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Man of Steel, de Zack Snyder : Esseulé, contre tous.

Par Mrwak @payetonwak

Man of Steel, Henry Cavill, Christopher Nolan, Zack Snyder, Warner, DC Comics, Superman, Laurence Fishburne, Diane Lane, Kevin Costner, Amy Adams, Michael Shannon, Russel Crowe, Bryan Singer, Perry White, Zod, Clark Kent, Jonathan Kent, Martha Kent, Lois Lane, Hans Zimmer, Superman Returns, test, trailer, critique, photos, comics, teaser
Le deal avait été passé avant même la sortie de Sucker Punch en 2011 : Zack Snyder allait réaliser le reboot de Superman sous l'égide de Christopher Nolan, grand manitou d'Hollywood depuis sa reprise de Batman. Malgré les retours plus que nuancés sur son film au moment de sa sortie, le contrat a tenu bon et Zack Snyder émerge enfin avec ce que Nolan a décrit comme étant son projet-chéri, prêt à relancer une bonne fois pour toute Superman au cinéma. L'exercice de promotion étant ce qu'il est, on a longtemps dû se raccrocher uniquement aux différents trailers du film ; et force est de constater qu'on a peu vu récemment d'aussi jolies bandes-annonces pour un blockbuster.
La dernière fois qu'on avait vu le personnage au cinéma, c'était pour le charmant Superman Returns (2006) de Bryan Singer, qui pour l'exercice de reprise, prenait curieusement le parti d'en faire une suite à Superman 2 dont peu de gens se souviennent (en tous cas, pas le jeune public pour lequel le film était marketé). Avec le recul, Superman Returns est plutôt mignon, avec son esthétique rétro et son allure de comic-book désuet dominées par un Kevin Spacey qui en fait des tonnes. Le film est parfois touchant, souvent plan-plan. Singer ne peut se retenir de filmer avec beaucoup de naïveté son héros préféré (la première apparition de Superman est particulièrement émouvante), faisant parfois jouer avec efficacité la veine nostalgique qui caractérise tout le personnage depuis sa création en 1938.

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Le Superman nouvelle version : costume remixé, authentiques biscotos de bête de foire, regard lointain


2013 - fidèle à sa politique de la mémoire courte, la Warner réactive le folklore du personnage pour rebooter le personnage, et le résultat est surprenant à plus d'un titre : Zack Snyder semble s'être effacé face à son mentor. Le film est plus sombre et sérieux qu'il ne pourrait l'être, plongeant tête la première dans cette tendance à en faire des caisses dans le misérabilisme. Il s'avère que Superman a toujours été un héros délicat à traiter, qu'il intéresse moins que d'autres personnages immédiatement plus intéressant (Batman et son côté sombre, Spider-Man et le reflet d'une adolescence en lutte permanente qu'il incarne) ; ici, le traitement très premier degré joue pourtant en faveur du personnage, l'amenant vers d'autre sentiers. Snyder fait oublier ses irritants tics de réalisation (les ralentis) et ses goûts musicaux douteux (coucou Watchmen) au profit d'un score quasi martial de Hans Zimmer qui, s'il finit par tourner en rond, impose un nouveau thème très efficace.
Le casting approche la perfection : on aurait pu croire que des noms aussi connus allaient vampiriser le film et ses intentions mais Russel Crowe et Kevin Costner sont parfaits, incarnant deux pendants différents d'une même figure paternelle. Il est presque surprenant de voir comme un visage peut correspondre à celui qu'on se fait du boy-scout de chez DC : Henry Cavill fait passer les tourments et les espoirs du personnage avec une simplicité confondante, c'est simple, on n'interroge jamais la légitimité de l'acteur qui a d'ailleurs pris une masse affolante pour le rôle.
Diane Lane est méconnaissable et son rôle de mère est simple mais magnifique (c'est beau, d'être mère), Laurence Fishburne est idéal dans le rôle, même juste entrevu, de Perry White. Michael Shannon est la caution over-the-top du film dans un rôle de psychopathe constamment furibard. Seule Amy Adams surnage comme elle peut dans cette réunion de bonshommes dans un énième rôle féminin sacrifié sur l'autel des rapports hommes/femmes : si on nous montre que Loïs Lane est une reporter de talent et pas exactement une demoiselle en détresse, elle n'existe au final que pour servir l'hypothétique relation amoureuse avec Superman. 

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Laurence Fishburne en Perry White (classic shit!), Amy Adams en Loïs Lane (discutable)


Le traitement narratif accordé au récit est tout bonnement hallucinant - dans le sens de scandaleux. Malgré une ouverture d'une richesse jamais vue ailleurs où l'on reste une bonne demie-heure centrée sur Krypton et ses derniers enjeux (avec son univers propre, détaillé comme jamais auparavant, comme si le segment était un film de SF à part entière), le reste de l'intrigue subit le contrecoup de ce choix : le récit est tellement décousu que l'on attend pendant tout le film un semblant de développement pour enfin se raccrocher à quelque chose. La narration soutient un rythme de croisière si élevé qu'on saute d'un chapitre à l'autre sans aucun sens de l'ellipse, ou parfois au sein d'un même instant qui perd alors tout raccord (l'aberration saute aux yeux et ne quitte jamais le film). Tout sens de la dramaturgie est ainsi évacué alors que le récit pose pourtant toutes les bonnes bases pour monter crescendo.
En fait, Zack Snyder ne veut en arriver qu'à une chose : la rencontre entre le Général Zod et Clark, et ainsi déclencher les hostilités annoncées sous forme de menace dans les premières scènes du film ; précédemment, le réalisateur évoque les moments clefs de la vie de Clark et a recours au montage parallèle pour aller toujours plus vite : monologue de Russel Crowe/enfance de Clark, leçons de vie du père Kent/apprentissage de Clark. Si on se prend à se retrouver ému devant cette rétrospective, c'est peut-être parce que le cheminement de Clark est déjà connu, et porteur de thèmes universels : orphelin d'un autre monde adopté par un couple de fermiers et élevé dans la perspective d'être un homme bon, tiraillé par les questions de ses origines et amené à être un possible guide pour l'humanité l'ayant accueilli… le parallèle est des plus évidents dans cette histoire de sauveur, mais c'était l'essence du personnage, jusque dans ses tiraillement les plus existentiels. Dans la première partie du film, la rétrospective bat son plein et le spectateur comble les trous du récit de lui-même, ce qui est très dommage quand on considère en son temps le travail abattu sur Watchmen en terme de gestion d'adaptation et de scénario. Le film reste splendide dans les évocations de l'enfance de Clark et de son rapport très touchant à ses parents adoptifs, tout comme de son rapport au monde alors qu'il trouve refuge dans l'anonymat et voyage autour du globe. D'ailleurs, contrairement aux versions précédentes du personnage, le Clark Kent adulte n'existe qu'en opposition à Superman, qui doit d'abord s'accomplir en tant que héros/sauveur/messie avant de pouvoir s'envisager autrement.

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Kevin Costner (un peu notre père à tous), explique à son fils adoptif l'importance de laisser mourir ses camarades


Le problème, c'est l'absence de contexte de chaque nouvelle séquence de dialogue. Les personnages ont les bons mots, adoptent la bonne pose. Mais le problème du rythme du film, c'est qu'il impose un rush constant de toutes ces données. Kevin Costner est l'une des grandes forces tranquilles du film dans le rôle de Jonathan Kent, père adoptif et mentor comme l'était oncle Ben pour Peter Parker (le scénario reprend le même rapport de force que chez Marvel, c'est un peu paresseux). Kevin Costner a peu de scènes mais sa présence et les thématiques qu'ils soulèvent quant à l'identité de Clark et son rapport aux deux mondes auxquels il appartient sont des points majeurs de l'intrigue. Et faire incarner un personnage pareil par un acteur de cet acabit, dont notre "jeunesse" s'est faite les dents sur Danse avec les loups, Robin des Bois ou Waterworld (voire Postman !), c'est un chouette bonus, totalement symptomatique de Zack Snyder et de sa culture pop vite digérée.
Le décès de Jonathan Kent dans le film de Richard Donner (Superman - 1979) est l'un des points d'entrée du spectateur dans le nouveau rapport au monde qu'entretient l'enfant adopté avec l'humanité, si fragile et à la fois si généreuse. Impossible de passer outre ce moment déchirant où le paternel s'effondre à l'autre bout du chemin, victime d'un malaise cardiaque sous les yeux incrédules de son fils adoptif. Hélas, mille fois hélas, cet évènement indispensable à la construction du personnage fait l'objet d'une reprise altérée, bien mièvre et maladroite (*léger spoiler*) : dans Man of Steel, les américains continuent de mourir pour leur chien. La scène est relativement touchante (principalement grâce au personnage et tout ce qu'il incarne), et Snyder ajuste in extremis son rapport à l'image en cours d'un pudique fondu au noir. C'est joli, mais le ridicule du cliché supplante tout le reste. C'est une énorme maladresse, indigne d'un projet pareil, qui fait remonter en surface pas mal d'autres petits moments ridicules qui ne fonctionnent pas vraiment dans le film de Zack Snyder, lequel ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre à un humour qui se serait avéré salvateur.

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Russel Crowe est Jor-El, premier passage de témoin pour le spectateur


On le disait, le film prend dès le début la liberté de parti-pris visuels (voire graphiques) étonnants ; on sent comme la patte de J.J. Abrams et de ses lens flares, appliqués à un univers tout en monochrome de métal/marron. Les scènes sur Krypton dégagent cette espèce de beauté mortifère d'un monde à l'arrêt, qui prend encore plus d'ampleur devant la mine résignée de Russel Crowe, dernier conquérant qu'on présente comme un scientifique ayant tout compris, sans pouvoir rien y changer. Le déterminisme de la fin.
Il faut reconnaître à Snyder et à son équipe d'avoir réussi à conceptualiser de façon satisfaisante toute la dynamique et la façon de représenter l'homme de fer au travail : les scènes d'actions sont pour la plupart lisibles et ahurissantes de brutalité, impressionnantes dans leur développement et dans la gestion de l'espace. Certains plans surprennent et font mouche, les plans de vol sont à tomber et dans les séquences finales à Metropolis (qui ne se cache plus d'être New-York pour revisiter inutilement le traumatisme du 11 Septembre - comme l'ont fait The Dark Knight Rises ou Avengers l'année dernière), le film déploie des visions d'apocalypse à hauteur d'homme jamais vues auparavant, sauf peut-être dans des jeux vidéos profondément immersifs. Snyder gagne ici le pari qu'il s'était fixé : se lancer dans une étude quasi-documentaire des capacités de son héros et des répercussions physiques de ses actions. Le film est vraiment impressionnant si l'on songe à ses prises de parties visuelles. Si une partie du film trahit totalement tout ce en quoi le personnage croit originellement, jusque dans sa dernière bobine qui l'oppose à un cruel dilemme, il semble que ce choix ait été fait pour réaliser un film terminal consacré au dernier fils de Krypton, dans une problématique de réévaluation par l'excès de chaque nouveau blockbuster prenant la place du précédent : ici, la destruction méthodique qui en découle est tout à fait discutable, mais elle sert nos instincts les plus inavoués, abasourdis qu'on est devant un pareil "spectacle".
En se retrouvant dans le giron de DC Comics et avec Christopher Nolan en producteurs, Zack Snyder parvient à se détacher de ses marottes de clipper maniéré, tout en copiant un style dépressif à présent assujetti aux super-héros. Man of Steel est un blockbuster de haute volée techniquement, introduisant des parti-pris intéressants et ressuscitant en partie un personnage difficile à faire exister en dehors de ses aventures papiers ; c'est aussi, soit dit en passant, le meilleur film de Zack Snyder, qui n'en attendait peut-être pas tant. On attend quand même une hypothétique director's cut avec les 45 minutes de scènes intermédiaires qui semblent manquer au film...
Premier trailer :

+
Un avis de branleur sur Watchmen, de Zack Snyder (2009)
La critique de The Avengers, de Joss Whedon (2012)
La critique de The Dark Knight Rises, de Chris Nolan (2012)
Bonus :

Man of Steel, Henry Cavill, Christopher Nolan, Zack Snyder, Warner, DC Comics, Superman, Laurence Fishburne, Diane Lane, Kevin Costner, Amy Adams, Michael Shannon, Russel Crowe, Bryan Singer, Perry White, Zod, Clark Kent, Jonathan Kent, Martha Kent, Lois Lane, Hans Zimmer, Superman Returns, test, trailer, critique, photos, comics, teaser

L'un des rares moments de paix du film : Clark avec sa mère (magnifique Diane Lane)


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