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Série Arlt 3/8 – Galerie de portraits - Roberto Arlt – El paisaje en las nubes (Fondo de Cultura Economica, 2009) par Roberto Arlt

Par Fric Frac Club
Série Arlt 3/8 – Galerie de portraits - Roberto Arlt – El paisaje en las nubes (Fondo de Cultura Economica, 2009) par Roberto Arlt Série Arlt 3/8 – Galerie de portraits - Roberto Arlt – El paisaje en las nubes (Fondo de Cultura Economica, 2009) par Roberto ArltTirée des chroniques inédites en volume, publiée en 2009 dans un monstre de 750 pages, cette série de huit « câbles » datés de l'année 1941 – inédits en français – propose le regard décalé de Roberto Arlt (1900-1942), l'auteur des Sept fous et géant des lettres argentines, sur l'art romanesque et la littérature. Sélection et traduction par Antonio Werli.
Galerie de portraits Philip Quarles : « Le grand défaut du roman d'idées est que c'est une chose réglée, artificielle. » – Hukley, Contrepoint. Dans le roman contemporain, sauf exceptions, les personnages produisent sur nous l'effet d'une collection de photographies accrochées au mur d'une galerie. L'auteur nomme cette galerie roman, et action dramatique le simple procédé de lier ces portraits grâce au fil d'un dialogue. Voilà qui nous laisse penser que les auteurs contemporains méprisent l'action dramatique qui découle d'un conflit. Mais rien de tel. Quand Huxley émet, de la bouche de Philip Quarles, sa confession sur les artifices du roman arrangé à partir de spéculations intellectuelles, c'est surtout la proclamation de son propre échec en tant que romancier. Son affirmation éveille notre désir de l'interroger : « Alors, pourquoi, monsieur Huxley, nous faites-vous le cadeau d'un roman ennuyeux porté aux nues par tant d'individus experts dans l'écriture de romans ennuyeux ? pour justifier, en faisant l'éloge du Grand Huxley, le petit Huxley qu'il y a en eux ? » En fait, le responsable direct de l'évolution du roman contemporain en galerie de portraits est Marcel Proust. Ces portraits, quand ils agissent romanesquement, le font en partant d'un procédé mental. Le procédé mental, dans le roman classique et moderne, était le tremplin depuis lequel le personnage se lançait dans l'action. « Je pense, donc j'agis » semblait être sa consigne. Dans le roman contemporain, le personnage principal semble infatigablement affirmer, au contraire : « Je pense, donc je n'agis pas ». Son procédé mental nous évoque les effets de la chute d'une pierre dans l'eau : des cercles concentriques qui étendent toujours plus faiblement leurs diamètres en bordures de la vie, jusqu'à ce que, une fois l'impulsion effacée sur ce même bord, une nouvelle chute de pierre vienne rénover le stérile procédé antérieur. La fréquence de ce procédé est directement due à un défaut d'imagination de l'auteur. Moins l'imagination de l'auteur profite d'une capacité de réaction physique, plus elle se comporte de manière ininterrompue comme un oscillateur. Ce type de création a produit une créature de très faible intérêt vital, une espèce de monstre, dont la vie psychique ne conserve aucune relation avec ses nécessités immédiates, au contraire du héros, qui exige de se confronter avec la réalité à la hauteur de ses nécessités, c'est-à-dire obliger les hommes et les choses à s'adapter à ses désirs, même s'ils sont antisociaux ou chimériques, tout en conservant sa grandeur de personnage déterminée par l'importance du conflit qu'il provoque. Dans le roman contemporain, le personnage principal ne ressent aucune nécessité de se confronter avec la réalité à la hauteur de ses désirs, et si cette nécessité se manifeste, il la souligne, évitant ainsi le travail de la traduire en faits, à savoir que jamais il ne ressent le besoin de se comporter en héros. Car la caractéristique essentielle du héros a été de provoquer une altération donnée dans un milieu en équilibre. Dans le roman classique, l'action du héros qui altère se manifestait de manière si démesurée qu'on la considérait, pour la justifier, comme le produit du croisement entre une divinité et un homme. Dans le roman contemporain, l'action a été substituée par des successions de procédés mentaux critiques. Dans de nombreux cas, ces procédés reflètent l'éloignement que l'auteur garde avec le milieu dont il traite romanesquement. À l'évidence, une telle conduite a porté les auteurs à avoir honte de désigner les personnages de leurs œuvres du nom de héros, et le mot héros, en général, suscite chez nous un sourire moqueur, car nous ne pouvons rien moins que mettre en relation l'incapacité de réaction dont sont capables ces créatures avec la capacité d'action effective dont était susceptible le héros dans le roman classique et dans le roman moderne. En dernière instance, aucune action dramatique ne tourne autour du personnage du roman actuel, mais des paquets d'idées provenant d'autres personnages. C'est presque comme peindre du béton avec du bitume. D'autres fois, c'est le paysage qu'on fait tourner autour du personnage immobile, et ce qu'on cherche alors, c'est de produire une illusion d'action dramatique par le simple mouvement du cadre. Aussi absurde que d'entraîner le tapis de sous les pieds d'un paralytique, pour montrer que le paralytique avance. Il est clair qu'en essayant de transférer l'action dramatique au dynamisme du paysage, l'écrivain contemporain ne fait rien d'autre que confesser une incapacité créatrice certaine. Il y a des auteurs qui demandent si l'action dramatique peut coexister dans les conditions actuelles sous une forme passionnément romanesque. Bien sûr qu'elle existe ! Il se trouve simplement que 99 % des romanciers contemporains manquent de sensibilité expressive pour traduire cette action dramatique, dispersée dans les différents courants de la vie actuelle. C'est que le roman est devenu plus difficile, car la juridiction du héros embrasse des zones de conflit plus spécialisées et profondes.

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