Pour une fois, un écrivain a la pleine légitimité intellectuelle et culturelle pour aborder, sans complexes mais avec modestie, les turbulences que traverse le monde depuis la fin de la guerre froide.
Amin MAALOUF n’est plus à présenter. Sa place dans le concert des écrivains francophones s’est construite depuis le début des années 1980, par la parution régulière et toujours bien accueillie par la critique et le public, de romans historiques, d’essais sur les questions identitaires et de réflexions personnelles sur ses propres expériences personnelles.
Le titre même de l’essai de Amin MAALOUF, publié chez les Éditions Grasset en 2009 et réédité en LIVRES DE POCHE en septembre 2012, traduit le sentiment général qui dégage encore la situation de la planète : “LE DÉRÈGLEMENT DU MONDE“.
Partie de la chute du Mur de Berlin, la réflexion de l’écrivain répertorie tous les domaines de l’activité des hommes qui subissent un “dérèglement”
- le domaine intellectuel, marqué par les identités de plus affirmées, par l’impossible coexistence intercommunautaire et par le débat stérile entre cultures hermétiques les unes aux autres,
- le domaine économique et surtout financier, sali par le manque de valeurs morales et entaché par des turbulences prévisibles, mais négligées par les experts.
- le domaine climatique, ravagé par l’irresponsabilité collective et saccagé par l’appât du gain et du confort.
L’auteur en vient à se poser la question de savoir “si notre espèce n’a pas atteint son seuil d’incompétence morale“.
Par ailleurs, l’auteur, n’oubliant pas ses origines, accorde une très large place à la responsabilité des arabes et des musulmans dans la crise actuelle.
Malgré un pessimisme certain, Amin Maalouf refuse d’adhérer à la théorie du choc des civilisations, optant plutôt pour “un épuisement simultané des civilisations“, qu’il tempère par le sursaut économique des nations les plus peuplées de la planète.
La lecture de cet ouvrage peut être quelque peu déroutante, mais l’auteur nous aura d’emblée prévenus : “ma démarche sera plutôt celle d’un veilleur dee nuit dans un jardin au lendemain d’une tempête, et alors qu’une autre, plus violente, s’annonce“.
A lire donc, pour partager les interrogations et les inquiétudes d’un écrivain de grand talent, emprunt d’une double culture se pose avec modestie et auxquelles il ne prétend pas apporter de réponses péremptoires et définitives.