avant de participer au concours, j’ai passé trois heures avec Hervé Marziou, grand spécialiste et passionné, et j’ai beaucoup appris. Aujourd’hui, il faudrait arriver à surprendre la clientèle en leur proposant, avec certains plats bien précis, de boire une bière.
Avec quoi buvez-vous une Heineken ?
Pour me désaltérer. En fin de repas aussi. J’ai fait un haddock fumé, céleri et pommes vertes, avec une Fischer ambré, c’est remarquable. C’était une idée d’Hervé Marziou. Je rentre dans le monde de la bière par la petite porte, mais c’est passionnant.
Rencontre avec Hervé Marziou
Il a 35 ans de carrière chez Heineken, il est diplômé du cycle sur le Goût, la Gastronomie et les Arts de la Table de l’Institut des Hautes Etudes du Goût. Lorsque Heineken crée la fonction d’Expert Biérologue, c’est pour lui. Le concours de Biérologie est lancé en 2005 sous son impulsion.
La rencontre s’est déroulée dans l’excellent et recommandable bar à bières artisanales « La Fine Mousse », 6 avenue Jean Aicard, 785011 Paris. www.lafinemousse.fr
Ouvert tous les jours de 17 h à 2 h du matin.
Il semblerait que la bière a été, de près ou de loin, toujours liée au patrimoine gastronomique français ?
Sans aucun doute. La cuisine à la bière se retrouve aujourd’hui soit dans le terroir avec des recettes bien connues issues de régions brassicoles comme le Nord et l’Est de la France, carbonnade flamande et choucroute à la bière par exemple. Il y a aussi un certain engouement dans une brasserie de quartier où le chef aura envie de faire un plat à la bière, où un grand chef qui va tester la bière dans certains plats pour y apporter de l’amertume ou au contraire de l’acidité. On oublie que la France est le premier producteur d’orge de brasseries, de malt, et le premier exportateur au monde de malt d’orge. Je milite d’ailleurs pour le maintien du houblon d’Alsace. Nous venons de présenter le premier houblon bio certifié car il y a eu là aussi des excès de traitements à une époque.
Comment pouvez-vous changer la perception majoritaire que la bière est avant tout désaltérante ?
Cela vient de la méconnaissance de la richesse et de la variété des bières.
Mais on propose rarement cette variété…
Je reconnais que la majorité des bières vendues dans le monde sont de désaltération. Mais on peut la boire et aussi apprendre à la déguster. Depuis la nuit des temps, 12 000 ans avant J.C. selon les dernières découvertes, la fermentation des céréales est une boisson qui a plu à l’homme car meilleure que l’eau et rend légèrement euphorique. N’oublions pas que la Gaule est une terre de bière jusqu’à l’arrivée des Romains, civilisation de la vigne et du vin par excellence. Les abbayes, par la suite, auront un rôle majeur dans la fabrication de la bière et dans son amélioration. Avec la montée des villes, le premier brasseur « laïque » sera un certain Arnoldus à Strasbourg vers 1259. Aujourd’hui, il faut réapprendre à goûter la bière, surtout en prenant son temps.
La couleur d’abord : une bière blanche est plus trouble car le brasseur y ajoute un peu de blé cru donc on a les protéines du blé et une mousse différente. La bière possède six grands bouquets que l’on peut s’amuser à retrouver. La bière ne se boit pas comme du vin ni comme de l’eau. Il faut prendre une franche gorgée pour avoir les saveurs, le pétillement, l’astringence qui vient du houblon, et on redonnera ainsi ses lettres de noblesse à la bière.
Le succès de la bière ne se dément pas…
Il est absolument phénoménal, surtout depuis la création des brasseurs artisanaux. Mais les brasseurs industriels par le volume, ont fait découvrir à la France la bière blanche, les bières d’abbayes (Leffe), les autres ont suivi. Les bières artisanales ont amené une variété énorme et les jeunes acceptent de les goûter. Il y a des magasins et des bars spécialisés.
Comment êtes-vous « tombé » dans la bière ?
Par hasard et c’est plutôt la bière qui est venu à moi. J’étais juriste lorsque j’ai été engagé par Heineken pour gérer le rachat de la Brasserie Alsacienne. Les bureaux étaient dans une brasserie et j’ai découvert chaque jour le monde des brasseurs, de l’arrivée du houblon, les odeurs dans la cour, du goût des premières bières et je me suis vite passionné pour ce monde.
J’en ai beaucoup en fonction du moment, des personnes avec qui je suis. Pour une bière désaltérante : la Pilsner Urquell à la pression. Je vais aller aussi dans des abbayes belges ou dans certains endroits en Alsace.
Les bons endroits bières à Paris ?
La Fine Mousse. Le Bouillon Belge (6, rue Planchat,75020). Le Bar Belge, à Maisons-Alfort. Pour les cavistes : La Cave à Bulles pour les bières artisanales françaises (45, rue Quincampoix, 75004). Le Bootlegger, pour les bières belges (82, rue de l’Ouest, 75014). Pour la cuisine à la bière : le Grain d’Orge (15, rue de l’Arc de Triomphe, 75017).