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Chronique: Killer Mike & El-P – Run The Jewels

Publié le 11 juillet 2013 par Wtfru @romain_wtfru

run the jewels(Fool’s Gold)

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Lors de sa venue à Clermont-Ferrand en février dernier, Killer Mike nous avait révélé une information qui ne pouvait laisser insensible: un nouveau disque avec El-P, un an à peine après l’excellent R.A.P Music. Alors que l’on s’attendait au volume 2 du gros Mike, on a vite appris que l’on aurait mieux avec un album commun -chez Fool’s Gold, le label d’A-Trak s’il vous plait- de ces deux protagonistes du rap qu’on ne présente plus.
D’un côté, Killer Mike donc, rappeur d’Atlanta proche d’Outkast et monstre au micro, de l’autre El-P, façonneur de sons de légende pour tous les backpackers avec son travail pour Company Flow et Cannibal Ox’ puis en solo. Deux mecs passionnés et surtout passionnants qui ont écumé tout ce que le rap peut faire de mieux et qui n’ont plus rien à prouver.
Ce qui ne les empêche pas d’avoir encore des choses à dire.

Run The Jewels est donc le titre de l’album tout comme le nom qu’ils se sont donnés pour l’occasion. Un blaze rutilant que n’aurait pas renié Jay-Z & Kanye West lors de leur disque commun, et ce n’est sans doute d’ailleurs pas un hasard de la part de Jaime et Michael.
Sauf qu’on est à mille lieux de ce rap scintillant et champagne. Ici, ça kicke dur sur des productions toujours plus sales et sombres mais superbement travaillées par El-P. Tout le génie de ce garçon réside dans ses capacités à nous servir quasiment toujours le même plat mais avec un ingrédient différent donnant une nouvelle saveur particulièrement bonne à chaque fois. Killer Mike s’en donne à coeur joie mettant sa voie imposante au service de l’ambiance. C’est épais, colérique, concis, bref tout ce qu’on aime.

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Run the Jewels – DDFH

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Et si les automatismes sont réglés comme du papier à musique entre les deux sur le principe « un beatmaker/un rappeur », la belle surprise vient de leur complémentarité en tant que rappeur. Car oui, El-P prend le mic’ sur chaque morceau et vient en aide à son partenaire de jeu. La symbiose est parfaite entre partie de ping-pong technique, flows rageurs, écritures et visions proches. Personne ne cherche à tirer la couverture sur soi, on a à faire à une vraie entité plus qu’une association. Un véritable tour de force.

Ces deux talents ensemble forment un formidable rouleur compresseur prêt à tout détruire sur son passage. On tabasse fort sur les basses, il y a de la guitare électrique quasiment à tout les étages, on crache sa haine à la face du monde avec cynisme et une lucidité impressionnante. C’est foutrement bien écrit, bien ficelé, et donc d’une efficacité redoutable. Du Rap avec un grand R.

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Run the Jewels – Banana Clipper (feat. Big Boi)

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C’est sûr qu’on ne se fend pas vraiment la poire avec ce genre de disque mais ça fait du bien de taper du poing sur la table de temps en temps.  Clairement, A Christmas Fucking Miracle ou Run the Jewels ne sont pas des morceaux que vous mettrez en soirée, on est d’accord, mais la musique c’est aussi ça parfois.

Et puis, on a quand même le droit à deux trois titres où les gars lâchent la bride et se laissent aller à un peu d’égotrip ou d’exercice technique de MC’s. C’est le cas sur l’excellent DDFH (Do Dope Fuck Hope), Banana Clipper avec la présence du copain Big Boi ou Job Well Done. Des moments électriques, un poil plus « lumineux » que l’ensemble du disque.

Si on prend cet opus en tant que tel et se base sur son potentiel intrinsèque, on est face à quelque chose d’ultra costaud, un grand cru rap de cette année 2013. Après, et c’est son seul défaut, il a un temps de vie quelque peu limité et on sait qu’il ne marquera pas son temps. Il n’en a pas les capacités mais, surtout, sûrement pas la volonté étant donné que sa version digitale est en téléchargement gratuit et au vu de sa courte durée (à peine plus d’une demie heure). L’ambition ici n’est pas de révolutionner le genre, et chaque disque n’est pas là pour ça, seulement de se faire plaisir et faire plaisir aux fans. Et de ce côté-ci, le pari est largement remporté.

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Run the Jewels – 36 » Chain

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« Ca, faut reconnaître, c’est du brutal » diraient certains. Pas d’artifices, pas de faux semblants, le rap dans sa forme la plus stricte. On va droit au but et on n’en attendait pas moins de cette collaboration. Un vrai album commun où les deux forces se complètent et se rendent meilleurs, regardant dans la même direction. Les plus beaux diamants ne sont pas forcément ceux qui coûtent le plus cher, mais ceux qui brillent le plus.

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4 wtfru

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Tracklist:
1. Run The Jewels 3:31
2. Banana Clipper (feat. Big Boi) 2:52
3. 36'' Chain 2:52
4. DDFH 3:05
5. Sea Legs 3:40
6. Job Well Done (feat. Until the Reabon Breaks) 3:00
7. No Come Down 3:28
8. Get It 3:00
9. Twin Hype Back (feat. Prince Paul as Chest Rockwell) 3:12
10. A Christmas Fucking Miracle 4:22

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