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Notre invité : Jacques Viret - B.A-B.A Musicothérapie

Par Vanina Delobelle
Notre invité : Jacques Viret - B.A-B.A Musicothérapie À quel public s'adresse votre B.A.-BA de la musicothérapie ?
D'abord au lectorat de la riche collection « B.A.-BA » des Éditions Pardès, axée sur les traditions, doctrines spirituelles, médecines non conventionnelles (ou médecines douces) ; et à quiconque s'intéresse aux pouvoirs et effets de la musique sur l'être humain. Je suis moi-même musicologue universitaire, et non pas musicothérapeute. À mes yeux, ce que j'appelle les « résonances humaines » de la musique entrent, ou devraient entrer, dans le champ d'une science musicale digne de ce nom, comme on la concevait dans l'Antiquité et au Moyen Âge. C'est pourquoi mon petit livre, quoique mince par le volume (128 pages illustrées, règle de la collection), se veut ouvert, synthétique. Il brasse une matière plus ample que les ouvrages habituels traitant du même sujet. Il ne se contente pas de décrire une ou plusieurs méthodes, mais les résume toutes. Et il fournit un aperçu des principes essentiels qui depuis toujours ont fondé, et fondent aujourd'hui encore, les vertus curatives de la musique : vibrations acoustiques, timbres, intervalles, rythmes…

La musique peut-elle guérir ?
Je répondrai de manière nuancée. Historiquement, la moderne musicothérapie est née, vers 1800, dans le giron de la psychiatrie, pour s'y développer considérablement depuis 1960. Son statut officiel la rattache à l'éventail des psychothérapies ; c'est sans doute réducteur. Certes, les bienfaits de la musique sur un psychisme perturbé sont connus depuis des millénaires, et incontestables : pensons à l'épisode biblique du roi Saül, souffrant de crises nerveuses que calmait la harpe du berger David.

Qu'en est-il d'une éventuelle action physique, matérielle ?
Les sons ont partie liée avec les méridiens et chakras, notions de physiologie subtile récusées par la médecine officielle. Et les incantations magiques remontent à la préhistoire : on a tort, peut-être, de ne voir en elles que naïves superstitions…

Les mantras hindous et tibétains ne sont-ils pas des formules magiques ?
Oui, en quelque sorte. Ils pérennisent l'antique et universelle doctrine du Son ou Verbe créateur. Le fameux mantra AUM en serait l'équivalent acoustique le plus proche. De nos jours, la science rejoint les traditions ! Les sons génèrent des champs vibratoires rendus visibles par la limaille, l'eau ou autres matières malléables. Harmonieux, ils produisent de belles formes rondes : cercles, mandalas. Fabien Maman et Joël Sternheimer, chercheurs encore trop peu connus en France, ont prouvé scientifiquement l'efficacité thérapeutique des sons musicaux sur le corps humain – et aussi, s'agissant de Sternheimer, sur les animaux et les plantes –, à l'échelle cellulaire ou moléculaire. Un diapason, appliqué à tel endroit du corps, remplace une aiguille d'acupuncture ! En ce sens, la musicothérapie s'assimile à une médecine non conventionnelle ; mais elle est davantage que cela, puisque son emprise s'étend aux niveaux psychique et spirituel.

Ainsi les pouvoirs curatifs de la musique débordent le domaine de la musicothérapie courante ?
Certes. Par souci de clarté, j'ai dénommé « psychothérapie musicale » la musicothérapie de type « psy », la seule que reconnaisse l'Association Française de Musicothérapie, d'appartenance universitaire. Ses pratiques sont utiles et valables, mais d'autres le sont également. Tel, par exemple, le travail sur la voix, qui a donné lieu depuis un demi-siècle à plusieurs méthodes. Le célèbre Docteur Alfred Tomatis n'est pas le seul, loin de là, à avoir œuvré dans cette direction. Les cordes vocales, organe du corps, émettent des sons criés, parlés ou chantés, grâce au souffle, à la respiration, acte vital. Remédier aux dysfonctionnements de la phonation permet donc de rééquilibrer le composé psychophysique. La technique traditionnelle du « chant harmonique » fait entrer dans le chanteur la structure acoustique, consonante, du son en soi.

Le chant est employé en orthophonie…
Oui, certains orthophonistes y recourent avec succès, pour soigner la dyslexie ou le bégaiement. Un bègue ne trébuche pas sur les mots quand il chante. Nous sommes là sur le terrain des techniques psychomusicales, connexes à la thérapie. Y figure aussi l'analgésie musicale, exploitée en chirurgie dentaire notamment : l'écoute d'une musique agréable favorise la sécrétion d'endorphines atténuant la douleur.

Et l'autisme ?
C'est l'une des indications les mieux établies de la musicothérapie. L'ancrage dans le non-verbal suscite une réaction, ouvre un canal de communication. En deçà de la musique, à même les sons produits et perçus, le soignant et le soigné engagent un dialogue, un échange, un guidage ouvrant une brèche dans le mur psychique qui isole la personne autiste.
On a beaucoup parlé en 2006, année anniversaire, de l'« effet Mozart »…
Parce que Mozart est, à côté de Léonard de Vinci ou Einstein, un spécimen de « génie » par excellence, on attribue à ses œuvres la faculté de rendre intelligent ! Certains chercheurs ont même cru pouvoir le démontrer scientifiquement : ils ont été démentis. Qu'une pratique musicale profite à l'intelligence, celle des écoliers en particulier, c'est avéré ; mais en cela Mozart ne jouit d'aucun privilège spécial. Prétendre le contraire relève de la charlatanerie…

Exposez-vous des vues personnelles ?
Le concept clé sur lequel j'ai tenu à insister, au fil des pages, est celui d'Harmonie. L'harmonie audible, telle que la réalisent de diverses façons toutes les musiques du monde, exprime l'harmonie du cosmos, de la nature, de l'être humain. C'est pourquoi un timbre riche, une belle mélodie, une euphonique consonance, un rythme stimulant sont un précieux moyen de nous mettre en accord avec nous-même et l'univers. Voilà l'enjeu réel, profond, de la thérapie musicale ! Si la musique vécue de cette manière soigne, ce n'est pas uniquement en guérissant un trouble psychique ou physique. Soigner c'est « prendre soin de », et cela concerne chaque être humain, bien portant ou non.

Vanina Delobelle

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