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La redécouverte du ciment romain

Publié le 25 juin 2013 par Erwan Pianezza

On sait depuis (très) longtemps que le mortier et le béton utilisé par les Romains pour bâtir temples, colisées, thermes, viaducs, aqueducs, théâtres etc. est d’une qualité exceptionnelle au regard du nombre important de bâtiments millénaires encore intacts aujourd’hui.  On sait également que ces propriétés de conservation extraordinaires sont dues à la méthode de fabrication du mortier de chaux (ou ciment romain) et dont on connait depuis longtemps la composition.  Mais ce qui intrigue historiens et chercheurs depuis de longues années, ce sont les raisons pour lesquelles ce ciment est si solide, en particulier le ciment qui a été utilisé pour la construction des bâtiments en bord de mer comme les jetées, les quais ou les structures portuaires en partie immergées, soumises à l’érosion naturelle de l’eau de mer salée depuis plus de 2,000 ans et pourtant toujours intactes aujourd’hui.  Pour tenter de comprendre les raisons de cette solidité à toutes épreuves, une équipe de chercheurs et géologues de l’Université de Berkeley (Californie) a prélevé des échantillons provenant de digues romaines immergées dans la baie de Pouzzoles près de Naples en Italie et datant de 37 av. J.C. 

Temple d’Isis, Pompéi (2010)

Temple d’Isis, Pompéi (2010) Province de Naples

Crédit photo: j. kunst via photopin cc

Le ciment romain se compose en effet d’un mélange de chaux et de pouzzolane (un granulat à base de scories volcaniques) justement présent naturellement aux alentours du Vésuve.  Selon le type de construction, l’ajout de sable ou de gravats sert à la fabrication de mortier ou de béton qui, au contact de l’eau de mer déclenche une réaction chimique et la prise rapide du mélange.  Il s’est même avéré que les propriétés de durcissement du béton romain s’amélioraient avec le temps.  L’analyse des échantillons révèle que le ciment romain contient des traces d’aluminium et moins de silicium que les ciments modernes, ce qui renforce le liant du complexe de base.

Malgré ses propriétés exceptionnelles, l’utilisation du ciment romain est néanmoins tombée en désuétude au début du 19e siècle, date à laquelle on découvre le procédé de fabrication d’un ciment artificiel (dit Ciment Portland) qu’il est possible de produire en quantité importante dans des cimenteries industrielles.  C’est pourtant un produit inférieur dont la durée de vie ne dépasse pas les 120 ans, voire à peine une cinquantaine d’années en contact avec de l’eau de mer. 

Les travaux des chercheurs ne font que valider une technique de construction reconnue depuis longtemps et rappellent que le ciment romain est un produit « durable ».  La fabrication du ciment Portland (entre trois et quatre milliards de tonnes par an) est très gourmande d’un point de vue énergétique et nécessite une température de cuisson du calcaire de 1,450°C alors que la production du ciment romain ne requiert qu’une température de 900°C.  On estime également qu’entre 5 et 7% des émissions en gaz à effet de serre au niveau mondial sont attribuables à la fabrication des ciments modernes. 

Pourquoi donc ne pas réintroduire le ciment romain (ou un procédé de fabrication alternatif) pour les structures en béton modernes dans le secteur du bâtiment ? La pouzzolane est une roche présente à l’état naturel dans toutes les régions volcaniques de par le monde. Un enjeu stratégique de taille à l’heure du principe de la neutralité carbone.   

Sources : Business Week, Berkeley News Centre, Courrier International.


Voir aussi : CO2, eco-construction


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