Je suis et j’ai toujours été du genre réservée. Du moins en public et avec les inconnus, en privé c’est autre chose.
Les émotions me paraissaient signe de faiblesse, une faille dans ma carapace que je ne m’autorisais pas. Alors, évidemment, devenir maman me faisait un peu peur à propos de ça. En bonne maniaque du contrôle, je voyais mal comment gérer mes états d’âme et l’imprévu qu’apporte un enfant.
La phase « essais bébé » ayant été éprouvante, il a fallu se blinder un peu plus. Je ne connaissais que cette façon de réagir, devant les annonces de grossesse tout autour de nous pendant que nous galérions plus ou moins en secret. Garder le sourire alors que je pleurais à l’intérieur (voire hurlais parfois), répondre évasivement au « et vous, vous vous y mettez quand? » sans se départir de son flegme. Ou presque…
Ce n’était pas la bonne méthode. J’ai craqué plusieurs mois après ma seconde fausse couche, parce que c’était trop à contenir. Je me suis rendue compte qu’il fallait apprivoiser ses émotions. Oublier le « tu t’écoutes trop », parce que je suis maintenant assez grande pour faire le tri et avoir une réaction adaptée. Une méthode qui me paraissait plus saine, mais tellement dure… Et pour laquelle j’ai du me faire aider quelques semaines.
Hasard ou pas, je suis tombée enceinte « pour de vrai » peu de temps après. Et c’est là que l’ascenseur émotionnel s’est mis en marche.
De la joie, de l’angoisse, du stress, de la peur, du soulagement, de l’impatience, de l’appréhension, de l’envie de se projeter, de la peur encore, de l’excitation. Puis, de la douleur, de la fatigue, de la peur toujours, une joie immense, un soulagement, de la fierté d’y être arrivés. De l’incompréhension, de l’épuisement, de la culpabilité, du désespoir, et cette sensation de ne pas être assez forte, assez bonne, assez douée pour être sa mère.
Ont suivi l’espoir de guérison, les déceptions, de l’angoisse, la délivrance. Après plusieurs semaines de sentiments négatifs, je pensais être parée, pouvoir gérer, et respirer. Ça a été le cas. Mais je n’avais pas prévu une chose : que l’ascenseur parte en sens inverse, tellement plus haut, que ça me change. Que d’un seul coup, l’amour maternel m’arrive en pleine figure, poignant, intense, énorme.
Jour après jour je me suis faite à la valse des sentiments. J’ai même appris à aimer l’imprévu, à aimer tout court. A oser et assumer le fait d’avoir des sentiments. A écouter mon intuition et mes coups de cœur, découvrant que mes principes d’éducation figés ne me correspondaient pas tout à fait. A accepter de se tromper, un peu.
Y’a de quoi craquer, non ?
Quand je la regarde, je sens une vague d’amour, de bonheur, de fierté maternelle. Et j’assume. Quand je respire son odeur de bébé, qu’elle enroule ses bras autour de mon cou, qu’elle pose sa tête sur mon épaule, c’est comme une décharge d’émotion qui emporte tout le reste. Quand elle souffre, quand elle tombe et se fait mal, quand elle pleure, j’ai peur, je souffre, plus rien n’existe.
Comme si devenir maman multipliait l’intensité de ce qu’on ressent. Un bonus qu’on acquiert en même temps que son nouveau né et son nouveau statut de parent. Pour moi, même si je ne suis pas qu’une maman, c’est un peu comme si on m’avait un peu déverrouillée.
Et ça fait du bien.