Magazine Animaux

Je ne dis pas que c'est pas injuste je te dis que ça soulage!

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Loup_mangeur_hommes
par Marc Laffont

Dernier avatar en date de la société anti-nature, un dossier cherchant à ré-inculquer la peur du loup aux braves gens ayant un peu trop tendance à l’oublier vient de débarquer sur tous les sites et blogs appartenant à la nébuleuse anti-prédateurs. Je laisse aux spécialistes de l’exégèse le soin de démonter point par point le contenu du machin. C’est pas que ce soit spécialement compliqué, c’est juste spécialement fastidieux. Ce qui m’intéresse, c’est le pourquoi du bidule, pas le bidule lui-même.

Drames en région PACA

Si l’objectif avait été de psychoter sur des causes de mortalité évitables, voire futiles, et afin de rester sur la région PACA, s’intéresser au boom des piscines privées aurait pu être un sujet adapté: ¼ des 1.500.000 piscines privées françaises se trouvent en région PACA. En piscine privée, le nombre de noyades accidentelles d’enfants de moins de 6 ans est en moyenne de 84 noyades dont 25 décès.

La moitié des noyades d’enfants de cet âge sont survenues en piscine privée. L’âge moyen des victimes de noyade accidentelle est de 3 ans en piscine privée familiale. Il y aurait là un vrai sujet à sensation pouvant faire flipper le citadin, sans parler du gaspillage d’eau. Pas suffisamment montagnard comme exemple ? C’est pas faux.

Drames de la montagne

Parlons plutôt des risques inhérents à la montagne, été comme hiver. Car voilà un bel archétype du loisir pratiqué par les écolos-bobos-citadins. En 2011, 151 personnes ont perdu la vie en pratiquant un sport de montagne, rien que dans les Alpes suisses et dans le Jura. Le total des décès est même de 217 en montagne (173 en 2010) si l’on tient compte des maladies (47 cas). Bien monté en épingle, il y aurait largement de quoi virer à l’hystérie. Pourtant, rien de tout cela ici. Et pour cause : le soucis de sécurité des femmes ou des enfants n’est qu’un fallacieux prétexte.

Drames à la ferme

La réalité, c’est que l’élevage va mal, très mal. A mesure que la situation deviendra économiquement intenable pour les éleveurs, ceux qui resteront seront d'autant plus virulents à l'encontre de ceux qui symbolisent leur régression (en gros, les grands prédateurs, les eurocrates et les écolos). Et elle le deviendra inéluctablement, intenable, la situation :

  • avec une PAC revue à la baisse,
  • un indice du coût des matières premières qui n’a aucune raison de s’infléchir,
  • une consommation en berne et
  • un contexte global de baisse de la consommation de viande,
pour ne citer que quelques uns des nombreux paramètres durablement dans le rouge.

Les effectifs ovins fondent en Charente-Poitou, Limousin, Auvergne, Bourgogne… (environ - 50 % en 20 ans), sans que cela n'émeuve grand monde dans le microcosme agricole. Et notamment parce que, assez souvent, c'est une forme d’agriculture qui succède à une autre. Ou alors, c’est pour céder la place à du bâti, mais sans que ce soit spécifiquement à cause des écolos.
Tandis qu'en montagne, quand l'élevage régresse, c'est l'agriculture qui perd du terrain devant l’ensauvagement. Donc l’Homme régresse. Et au profit de qui, s’il vous plait? Des loups protégés par Bruxelles et les écolos? On croît rêver. Car comme disait un célèbre maréchal de France des années « 40 » : « Un champ qui tombe en friche, c'est une portion de la France qui meurt. Une jachère de nouveau emblavée, c'est une portion de France qui renaît » (25 juin 1940)

Les tontons flingueurs

Peu importe si les effectifs ovins résistent mieux (mais en baissant quand même) là où il y a des loups. Car dans le même temps, le loup progresse, inexorablement aussi, l’enflure. Contrairement à ce qu'affirment certains, ce n'est pas parce que l'élevage pastoral est faible que les pouvoirs publics ont « laissé le loup revenir ». Il serait revenu quelle que soit la vitalité économique de l'élevage. Mais c'est en revanche parce que l'élevage pastoral est en constant et irréversible déclin qu'il ne PEUT PAS supporter de voir le loup regagner ses territoires. Ce n’est pas le déclin de la filière qui est inadmissible, c’est le retour du loup.
Un élevage véritablement compétitif aurait certes demandé la régulation des "sales bestes", comme tout agriculteur français qui se respecte. Mais ça n'aurait pas atteint un tel niveau de haine. La haine, elle se résume en une phrase : le loup peut avoir un avenir en France, le pastoralisme ovin français beaucoup moins. Même après extermination éventuelle du loup, le pastoralisme finira marginalisé, en marché de niche. Ne serait-ce que parce que la profession œuvre en ce sens.
Que l'U.E. puisse modifier son niveau de protection du loup, et globalement, sa politique de retour des grands prédateurs, c'est possible, je ne suis pas extralucide. Que ce genre de dossier, s'il venait à être très largement médiatisé, puisse y contribuer, c'est possible aussi, qui sait. Mais ça ne changera pas grand chose à l'avenir de l'élevage ovin en France : Définitivement non rentable, qui touche ses limites en terme de capacité de restructuration, problème de renouvellement des générations, baisse de la consommation (avec carrément effondrement chez les + jeunes) etc.
Ça fait juste 3 ans qu'on a procédé à une forte réévaluation des subventions ovines du secteur viande en zone pastorale (+ 13.000 €/exploitation/an en moyenne, ce qui n’est pas rien...), et déjà, on reparle de nouvelles mesures nécessaires, alors que la PAC post 2013 n'est même pas encore finalisée ! (Voir ici)

« [l'agriculture de montagne a] des atouts qui ne sauraient perdurer sans l'ajustement des politiques publiques aux spécificités de la montagne et de ses agricultures. »

C’est diplomatiquement rédigé, mais le message est clair : sans accroissement régulier des subsides publics, point de salut. Quelles que soient les espèces exterminées en parallèle pour se défouler.
Ce type de dossier n'aura aucune forme sérieuse d'impact sur les vrais problèmes et le devenir de la filière. Ceux qui y consacrent autant de temps le savent bien. Mais leur véritable motivation est ailleurs.
On observe là de splendides spécimens de ce que la civilisation anti-nature française a fait de mieux. Ils me font penser à cette scène des « Tontons flingueurs » où l'ont voit « Théo l'allemand » (Horst Frank) faire tirer sur les frères Volfoni (Blier-Lefebvre) sortant de l'hôpital et hors du coup, après avoir échoué à tuer Fernand Naudin (Lino Ventura). Et pour se justifier, il dit à son acolyte : « Je ne dis pas que c'est pas injuste, je te dis que ça soulage... ».
Dans notre cas, ces personnes savent bien qu'elles ne vont pas pouvoir changer grand-chose au destin de la filière ovine en général, et du pastoralisme en particulier. Mais elles prennent leur pied en cassant du loup : ça les soulage, comme Théo. Et puis ça fait tourner la machine à subventions un peu plus longtemps, ce qui pourrait suffire pour les quinquagénaires et plus. Pour les plus jeunes, évidemment…
Le dossier de Lynda Brook sert surtout à ça : semer la peur dans l'esprit du public peu au fait du sujet pour faire pression à tous les niveaux pour dégommer du loup. En cela, ils sont aidés par la crise, qui réclame des boucs-émissaires. Il y a donc du monde à embrigader, notamment parmi certains anti-nature jusqu'alors restés assez indifférents au retour du loup. En jouant surtout sur deux thèmes:

  • l’hypothétique danger potentiel pour l'homme et
  • le futur danger pour les animaux de compagnie.
Parce que les photos de brebis égorgées (peu importe par qui…), ça ne suffit plus. Il faut dire que la plupart des gens ne sont pas dupes. C’est difficile de se faire passer pour un amoureux des animaux quand on destine ceux qu’on élève à l’abattoir. Alors un peu plus tôt ou un peu plus tard…

Mais tout ça ne va pas ressusciter la compétitivité du pastoralisme, ni l’intérêt du jeune consommateur pour le gigot d’agneau. Ça tombe bien : c’est pas l’objectif.
Marc LAFFONT


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