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Marin Marais, gambiste du roi

Par Artetvia

La semaine dernière, nous avions pu lire un article proposant de découvrir l’œuvre du peintre Marin-Marie, article qui a eu un grand succès (dont je vous remercie, ce n’est pas moi qui peut faire grimper l’audience, c’est vous !). Plusieurs lecteurs m’ayant signalé qu’ils connaissaient Marin Marais et non pas Marin-Marie, l’idée m’est venue de vous présenter en quelques lignes la vie et l’œuvre du premier. A part une indéniable homophonie (une lectrice érudite me signale que c’est plutôt une paronymie), ils n’ont rien à voir !

Pour le grand-public, ce compositeur est sorti de l’oubli grâce au film d’Alain Corneau, « Tous les matins du monde », une œuvre à la fois magnifique et sombre, un tantinet désespérante, mais avec des couleurs sublimes et une musique particulièrement émouvante, principalement de la viole de gambe jouée par Jordi Savall. Et en effet, le personnage de Marin Marais est indissociable de la viole de gambe, cet instrument à cordes frottées, banni à la Révolution française pour cause d’aristocratisme coupable et qui, dit-on, se rapproche le plus de la voix et permet une expression extrêmement sensible des sentiments humains.

Né à Paris en 1656, Marin Marais est baptisé dans l’église Saint-Médard, en bas de la rue Mouffetard ; en entrant dans l’édifice, sur votre gauche, au-dessus du baptistère, une plaque rappelle cet événement.

Marin Marais

Marin Marais

Il est d’abord enfant de chœur à Saint-Germain l’Auxerrois sous la direction de François Chaperon – puis renvoyé quelques années plus tard pour cause de mue – tout le monde n’est pas castrat ! Il y acquiert une solide formation musicale avec ses petits camarades de classe, notamment Michel-Richard Delalande. Il prend ensuite six mois de cours de viole avec Monsieur de Sainte-Colombe (dans le film, c’est le violiste jansénisant cherchant l’absolu musical de manière quasiment inhumaine, sacrifiant tout pour cela, y compris le bonheur et la vie de sa propre famille). Il entre ensuite à l’Académie Royale de Musique dirigée par Lully.

En 1679, il obtient le poste convoité de « joueur de viole de la musique de la chambre » de Louis XIV. Il est également musicien à l’opéra pendant 40 ans, dont il devient chef d’orchestre en 1704 (remplaçant Campra – hé oui, décidément tout ce petit monde se connaissait…). A la fin de sa vie, quelque peu mis dans l’ombre par Antoine Forqueray (qui jouait de la viole de manière diabolique dit la légende), il transmet sa charge à l’un de ses fils, et meurt en 1728 à l’âge de 72 ans.

Marais n’était pas seulement un brillant musicien à la carrière prestigieuse, il a aussi beaucoup composé.

Marais - Le tableau d'opération de taille

Marais – Le tableau d’opération de taille

Il est l’un des premiers à écrire des pièces en trio, notamment ses six suites pour flûte, violon et dessus de viole ; le premier également à noter expressément dans une partition (Alcyone), l’utilisation de la contrebasse. On peut aussi remarquer qu’il a très peu composé de musique sacrée : un Te Deum, c’est tout… et dont la partition est perdue ! En plus de ses 5 tragédies lyriques (et pas 4 comme il est indiqué sur Wikipédia), Marais est surtout connu pour son impressionnant répertoire pour viole de gambe : près de 600 pièces pour viole seule ou ensemble restreint.

Contrairement aux consorts anglais du siècle précédent, qui réunissaient un ensemble complet de violes (en général deux dessus, deux tailles une basse et une contrebasse), Marais a préféré écrire pour une, deux ou trois violes, pas plus. Il privilégie la basse de viole, les instruments plus aigus de la même famille (dessus, alto…) étant déjà sérieusement concurrencés par le violon. Ses pièces, méticuleusement écrites (ornementation, coups d’archet…) permettent d’utiliser au maximum les possibilités de l’instrument, avec un son ample, rond, plein. Marais atteint un degré inégalé dans l’expression de toute la gamme des sentiments, aussi bien les drames que l’exaltation, dans des œuvres à la fois profondes et pleines de grâce. Il sait aussi se faire très descriptif : son Tableau de l’Opération de la Taille (5ème livre – 1725) décrit minutieusement… une opération de la vésicule biliaire !! Son œuvre pour viole reste « insurmontée » jusqu’à ce jour.

Comme pour chaque article dédié à la musique, je ne résiste pas à vous faire partager quelques enregistrements.

La sonnerie de Sainte-Geneviève, pièce sans doute la plus connue de Marin Marais, interprétée par Jordi Savall :

Les folies d’Espagne (cf. l’article sur La Follia), jouées également par Savall :

Une belle pièce pour viole et clavecin : la rêveuse

Un extrait d’Alcyone (1706) – comme quoi Marais ne fait pas que dans le mélancolique :



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