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Rapport Jospin : vers la moralisation des politiques ?

Publié le 06 juillet 2013 par Vindex @BloggActualite
Rapport Jospin : vers la moralisation des politiques ?-Lionel Jospin-


Récemment la scène politique française est encore apparue aux yeux des français particulièrement inexemplaire en matière de probité et de sincérité.En témoignent bien les derniers exemples en date : le ministre du budget (Jérôme Cahuzac) soupçonné d'obtenir des comptes bancaires en Suisse dans le but de frauder fiscalement.En réaction à ces exemples récents, mais aussi dans le cadre de son programme politique, le président de la République a décidé d'impulser une politique visant à lutter contre la corruption, la fraude et les conflits d'intérêt au sein du monde politique, œuvrant ainsi pour une moralisation de celui-ci.A cette fin, il a demandé à un ancien Premier Ministre français – Lionel Jospin – de diriger une commission dite "de rénovation et de déontologie de la vie publique" ou "Pour un renouveau démocratique" dans le but de "rénover la démocratie et moraliser la vie publique". Cette commission a rendu son rapport en Novembre 2012. Il convient ainsi de voir quelles furent les propositions retenues par ce rapport Jospin, puis de voir quelles sont celles qui ont été retenues pour le projet gouvernemental se manifestant dans quatre projets de loi constitutionnelle déposée à l'assemblée nationale le 13 Mars 2013. Les propositions du rapport JospinL'ensemble des propositions faites est regroupé autour de plusieurs thèmes fixés par avance par le président de la République : -une série de réflexions autour du Président de la République (élection, parrainages, articulation avec les élections législatives, statut « juridictionnel »).-une autre série de propositions sur la vie politique de façon plus globale, en différents sous-axes : -la représentation politique (modification des modes de scrutin applicables aux assemblées parlementaires, parité). -le cumul de mandats et de fonctions. -la prévention des conflits d'intérêt.Donner son avis sur : -certaines des propositions du rapport ;-celles retenues par le gouvernement.Si certains membres de la commission (Rousseau) militaient pour une interprétation large de la lettre de mission présidentielle, en proposant d'élargir le champ des propositions du rapport, la majorité (dont le président de la commission) étaient favorables à une interprétation plus stricte. Ainsi 35 propositions ont été retenues pour améliorer les institutions de la V° République.Ce type de rapport permet des propositions relativement étayées  précisant quelle norme (la Constitution, une loi organique ou une loi ordinaire) doit être modifiée et comment. Pour autant ce rapport n'a fait que répondre aux cinq questions posées par le président de la République, sans pour autant proposer une réflexion en profondeur sur l'état du régime constitutionnel, laissant de côté au mieux l'aspect politique, sans pour autant l’annihiler (puisque la question reste politique, car vise entres autres la moralisation de la vie politique).

Vers le non-cumul des mandats en politique ?

Concernant cette question, la lettre de mission dispose qu'il faut « formuler des propositions permettant d'assurer le non cumul des mandats des membres du Parlement ainsi que des fonctions ministérielles avec l'exercice de responsabilités exécutives locales ». Ainsi, la commission n'a pas à débattre de la nécessité ou non d'aller vers le non-cumul des mandats, mais seulement de proposer la mise en oeuvre concrète et juridique de cette mesure, à teneur politique, déjà décidée sur le fond par le pouvoir politique suite à des promesses électorales (n° 48 du programme de François Hollande). En fonction de cela, la commission a fait 2 propositions : -la première est l'interdiction du cumul des fonctions ministérielles avec l'exercice de tout mandat local (proposition n° 13, pp. 61-62), -la seconde consiste à « rendre incompatible le mandat de parlementaire avec tout mandat électif autre qu'un mandat local simple à compter des prochaines élections locales » (proposition n° 14, p. 66 s.).Il convient d'abord de rappeler l'état actuel du droit avant de constater les modifications apportées par ce rapport.Fonction ministérielle et mandat parlementaireActuellement, il n'est pas possible de cumuler un mandat de ministre et un mandat parlementaire, pour lutter, à l'évidence, contre les conflits d'intérêts qui se poseraient alors. Lorsqu'un ministre se présente puis est élu parlementaire, ou inversement lorsqu'un parlementaire est nommé ministre, il doit faire un choix : soit rester parlementaire (ce qui, vu le prestige du poste de ministre, semble assez peu probable), soit devenir ministre et ainsi démissionner de son poste de parlementaire au profit de son suppléant.Néanmoins, lorsque le ministre ne l'est plus, il peut alors redevenir député ou sénateur à la place de son suppléant, comme par exemple, dernièrement, Delphine Batho. En matière de cumul de mandats, la moralisation proposée par le rapport Jospin ne se trouve pas être à sens unique. Et pour cause, la proposition n°14 vise à supprimer l'article 23 de la constitution, afin d'abolir l'incompatibilité des fonctions ministérielles avec l'exercice d'un mandat parlementaire. Il s'agit selon ce rapport d'en finir avec une disposition "contre-productive", alors que pourtant il apparaît évident que le caractère politique des postes de hauts-fonctionnaires, doublés de leurs responsabilités étendues, rend impossible l'exercice d'un autre mandat parlementaire dans le même temps, que ce soit en terme de disponibilité ou de conflits d'intérêts (comment se trouver, en effet, à la fois au parlement et au gouvernement, quelle posture politique prendre ?). Fonctions locales et mandat parlementaireRelativement à d'autres cumuls (mandats locaux divers et membre du gouvernement), le rapport étudie la proposition d'une interdiction d'un tel cumul, laquelle n'existe pas. En effet, même si une certaine "coutume" invitait les membres du gouvernement à renoncer à leur poste d'élu local, ils n'étaient pas légalement obligés de le faire (ce qui était par exemple le cas d'Alain Juppé, qui fut Maire de Bordeaux et Ministre des affaires étrangères).Étrangement (bien que de manière juste), l'argument de l'indisponibilité d'un ministre à exercer dans le même temps un mandat local a été avancé pour justifier cette proposition, alors qu'il aurait pu l'être aussi pour maintenir l'article 23 de la constitution. Cependant, à la différence du remplacement des parlementaires appelés au gouvernement, qui est redevenu temporaire depuis la loi constitutionnelle du 27 juillet 2008, le remplacement du ministre dans ses fonctions locales, tel qu'il est prévu par la Commission, est définitif (p. 8). Ensuite, l'une des autres propositions phares, presque récurrentes sur le paysage politique français, est celle de l'interdiction du cumul des mandats. On lui reproche souvent l'absence de renouvellement de la vie politique, locale comme nationale, l'accumulation des indemnités (certes limité par une loi du 25 Février 1992 à une fois et demie le montant brut de l'indemnité parlementaire de base, mais ne comprenant pas tous les types de mandats comme par exemple les mandats intercommunaux) ou encore l'étalement sur plusieurs fronts qui empêche de mener un travail politique sérieux sur ces mandats.Pour autant, les élus estiment qu'il s'agit souvent d'avoir une meilleure attache locale et une meilleure connaissance du "terrain". Les Lois du 5 Avril 2000 et de Février 2002 ont renforcé les règles de non-cumul de mandats, lesquelles concernent aussi les fonctions exécutives des collectivités. Il s'agit de distinguer deux situations différentes, selon que l'élu soit parlementaire ou non : -lorsque l'élu local n'est pas parlementaire (ni député, ni sénateur, ni député européen) il ne peut cumuler plus de 2 mandats parmi ceux de conseiller général, régional ou municipal. Il dispose alors d'un délai de 30 jours pour faire cesser l'incompatibilité et, à défaut d'option ou en cas de démission du dernier mandat acquis, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit. L'intéressé perd donc tout. C'est un mécanisme destiné à lutter contre la technique des « locomotives », c'est à dire des élus tirant des listes et démissionnant ensuite. -lorsque l'élu local est parlementaire, il ne peut détenir qu'un seul mandat parmi ceux de conseiller général, régional ou municipal de Paris ou conseiller municipal d'une ville de plus de 3 500 habitants. En cas de cumul de mandat, il doit là encore exercer son option dans un délai de 30 jours, faute de quoi le mandat acquis le plus récemment prend fin. Ils peuvent donc cumuler jusqu'à trois mandats (en cas de commune de moins de 3 500 habitants, pour favoriser l'ancrage local des sénateurs). Concernant les exécutifs, le mandat de maire est incompatible avec celui de président de conseil régional ou général, et le mandat de président de conseil général est incompatible avec celui de conseil régional. Cependant, le mandat de conseiller vice-président ou président d'un EPCI ne compte pas dans l'interdiction de ce cumul.Selon le rapport Jospin (p. 63), 476 députés sur 577 (82 %) et 267 sénateurs sur 348 (77 %) sont en situation de cumul. Parmi eux, 340 députés (59 %) et 202 sénateurs (58 %) exercent des fonctions exécutives dans les collectivités territoriales 261 députés (45 %) et 166 sénateurs (48 %) sont soit maire, soit président de conseil général, soit président de conseil régional » (p. 63). Concrètement, ce rapport ne propose pas l'interdiction absolue du cumul de mandat (c'est-à-dire le mandat unique). Néanmoins, le cumul promet, si cette proposition est suivie, d'être assez restreint : il y aurait interdiction de cumul entre un mandat parlementaire et : - des mandats correspondant à des fonctions exécutives locales (maire, président du conseil général ou régional, président d'EPCI ou établissements publics) et ;-les fonctions dites « dérivées » qui ne sont pas exécutives, mais qui permettent à des élus locaux de siéger soit dans des assemblées délibérantes soit dans des conseils d'administration (membre d'une assemblée d'EPCI, membre du conseil d'administration d'une Société d'économie mixte, d'une société publique locale, d'un établissement public local). Autrement dit, un cumul pourra s'opérer uniquement entre parlementaire et simple élu local (municipal, général ou régional). Ainsi les seuls mandats (dits "locaux simples") restant compatibles seraient très peu nombreux : membre d'une assemblée délibérante d'un conseil municipal, général ou régional. De plus, concernant ces mandats, la commission préconise l'absence totale d'indemnité, si bien que seule l'indemnité parlementaire serait perçue. Il est clair que cette proposition s'assimile comme un découragement des cumuls de mandats restant possibles, mais pour autant cette mesure semble assez peu justifiée : dès lors que l'on reconnaît qu'une fonction élective est effectuée, un minimum d'indemnités semble de bon ton, avec un contrôle pour limiter l'avidité qui en serait la conséquence (ainsi le système actuel d'une fois et demie l'indemnité parlementaire était une proposition équilibrée). Ainsi, l'indemnité liée au mandat local simple devra être abandonnée. Cette proposition a également pour effet, selon certains, de remettre en cause partiellement le rôle du sénat, qui est de représenter les collectivités territoriales de la République (art. 24 de la constitution). En effet les sénateurs sont élus parmi les élus locaux et par eux. Pour autant, ce rôle n'empêche pas selon la commission Jospin : -de tenir compte des préoccupations des collectivités territoriales en votant les Lois au Sénat (ce qui est sans doute d'ailleurs fait également à l'assemblée nationale) ;-d'instaurer une incompatibilité de mandats comme prévue par la commission : il s'agirait alors pour l'élu local nouvellement élu sénateur d'abandonner son mandat local si celui-ci s'avère incompatible. Enfin, à l'inverse du Conseil d'Etat sur cette question, la commission estime qu'une telle proposition doit être d'application immédiate, sans attendre la fin des mandats parlementaires actuellement en vigueur.Si cette proposition semble relativement populaire et se base, rappelons le, sur des promesses présidentielles, on peut malgré tout relever que le rapport Jospin, prompt à apporter des solutions, est assez lapidaire, ou du moins orienté, sur les constats : sa critique du cumul des mandats se fait sans trop de réserve, et les arguments allant à l'encontre de ce cumul sont peu étayés. Ce rapport décrit par exemple assez peu le lien entre qualité du travail d'élu et cumul des mandats (effectivement aucune étude approfondie n'est citée), mais on peut pour autant estimer que, bien qu'il existe des exceptions, le cumul des mandats empêche, d'une manière générale, à un élu d'avoir une présence correcte à la fois sur les deux mandats. L'argument du droit comparé est quant à lui assez peu fondé : comparaison n'est pas raison, comme dit le dicton. Pour autant, le cumul des mandats à une certaine vertu : celle de rendre plus indépendants les députés vis-à-vis de leur groupe politique. En effet, un député n'ayant d'autre mandat politique que parlementaire aura davantage de pression vis-à-vis de son parti politique, et sera moins enclin à voter en conscience sur certains textes d'importance. Ainsi, indirectement, renforcer les partis, c'est renforcer la majorité présidentielle, donc l'emprise du président et du gouvernement sur le parlement.Le cumul serait donc une manière pour les élus locaux de prendre une certaine indépendance, bien qu'on remarque au fond que celle-ci est toute relative, tant le schéma politique à l'assemblée s'est bipolarisé autour des partis politiques, et tant le débat tourne autour des partis. D'autres propositions ont cependant été faites, relatives notamment aux divers modes de scrutin.

Une rénovation des élections

Présidentielles : Les parrainages citoyensConcernant le système de parrainages (qui exige d'un candidat aux élections présidentielles qu'il réunisse un nombre minimal de signatures parrainant sa candidature), la commission estime que la procédure existante présente une « double fragilité » : -une incertitude sur la possibilité, pour certains courants significatifs de la vie politique du pays, d'être représentés au premier tour (p. 12). -l'insuffisance du seuil des 500 parrainages pour se prémunir contre le risque d'un trop grand nombre de candidatures (bien qu'on observe depuis deux présidentielles une baisse des candidats vers un nombre raisonnable). Le rapport propose de confier l'attribution des parrainages non plus aux "grands électeurs" (c'est à dire les Maires par exemple) mais aux citoyens. Le but est d'atteindre un équilibre entre représentation des divers courants de pensée et éviction des candidatures non-sérieuses. La "dé-médiatisation" de cette élection ne devrait, de toute évidence, pas être obtenue par cette mesure : les partis resteront maîtres du déroulement de cet événement. La participation mettra plus en scène le citoyen, ce qui n'est pas forcément un mal, mais pose nécessairement la question du nombre de parrainages adéquat (et des moyens matériels mis en oeuvre pour certifier l'authenticité de ces parrainages). Un des effets de ce nouveau régime serait notamment que les médias exploiteraient les nombres de parrainages citoyens récoltés par chaque candidats pour en faire une sorte de premier tour avant l'heure. La commission propose un seuil minimal de 150 000 parrainages  émanant d'au moins 50 départements différents sans qu'un département ne puisse fournir plus de 5% du total des signatures (soit 7 500).Pour pallier à l'aspect lourd du procédé, la commission propose l'envoi à chaque électeur un formulaire de parrainage à renvoyer, ou alors la validation des signatures par mode électronique. Le contrôle ne relèverait alors plus du conseil constitutionnel mais des préfectures. Législatives : vers un parlement plus représentatif ? Il convient d'abord de souligner que concernant le droit de vote des étrangers (qui étendrait le corps électoral et donc la représentativité du parlement), le rapport Jospin est muet, malgré le fait notable qu'il s'agissait d'une proposition importante du projet politique porté par François Hollande. Cela étant, en matière de représentativité du parlement, le rapport Jospin fait trois constats : -l'insuffisance des courants représentés à l'assemblée nationale ;-la faible représentativité du Sénat vu son mode de scrutin au suffrage universel indirect ;-l'insuffisante représentation des femmes au Parlement dans son entier. Le parlement est une institution politique relativement politisée dans le sens où les partis politiques dominent largement ce qui s'y passe, s'y fait, s'y vote, s'y dit (plus de temps de parole, plus de questions, possibilité de créer des groupes politiques, ...). Pour autant, il apparaît louable voire nécessaire que plus de tendances et idéologies politiques différentes s'y trouvent représentés afin que les échanges et débats soient plus nuancés. Cela ne doit pour autant pas mener la V° République vers un nouveau parlementarisme démesuré vecteur de blocages institutionnels comme la III° République a pu le vivre (87 gouvernements en 70 ans tout de même). Cela amène le rapport Jospin à faire une proposition visant à modifier le mode de scrutin actuellement en vigueur, qui est direct, majoritaire, uninominal à deux tours, avec un territoire divisé en autant de circonscriptions qu'il y a de sièges à l'Assemblée Nationale. Il s'agit d'abord d'instaurer une dose de proportionnelle à hauteur de 10% des élus, afin d'ouvrir davantage la chambre basse à d'autres courants de pensée d'ordinaire peu voire pas représentés. On peut toujours débattre du chiffre en question (trop, pas assez, à supposer d'ailleurs qu'il existe un juste milieu qui puisse se dégager de tels comptes d'apothicaires), il n'empêche que cette évolution est proposée et qu'elle a le mérite d'exister. 10% semble être un minimum, de sorte à conserver intacte la majorité présidentielle et le lien direct entre un élu et ses électeurs. Concrètement, il s'agirait de deux scrutins parallèles et différents : les majorations dans chaque circonscription, et un proportionnel sur une circonscription à échelle nationale, dans lequel tous les résultats seraient pris en compte et attribuerait à chaque parti candidat un nombre de députés correspondant à son score national. Concernant le Sénat, sa légitimité n'est pas remise en cause par ce rapport (bien que certains soient tentés de penser que, n'étant pas élus directement par les citoyens, il n'a pas de raison d'être). Actuellement le mode de scrutin est indirect, majoritaire, uninominal à deux tours. Deux critiques sont formulées : le scrutin avantagerait les communes rurales alors qu'elles représentent moins de citoyens, mais en plus le scrutin proportionnel n'y serait pas assez fort.En conséquence, deux propositions sont faites pour modifier son mode de scrutin : -assurer une pondération en faveur des communes plus peuplées.-augmenter la place du scrutin proportionnel. Enfin, une dernière proposition relative au Sénat vise à abaisser de 24 à 18 ans l'âge légal pour pouvoir se présenter aux élections sénatoriales (âge très théorique d'ailleurs tant on imagine peu probable que cette hypothèse arrive un jour). Enfin, pour achever l'oeuvre d'une meilleure représentativité du Parlement, l'on ne pouvait échapper à une nouvelle proposition visant à une meilleure parité entre hommes et femmes. Pourtant, il m'apparaît évident que tel n'est actuellement pas nécessaire à une bonne santé de nos institutions. Le but de la parité est de parvenir à une relative égalité numérique de représentation entre les hommes et les femmes dans la vie politique, que ce soit dans les fonctions électives ou nominatives. Pourtant, il n'existe, à mes yeux, aucune différence majeure et objective de concevoir, de penser et de faire le politique qui repose sur la distinction du sexe : en effet, une femme pense t-elle ou fait-elle de la politique de manière foncièrement différente qu'un homme (et inversement), et les idéologies développées par celles-ci (et la manière de les mettre en oeuvre) sont-elles là encore si différentes ? Si la réponse est négative, et je crois qu'elle l'est, quel intérêt peut-on tirer d'une mixité parfaite au sein des instances de décision ? Si une telle idée de parité n'était qu'une simple façon de mieux satisfaire certains égos et ne comportaient en son sein aucun inconvénient majeur, soit. Mais un tel système peut comporter des effets négatifs. Les critères de votes sur lesquels tout citoyen se base pour élire ses représentants sont légions, mais la grande majorité, nous l'espérons mais nous en sommes convaincus, ont trait plus ou moins à la compétence de l'élu à exercer sa fonction. Ce qui peut transparaître par différentes impressions (manière de faire ou de dire les choses, passé d'élu et résultats, manière de formuler ses idées, crédibilités de ses idées pour résoudre des problèmes et améliorer la situation de chacun, expérience, proximité avec le terrain...).Dès lors que ce critère apparaît comme objectivement le plus nécessaire et le plus sein pour la bonne gestion de notre pays et ses diverses institutions, il apparaît inopportun d’instaurer a priori d'autres critères de sélection des élus (que ce soit le sexe ou d'autres critères d'ordre physique), car alors l'apparition de ces nouveaux critères peuvent empêcher l'arrivée en politique de personnes théoriquement plus compétentes qui auraient réussi à intégrer une fonction si ces nouveaux critères n'avaient pas été mis en oeuvre préalablement.Ainsi, instaurer un critère (sexe, race, ...) sans rapport avec l'objet d'un choix (élection, représentation, direction) est de facto préjudiciable pour tout autre critère qui serait valable car en lien avec l'objet dudit choix (compétences, expérience). Si les partis cherchent à tout prix des candidats "femmes", la préoccupation première ne serait plus la compétence, mais le sexe.Certains diront sans avoir tout à fait tort que le premier critère au sein des partis n'est plus la compétence, mais sans doute le degrès d'allégeance envers leurs dirigeants. Pour autant il apparaît inopportun d'aggraver démesurément cet état de fait. Le principe d'égalité n'est pas atteint par un manque de parité : c'est tout le sens d'une décision (certes assez ancienne) du Conseil Constitutionnel, qui disait alors que "La qualité de citoyen ouvre le droit de vote et d'éligibilité, dans des conditions identiques, à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'élection et l'indépendance de l'élu, (...) que la constitution s'oppose à toute division par catégorie des électeurs ou éligibles" (Conseil Constitutionnel, 82-146 DC du 18 Novembre 1982, confirmée par Conseil Constitutionnel, 98-407 DC du 14 Janvier 1999). Mais au grès des réformes constitutionnelles, la parité est devenue un objectif d'ordre constitutionnel, puisque l'article 3 de la constitution dispose que« la Loi favorise[et non impose]l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats locaux et fonctions électives »Ainsi, ne perdons pas plus de temps et observons la proposition du rapport Jospin en la matière.Elle apparaîtra clairement insuffisante au tenants de la parité : il s'agirait simplement d'aggraver les sanctions financières (déjà existantes) à l'encontre des partis politiques ne présentant pas autant d'hommes que de femmes lors des élections législatives, par le « renforcement du dispositif de la modulation des aides financières aux partis politiques » de la proposition n°13. Il eut été possible de faire une proposition beaucoup plus efficace en la matière, à savoir de privilégier le "ticket homme-femme" qui promet d'être mis en oeuvre prochainement pour les élections cantonales : chaque parti devrait présenter pour chaque circonscription un couple de deux députés : un homme et une femme. Nécessairement, la parité serait alors parfaite à l'assemblée.Il va cependant sans dire qu'une telle réforme nécessite une profonde révision de la carte électorale française (c'est à dire la division par 2 du nombre de circonscription), ce qui n'est pas une mince affaire tant on sait que la chirurgie électorale que constitue chaque réforme allant en ce sens est vectrice de polémiques. Petits bras donc, mais c'est compréhensible. Un dernier axe se trouve non plus dans une amélioration démocratique mais dans une modification du rapport entre la justice et les membres du gouvernement.

Vers l'irréprochabilité ?

A Président "normal", traitement normal. C'est, en termes simples et clairs, la philosophie exprimée par cette proposition qui s'inspire largement elle-même de la ligne conductrice suivie par le Président de la République lors de la campagne présidentielle de 2012. Le statut juridictionnel des ministres et du président de la RépubliqueActuellement, tandis que les ministres de la République sont jugés en vertu du droit commun mais devant une juridiction particulière (la Cour de Justice de la République, devant laquelle a par exemple été entendue Madame Christine Lagarde au sujet de l'affaire Tapie), le président de la République bénéficie d'une immunité pénale presque entière, ne pouvant être inculpé durant son mandat sauf à ce que le Parlement constitué en Haute Cour le destitue de son mandat en vertu de l'article 68 de la constitution (se basant alors sur un "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat"). Cette impunité temporaire a ainsi pu être constatée lors de la présidence relativement longue exercée par Jacques Chirac (12 ans), à l'issue de laquelle il a été jugé, vingt ans après les faits. Il faut bien reconnaître que l'exemplarité et la rapidité de la peine (autant d'ailleurs que la sanction, qui fut assortie de sursis) a donné l'impression d'une quasi-impunité. Le rapport Jospin entend mettre fin à ce régime de faveur : l'idée est de rapprocher le statut juridictionnel des ministres et du président de la République du droit commun dans un soucis de respect du principe d'égalité. La proposition est la suivante : le principe serait l'application d'un statut de droit commun, et l'exception est constituée d'aménagements tenant compte des situations du Président de la République et des membres du gouvernement. Ainsi, le président de la République pourrait comparaître devant une juridiction pénale ou civile en cours de mandat pour les actes qui ne relèvent pas de ses fonctions, c'est-à-dire ceux qui ont été commis antérieurement à ses fonctions présidentielles ou en dehors de celles-ci. Cela étant, pour les actes répréhensibles civilement ou pénalement commis dans le cadre de leurs fonctions, les ministres comme le chef d'État ne sauraient être traités comme des « justiciables ordinaires ». Le but de la persistance d'un "îlot" d'impunité se justifie selon le rapport par la lutte contre des plaintes abusives contre les gouvernants.En premier lieu, une juridiction serait alors mise en oeuvre pour les filtrer (la Commission supérieure d'examen préalable pour le président, et la Commission d'examen préalable pour les ministres). Pour le président de la République, il ne pourra être l'objet d'une citation directe par la partie civile, pourra être représenté par son conseil, et aucun juge ne pourra prendre, sauf flagrant délit, « aucune mesure privative ou restrictive de liberté ». Pour le président et les membres du gouvernement, la formation de jugement sera composée de cinq juges au lieu de trois pour juger des délits comme des crimes. La suppression de la CJR implique que les hommes politiques ne sont plus jugés par leurs pairs, mais par des magistrats professionnels. Ainsi, cette proposition tend vers un rééquilibrage entre les citoyens et leurs gouvernants, bien que, assez légitimement, l'on ne puisse toujours pas considérer ces-derniers comme des justiciables normaux. En effet il faut avoir à l'esprit que certains ministres (surtout les plus importants) et le président ont tout de même une image internationale, puisqu'ils représentent notre Nation, ce qui justifie un régime dérogatoire temporaire. La promesse de campagne d'un justiciable normal n'est donc pas tout à fait remplie. La lutte contre les conflits d'intérêtsIl s'agit en l'occurrence de lutter contre l'accumulation entre une fonction publique et des intérêts privés par une même personne, ces derniers pouvant agir de façon néfaste sur l'exercice de sa fonction politique. Par la proposition n° 32 pour des raisons (très surfaites) d'éthique, la commission propose également d'en finir avec la présence au Conseil Constitutionnel des anciens présidents de la République. En effet, si leur présence pourrait poser problème en terme de séparation de pouvoirs (encore qu'il n'y a aucun cumul effectif), il faut préciser que leur contribution au travail de jugement est sommes toutes assez peu significative. En matière de haute fonction publique, la lutte contre ce pantouflage est déjà existante, à la fois de manière préventive et répressive.En effet, la réglementation du pantouflage a pour objet d'interdire au fonctionnaire venant de quitter ses fonctions publiques d'exercer avant un certain délai des activités privées jugées incompatibles avec ses anciennes fonctions. La réglementation concerne les agents publics qui ont été chargés, dans le cadre de leurs fonctions, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats. Soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions. Le fait pour ces agents « de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de 3 ans suivant la cessation de leurs fonctions et puni de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende ». En outre, toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et soumise à une activité est assimilée à une entreprise privée. Lorsqu'un agent public chargé des fonctions décrites à l'article 432-13 du code pénal quitte la fonction publique pour travailler dans le secteur privé, il faut apprécier la compatibilité de cette activité privée avec les fonctions publiques qu'il a déjà exercé depuis moins de trois ans. C'est une commission de déontologie placée auprès du premier ministre qui en est chargée.La saisine de la commission est obligatoire si l'agent exerçait les fonctions décrites à l'article 432-13 du code pénal. Si la commission se prononce pour l'incompatibilité, cet avis s'impose à l'administration. Pour les fonctions non visées à cet article du code pénal, la commission peut-être saisie pour avis sur le point de savoir si l'activité envisagée risque de porter atteinte à la dignité des fonctions quittées ou de compromettre le bon fonctionnement du service public. Enfin en matière répressive les hauts fonctionnaires sont concernés, comme les élus, par les infractions de prise illégale d'intérêt, de corruption ou de trafic d'influence qui figurent au code pénal. Le rapport Jospin soulève une modification de la haute fonction publique en France, allant vers de plus en plus d'aller et retour des hauts fonctionnaires entre le public et le privé, ce qui peut jeter sur eux la suspension d'une interférence (volontaire ou non) entre l'une et l'autre. En premier lieu, le rapport propose de renforcer le régime des incompatibilités entre fonctions publiques et privées, en interdisant à tout membre du gouvernement de cumuler en même temps une autre fonction publique ou une autre activité professionnelle (notamment les fonctions de direction des sociétés commerciales). Il serait alors nécessaire de modifier l'article 23 de la constitution, ce qui aurait une valeur juridique plus importante que les actuels textes de Loi en la matière. Le rapport propose également la mise en oeuvre d'une obligation légale de déclaration d'intérêts et d'activités pour les membres du gouvernement lors de leur nomination, et à actualiser pendant toute leur fonction. Il s'agirait de "recenser, en prenant en compte une période de cinq ans avant l'entrée au gouvernement, les intérêts détenus par le ministre, directement ou indirectement, ainsi que les activités ou fonctions". Cela irait même jusqu'à considérer les mêmes intérêts ou activités de l'entourage proche de chaque membre du gouvernement. Tout comme l'obligation de déclaration de patrimoine, celle-ci serait également rendue publique. Cette obligation serait aussi applicable aux parlementaires (proposition n°30).Concernant les parlementaires d'ailleurs, le but est d'augmenter les incompatibilités professionnelles qui leurs sont applicables : fonctions de direction dans les sociétés mères, avocat. Par ailleurs, outre la création d'une autorité de déontologie de la vie publique (détailler par un article), est proposée la mise en place d'un dispositif d'alerte éthique ouvert aux citoyens : toute personne pourrait alors adresser une alerte aux déontologues des diverses institutions publiques dont les acteurs sont exposés au risque d'un conflit d'intérêt, en expliquant un conflit d'intérêt potentiel ou avéré. En ce cas, le déontologue, qui joue le rôle de filtre des demandes jugées fantaisistes (et c'est heureux, vu que les requêtes promettent d'être légions), pourrait adresser à l'autorité hiérarchique ou compétente du personnage visé des recommandations et observations, et recueillir ses observations et les mesures envisagées pour mettre fin à ce conflit d'intérêt.Si la situation restait à la suite de cette procédure inchangée, l'autorité de déontologie pourrait alors être saisie de la question. L'idée semble intéressante, mais encore faudra t-il que les citoyens en soient suffisamment bien informés, et surtout qu'ils puissent facilement savoir quelle autorité contacter, ce qui ne semble pas si évident.

CONCLUSION

Pour conclure ce rapport fait un certain nombre de propositions.Toutes sont de bonne volonté car elles ont pour but de "moraliser" la vie politique (alors qu'au fond, ce qu'il faut moraliser, ce sont les hommes politiques) et pour effet escompté de rendre les électeurs plus confiants.Si certaines vont dans le bon sens également sur le fond (statut des ministres, cumul des mandats, lutte contre les conflits d'intérêts, dose de proportionnelle ...) d'autres me semble moins convaincantes (parrainages citoyens, statut du président de la République), voire infondées, et je m'en suis expliqué (parité).Nous verrons dans un prochain article les évolutions juridiques qui ont fait suite à ce rapport par une loi relativement récente.

Sources

-tempsreel.nouvelobs.com ; Martin Julien, "Ce que changerait vraiment le rapport Jospin" – 09 Novembre 2012 : à lire pour un bon résumé.-Rapport Jospin.

-Baranger Denis, BeaudOlivier – Un rapport de Constitutionnalistes sur le Rapport Jospin – Revue Française de Droit Administratif, 2013, p 389.Rémi Decombe.

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