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Emmanuel Kant: Introduction à sa pensée philosophique 5: Aperçu de la morale kantienne

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam

Kant

« De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une bonne volonté. L’intelligence, la finesse, le jugement, et les autres talents de l’esprit, de quelque nom qu’on les désigne, ou bien le courage, la décision, la persévérance, comme qualités du tempérament, sont sans doute choses bonnes et souhaitables à bien des égards ; mais ces dons de la nature peuvent aussi devenir extrêmement mauvais et funestes si la volonté qui doit en faire usage, et dont les dispositions propres s’appellent pour cela caractère n’est pas bonne. …..
La modération dans les affections et les passions, la maitrise de soi, le calme dans la réflexion ne sont pas seulement bons à beaucoup d’égards, mais parait même constituer une partie de la valeur intrinsèque de la personne ; cependant, il s’en faut de beaucoup qu’on puisse les considérer comme bonnes sans restriction (malgré la valeur inconditionnée que leur ont conférée les anciens). Car sans les principes d’une bonne volonté, elles peuvent devenir extrêmement mauvaises,… (Kant fondement de la métaphysique des mœurs.). »

Dés la première page des fondements de la métaphysique des mœurs, Kant va provoquer une rupture avec la cosmologie grecque.
Une rupture aussi importante que le fut à son époque le bouleversement apporté par Galilée.
La morale n’est plus une affaire de dons naturels ou de vertus innés, puisque ces dons malgré les valeurs que leur accordaient les Grecs anciens, peuvent être mis indifféremment au service du bien ou du mal.  Ce qui compte réellement selon Kant c’est une bonne volonté.

Ainsi le bras vertueux d’un aristocrate grec qui accomplit un combat éclatant et vertueux n’a aucune valeur morale en soi.  Cette action peut avoir pour motif la recherche de la notoriété ou de l’immortalité[1].
À l’inverse l’action modeste d’un esclave qui obéit uniquement à une bonne volonté, peut avoir une valeur morale.
Les conséquences de la pensée Kant sont immenses :
La morale n’est plus une affaire de concordance avec le cosmos ou d’obéissances à des commandements religieux.
C’est une affaire strictement humaine elle dépend uniquement de la bonne volonté humaine. Kant sécularise la morale.
Égalité des humains: Puisque pour la morale ce qui compte c’est la bonne volonté, alors le riche, le puissant, le pauvre, le faible, sont égaux.
La morale est une affaire de liberté. Pour accomplir une morale, l’homme doit s’écarter de ses inclinaisons, c’est-à-dire de ces penchants naturels.  Exactement comme le dit JJ Rousseau « l’esprit parle quand la nature se tait. ». [2]
Si l’homme n’obéissait qu’à ces instincts naturels tel un animal, aucune morale n’est possible (du moins kantienne). C’est cette liberté qui permet à l’homme de s’échapper de ses penchants (qui le poussent avant tout à satisfaire ces besoins personnels et égoïstes) qui le rend apte à considérer avec bienveillance la présence de l’autre. La morale selon Kant est indépendante de tout intérêt personnel. C’est le désintéressement.
L’homme vit dans une société qui a besoin de cohérence et de cohésion pour subsister. Les actions qui visent à satisfaire les besoins personnels ou les besoins d’un groupe au détriment d’un autre ne peuvent que contribuer à affaiblir cette cohésion.  Une morale doit avant tout rechercher une universalité pour être valable.  Une action doit être pensée dans son apport pour tous les autres. C’est-à-dire viser l’universalité et non pas le particulier et le temporaire.

Voici donc les bases de la morale de Kant établies :
Le désintéressement : une action morale ne doit pas être motivée par aucun intérêt. Elle n’est pas non plus motivée par une peur d’un quelconque châtiment ou une peur d’une loi.
Elle est motivée uniquement par le devoir pur et doit obéir au principe de l’universalité.
L’universalité :
« Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en une loi universelle ; agis de telle sorte que tu traites toujours l’humanité en toi-même et en autrui comme une fin et jamais comme un moyen ; agis comme si tu étais à la fois législateur et sujet dans la république des volontés libres et raisonnables. »

Ce qui est valable pour moi est valable pour les autres. Il ne s’agit pas d’agir pour mon propre intérêt ou pour celui d’une corporation, il s’agit d‘agir pour l’intérêt de tout le monde.
Kant va préciser à plusieurs reprises que la morale est indépendante de l’expérience.  Elle est avant elle. À priori.

Les actions obéissent à des exigences ou impératifs.  Kant va diviser ces impératifs en plusieurs catégories.
Les impératifs hypothétiques et les impératifs catégoriques.
Impératifs de l’habilité [i][ii]: elles sont dites hypothétiques, car elles ne fixent pas les fins. Il s’agit de considérer l’action comme le moyen ou l’instrument pour arriver à un but que l’on s’est fixé. Ce n’est pas le but qui compte, mais bien le moyen. Peu importe que ce moyen soit bon ou mauvais.
Kant don l’exemple suivant :
« Les prescriptions que doit suivre le médecin pour guérir radicalement son homme, celles que doit suivre un empoisonneur pour le tuer à coup sûr, sont d’égale valeur, en tant qu’elles leur servent les une et les autres à accomplir parfaitement leurs desseins. »
Les impératifs hypothétiques n’ont aucune valeur morale.
Kant va définir un autre impératif hypothétique. Qui nomme assertorique ou prudence.

Il s’agit selon d’une fin que l’on peut supposer réelle chez tous les êtres raisonnables.
Il s’agit d’un but commun à une grande majorité de personnes: recherche du bonheur, recherche de la santé.
Il n’ya aucune morale attachée a cet impératif.
L’autre catégorie selon Kant est l’impératif catégorique ou apodictique.
Il s’agit d’impératif obligatoire. C’est l’impératif de la moralité.
Kant nous dit qu’il faut absolument obéir aux lois. C’est-à-dire de lois faites par des humains pour des humains et pour le bénéfice des humains et qui son établie selon les deux principes précédents : désintéressement et universalité.

Kant rejoint l’esprit du contrat social de Rousseau.


[1] Selon les Grecs anciens, la recherche d’une vie éternelle pouvait s’accomplir à travers un grand acte de bravoure.

[2] Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes


[i]

 D’autres philosophes vont reprendre ces notions d’impératifs. L’impératif de l’habileté va servir à démontres les frénésies des sociétés dans lesquels ce sont les moyens en tant qu’instrument qui comptent et non pas les buts. On finit par produire sans savoir dans quel but on produit

[ii]



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