« Vient l’écriture,
« la copie était immédiate », et la peur. Plusieurs peurs. Celle
d’écrire, acte nouveau et interminable (et qui n’apporte rien, dont on
s’aperçoit vite qu’elle enlève le peu qu’on est), elle-même augmentée de la
peur de s’exposer en écrivant (prise de conscience que l’on ne peut pas
s’exposer plus que par l’écriture, fût-elle de la copie), accrue de la peur du
vide (on découvre que l’écriture ne comble rien, ni le gouffre intérieur ni le
grand blanc de la peinture). Très peu de temps après le début de l’écriture, et
précisément pour neutraliser ces peurs, interviennent collages (de feuilles
d’or) et agglutinations, plissages, brûlures, drippings (« quelques éléments
de la peinture antérieure ») – au fond pas tellement rassurant la peinture
antérieure. Hantaï recommence d’écrire, et « plus ou moins tard », à
un moment indéterminé mais assez vite, advient ce qui doit advenir, le sujet de
l’exposé – croix, étoile de David, tache de Luther – puis l’écriture continuera
(et ça n’en finira jamais). A ce stade de la description Ecriture rose est le tableau de toutes les peurs, les lisibles les
illisibles, les dicibles et les autres, et, visible illisible, l’écriture court
son affolement de ne rien dire. »
Dominique Fourcade, sans lasso et
sans flash, P.O.L 2005. p
20/21
(A propos du tableau de Hantaï, Écriture rose (1958-1959) actuellement exposé
au Centre Georges Pompidou, jusqu’au 2 septembre 2013)
[choix de Françoise Clédat]