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Only God forgives (Nicolas Winding Refn)

Par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Le film dans son énoncé même annonce la violence.

Quand on a connaissance de la polémique qui l’a accompagné lors du festival de Cannes, on sait à peu près à quoi s’attendre.

Ce n’est pas ici le scénario ou l’intrigue en elle-même qui retiendra notre attention. Présentée dans une atmosphère saturée de couleurs, pesante et moite, elle déroule un déchainement de passions instinctif, qui nous fait presque attendre un rebondissement qui lui donne davantage de sens. Le film d’action qu’on nous annonce s’enlise en fait dans un rythme hypnotique, suivant autant les méandres de la folie des personnages, qu’un immobilisme qui rend toute action ou toute parole cinglante et insoutenable.

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La force réside dans les personnages. Julian (Ryan Gosling) est là où on l’attend : bad boy plein de réserve, en apparence conforme à son image. Ici, il tient un club de boxe thaï et de sports de combat, avec son frère, figure de l’action qui disparait rapidement. Patron que l’on ne voit à l’œuvre qu’à la fin du film, Julian laisse penser qu’il économise ses forces pour l’affrontement final. C’est son frère, Billy, qui ouvre le bal, annonçant « sa descente aux enfers ». Bête sanguinaire et perverse, ses actes scandaleux lui font mériter la mort

Dans une spirale vengeresse, Julian accuse le coup, digère la mort de son frère lors de scènes contemplatives qui alternent avec l’intrigue et notamment par l’arrivée de sa mère, bimbo sur le retour (campée avec brio par Kristin Scott-Thomas méconnaissable).

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D’emblée ses visions hallucinatoires se mêlent au réel, nous faisant parfois perdre pied. La violence de la mère est verbale et visuelle,  et s’exprime autant dans ses mots que dans son attitude, son apparence. Elle joue sur la corde sensible, mêlant honneur de la famille et une affection incestueuse qui traduisent son désir d’attention. Le réalisateur parvient à utiliser ses acteurs à contre-sens de leurs rôles habituels. Autant la mère incarne l’assurance, la mauvaise-foi et le pouvoir (elle avouera plus tard qu’elle est le cerveau de leur trafic de drogue, dont le club de boxe n’est que la couverture), autant Julian est la figure de l’impuissance. Il regarde sans faire (les filles, la vie), encaisse les coups (comme dans son seul combat du film), et semble attendre la mort qui s’annonce dans ses visions.

Cette dernière prend corps sous la forme de Chang, un policier retraité, qui applique sa justice personnelle, à coups de sabre de samouraï. Soutenu par une escouade d’autres policiers admiratifs, il assiste et provoque les scènes insoutenables du début du film. C’est sous ses traits que Julian voit la mort le guetter en songes, c’est lui qui apparait à chaque coin de porte. Dénué d’expressions durant toute sa traque, Chang est aussi présenté en contre-point larmoyant dans un karaoké, alors qu’il énonce les paroles d’une chanson justifiant le titre du film. C’est lui le seul qui peut accorder son pardon. C’est celui-là même que Julian espère trouver, au-delà de la reconnaissance de sa mère. L’emprise de pouvoir de castration et de culpabilisation n’est rien face à la mort.

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Dans ce cheminement vers une sorte de rédemption, Julian nous conduit dans son « trip », au gré d’actions avortées ou fantasmées, de scènes qu’on a du mal à regarder. L’univers nocturne du film, plonge les scènes dans des lumières artificielles, bleues, rouges, ou dans une obscurité inquiétante.

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Ce qui retient notre attention c’est le montage, qui superpose les scènes distinctes, le voyeurisme qui se mêle à la violence pure, la retenue qui rencontre les instincts, provoquant le malaise et le questionnement chez le spectateur. Et puis, il y a ce qui n’est pas dit : les tendances perverses de Billy, qui sont passées sous silence et justifiées par sa mère, le massacre dans la boite de travestis qui n’est pas évoqué, le trafic de drogue et ses implications qui n’est pas du tout central, et comment Julian occupe cette place de patron, alors qu’il n’en a pas l’étoffe. On en sort groggy et un peu perturbés par les images dérangeantes, en y pensant comme à un cauchemar.

A voir :
Only God forgives, un film américain de Nicolas Winding Refn, (1h30)

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