Austin et Abilene. Le petit frère
et sa grande sœur. Il a 15 ans, elle en a 20. Ils vivent dans une maison isolée
au milieu du désert texan. Depuis leur plus jeune âge, ils partagent une
passion commune pour le baseball. Abilene veut faire de son cadet le plus grand
lanceur de tous les temps. Des années qu’elle l’entraîne sur une base désaffectée
de l’armée. Austin est littéralement fasciné par son aînée, personnage
insaisissable qui disparaît parfois pendant plusieurs semaines sans donner d’explications.
Ses parents ont compris que quelque chose clochait. A la maison, l’ambiance devient
de plus en plus souvent irrespirable à cause de l’attitude et des frasques d’Abilene.
C’est une consultation chez un psy qui révélera la triste vérité : Abilene
souffre d’un syndrome maniaco-dépressif. Pour Austin, impossible de voir la
vérité en face. Pourtant la réalité va le rattraper, leurs liens d’apparence
inébranlables vont se distendre peu à peu et le jeune garçon va devoir se faire
une raison : si sa sœur n’est pas soignée, il risque de la perdre à tout
jamais.
Au départ, les disparitions
soudaines d’Abilene n’ont pas spécialement inquiété ses proches, surtout que
ses justifications semblaient plausibles : « C’est juste que le monde
devient si petit. J’avais besoin d’espace pour respirer. C’est tout. Juste un
peu d’espace pour respirer. » Mais le problème est bien plus profond et
les sautes d’humeur à priori anodines vont mettre en danger le fragile
équilibre familial. Commence alors le combat d’un père et d’une mère pour
sauver leur fille. Troubles bipolaires. Le diagnostic est implacable. Le traitement
existe mais Abilene fait semblant de prendre ses pilules. Les phases d’espoir
et d’abattement se succèdent dans une ambiance pesante, surtout que la jeune
femme sombre par moments dans des périodes ou l’irruption d’une certaine forme
de violence laisse craindre le pire.
A travers la narration d’Austin,
Pete Fromm propose le portrait touchant d’une famille isolée qui voit avec
impuissance l’un de ses enfants partir à la dérive. Affronter cette maladie est
une bataille à laquelle personne n’est vraiment préparé. Mais avec dignité et
abnégation, les parents vont tout tenter pour lui venir en aide. A ceux qui s’inquiéteraient
de voir le base-ball, au cœur du récit, sachez que ce sport typiquement
américain aux règles complexes n’est pas aussi important pour le déroulement de
l’intrigue que dans L’art du jeu de Chad Harbach. Pas besoin d’être un
spécialiste de la question pour comprendre les tenants et les aboutissants du
roman. L’essentiel est ailleurs, dans l’évocation de la maladie, la douleur des
proches et l’amour fraternel.
Comment tout a commencé est le
premier roman de Pete Fromm. Publié en 2000 aux États-Unis après plusieurs récits (notamment IndianCreek) et recueils de nouvelles, il révèle un écrivain intimiste maîtrisant avec brio l’art difficile du dialogue. Encore une bonne pioche chez les
éditions Gallmeister !
Comment tout à
commencé de Pete Fromm. Gallmeister, 2013. 338 pages. 23,70 euros.