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Une prière pour Owen

Par Carmenrob

UnknownVautrée sur le divan, mes super écouteurs diffusant de la musique classique tout en guerroyant contre les bruits ambiants, particulièrement ceux émanant des commentateurs de la partie de hockey, je rigole doucement, un livre tout corné entre les mains. C’est que l’objet n’est pas jeune et qu’il en a sans doute fait rigoler bien d’autres avant moi. Mon homme me jette un regard interrogatif, car je ne ris pas souvent en lisant. Ce n’est pas dans ma nature. Ni de m’attarder aux auteurs humoristiques ni d’exprimer mon amusement en cours de lecture. Mais voilà, John Irving est trop fort, ses descriptions trop réjouissantes.

Pourtant, Une prière pour Owen n’a rien d’une histoire drôle. Son propos tourne autour de l’omniprésence du religieux dans la société américaine et des tensions entre leurs pasteurs, de la bêtise des Américains qui traquent la moindre atteinte à la moralité sexuelle par leurs dirigeants tout en demeurant indifférents à leur manque total de moralité politique, particulièrement dans le domaine de la politique étrangère, et ce, tout en se réclamant sans cesse du divin. Et c’est Kennedy, sauveur décevant qui succède à Reagan. Tout comme aujourd’hui, un certain Obama pourrait tromper les espoirs exacerbés par l’incurie du règne des Bush, père et fils. Bien que publié en 1989, les thèmes de ce roman sont d’une actualité criante et, d’une certaine façon, déprimante puisque si peu de choses ont changé.

Mais n’allez pas penser pour autant qu’Une prière pour Owen est un livre lourd et didactique. Pas une minute. C’est du bonbon. C’est l’histoire d’Owen, un héros insolite, à la taille exceptionnellement menue, à la voix étrange et inquiétante, mais à l’intelligence hors du commun. Un être de lumière autour duquel tous les autres personnages tournent comme des satellites. Une prière pour Owen, c’est aussi l’amitié sans failles entre deux garçons, puis deux jeunes hommes sur fond de cataclysme ayant pour nom la guerre du Vietnam.

On comprend très tôt qu’Owen se sait différent des autres, se croit l’instrument de Dieu, est convaincu de connaître l’heure de sa mort et ses circonstances. Pouvoirs surnaturels? Phénomène de prémonition? Folie? À chacun de sa réponse.

Au fil des 699 pages du roman dont pas une n’est de trop, Irving nous fait pénétrer dans son monde avec un tel bonheur, avec une telle maîtrise du récit, avec une telle profusion de détails savoureux qu’on oublie parfois qu’on navigue en pleine fiction. On pourrait s’imaginer en croisière de luxe alors qu’en réalité, on file sur un destroyer qui fonce vers la catastrophe. À mesure que s’approche la fin, le rythme s’accélère, notre pouls aussi. Les anecdotes que l’on croyait sans importance s’imbriquent les unes dans les autres. Tout devient, sinon clair, du moins signifiant.

On ferme le livre à regret. Owen nous manquera. Comme à tous les autres.

John Irving, Une prière pour Owen, Collection Points des Éditions du Seuil, 1989, 699 pages.


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