L'autre soir, un de ces rares soirs que j'ai passé sur Twitter ( ce n'est pourtant pas l'envie qui me manque de jouer encore plus les geeks que je ne le fais déjà), entre deux tweets pas bien passionnants, j'ai vu passer une demande provenant d'un des blogueurs ciné les plus connus, (Mehdi de l'excellent site des Cinévores, pour ne pas le nommer), qui questionnait l'ensemble de sa "twitterland "pour savoir quel était personnellement le film qu'ils avaient préféré pour le début 2013.
Je n'ai pas forcément suivi toutes les réponses ni la synthèse finale, mais force est de constater qu'un film revenait bien plus souvent que les autres, et ce n'était ni le Tarantino ni le Spielberg comme on aurait pu le penser, mais bel et bien Mud, le dernier film de Jeff Nichols, présenté en sélection officielle à Cannes l'année passée ( le tout dernier jour, ce qui n'est généralement jamais très bon pour le film) et seulement diffusé dans les salles ler 1er mai dernier.
A l'époque, je ne pouvais l'inclure car je ne l'avais pas encore vu, mais depuis, j'ai réparé cet affront et suis allé voir ce fameux film préféré des followers de Mehdi des Cinévores ( et de Mehdi lui même d'après ses commentaires)!
Curieux destin d'ailleurs que ce Mud , présenté au tout dernier jour de la sélection officielle du festival de Cannes 2012, quelques mois seulement après que son réalisateur, Jeff Nichols, estampillé par la critique spécialisée comme le nouveau génie du cinéma US, ait fait l'unanimité début 2012 avec le paranoiaque et visiblement excellent « Take Shelter » (que je n'ai d'ailleurs toujours pas vu).
Ce« Mud –( sous titré Sur les rives du Mississippi ) fut plutôt accueilli tièdement à Cannes; ceux qui adoraient "Take Shelter" semblant faire le fine bouche devant le classisisme de ce film qui n'avait du reste pas convaincu le jury de l'austère président Nanni Moretti.
Bref, le film avait un peu disparu des radars avant de refaire une apparition juste avant le festival de Cannes de l'année suivante, laissant penser que ce film était un plantage dont on se débarrassait ( un peu comme le Post Tenebras Lux, également présenté au festival de Cannes et sorti dans la plus profonde indifférence en même temps comme Mud) avant de passer aux choses sérieuses....
Or, à ma grande surprise, le film fut totalement réhabilité à sa sorties salles, la plupart des critiques s'extasiant sur ce prétendu chef d'oeuvre du cinéma américain, et le film provoquant un bouche à oreille public assez rare, une grande majorité des cinéphiles étant définitivement conquis par le film ( d'où la citation du film sur Twitter, voir début de mon article:o),
On ne sait pas vraiment ce qui se passa en un an de temps, mais rarement, l'on aura vu un seul et même film prendre autant de plus value (ce qui laisse une petite chance de voir The Immigrant, le dernier James Gray taillé en pièces à Cannes, réhabilité en novembre à sa sortie)...et le film eu donc une promo assez belle, avec notamment, marqué en gros, un commentaire d'un journaliste (du Figaro il me semble): "LE MEILLEUR FILM AMERICAIN DE L'ANNEE!!
C'est d'ailleurs cette accroche, hautement spectaculaire, que j'ai montré à un de mes potes pour qu'il m'accompagne voir le film. En effet, aussi étrange que cela puisse paraitre, il n'avait jamais entendu parler du film (disons qu' il a une vraie vie lui, il a d'autres choses à faire que de passer des heures et des heures devant le festival de Cannes, Twitter, et les blogs ciné), et ce slogan placardé en gras aura suffi de le convaincre de me suivre lorsque Mud passé dans mon cinéma de quartier...
Et si, en sortant du cinéma, il m'a avoué qu'à son avis, l'appellation lui semblait quelque peu ursurpée, personnellement, j'avoue que j'attendrais la fin de l'année pour lui donner ce titre, mais qu'il me semble bien que ce Mud soit effectivement bien placé dans la course au titre du meilleur film américain, et même meilleur film tout court de l'année...
Et pourtant au départ, je ne partais pas forcément en terrain conquis devant le film : je ne suis pas un fou des récits iniatiques vus par les yeux d'enfants, ni des histoires naturalistes sur l'Amérique..
C'est pour cela que si on a beaucoup parlé de Mark Twain et de Tom Sawyer pour parler de ce film, moi, je ne connais que le dessin animé (tiens ca y est, maintenant, j'ai le générique dans la tête, c'est malin), et franchement, je ne vois pas beaucoup de points communs avec le petit rouquin du dessin animé de mon enfance et ce très beau film.
Non, en voyant Mud, j'ai pensé plus à la Nuit du Chasseur, puisque le personnage joué par Mathew Mac McConaughey peut faire songer à celui de Mitchum, mais en même temps il y a également pas mal de dissemblances avec le film de Charles Laughton. Et puis on pense aussi forcément au cinéma de Terence Malik dans son ode à la nature et ses splendeurs visuelles, mais franchement, le scénario est bien plus cadré chez Nicchols, et il n'y a pas toute cette psychologie mystique à deux balles, à mon plus grand plaisir.
Mud est certes avant tout une grandiose ode à l'enfance, avec en point d'orgue ces deux gamins laissés libres, des gamins qui peuvent rapidement porter un regard plein d'idolation sur des personnes qui leur montrent un autre modèle que le modèle paternel qu'ils ont. Ellis se se retrouve dans Mud qu'il juge, de ses yeux un peu trop idéalisés, un homme sincère, courageux, et profondément amoureux , à l'opposé de l'image de son père lache et incapable d'aimer sa mère.
Il s'agit donc d'un vrai et puissant roman d'apprentissage, car nos deux enfant-héros vont voir défiler tous les bouleversements inhérents à l'adolescence : relations parentales dysfonctionnelles, premier émoi amoureux (avec la bimbo du lycée, forcément trop belle, et forcément trop méprisante), premières désobéissances, premières figures adultes à laquelle on se rattache (ce Mud en question), avant de se sentir floué et trahi par les trop belles promesses qu'on avait mis en lui.
Le film, mine de rien, en avancant lentement mais sûrement, comme le fleuve Mississipi qu'il traverse, nous dit plein de choses passionnantes et extrêmement pertinentes sur la filiation, l'amour, l'amitié, la trahison...
Les liens qui unissent les personnages sont passionnement complexes et ambigues, car le cinéaste sait toujours par nous surprendre dans ses choix de points de vue, de rebondissements, et par cette énergie violente qui anime ses personnages. Des personnages campés fabuleusement par des comédiens en état de grâce, dont le jeune Tye Sheridan (Ellis) qui offre une maturité de jeu incroyable pour son âge, et bien sûr Matthew McConaughey, acteur fabuleusement resuscité par Holywood ( après une belle performance dans Magic Mike) .
L''ambiance extrêmement bien rendue et bien filmée de cette région du Mississipi finissent de rendre le film assez fascinant et toujours terriblement passionnant.
Bref, si j'avais vu le film au moment du tweet dont je vous ai parlé au début, il est possible que, moi aussi, j'indique son nom, bien que deux ou trois autres concurrents peuvent aussi lutter pour être tout en haut de mes films préférés de 2013,....
Ce qui me semble en revanche assez certain, c'est que, de tous les films en sélection officielle à Cannes de l'an passé que j'ai pu voir ( une bonne quinzaine sur les 20 en compétition), c'est incontestablement à lui que j'aurais donné ma Palme... Et si cet argument, en plus de tous les autres dont j'ai parlé en prologue, peut finir de convaincre ceux qui n'y sont pas encore allés de voir ce film, ca serait pas mal, non?