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[anthologie permanente] Fernando Pessoa

Par Florence Trocmé

Deuxième 
TOURMENTE 
Qui dans l’abîme gît, sous la mer qui se lève ? 
Nous, Portugal : pouvoir être. 
Quelle inquiétude nous soulève de ces fonds ? 
Désirer pouvoir vouloir.  
Mais le mystère aussi dont la nuit est le faste… 
Or brusquement, là où rugit le vent, 
L’éclair, phare de Dieu, brusque bouffée 
Eclate et brille, alors gronde la mer ombreuse. 
TORMENTA 
Que jaz no abismo sob o mar que se ergue?
Nós, Portugal, o poder ser.
Que inquietação do fundo nos soergue?
O desejar poder querer.
Isto, e o mistério de que a noite é o fausto... 
Mas súbito, onde o vento ruge,
O relâmpago, farol de Deus, um hausto
Brilha e o mar ’scuro ’struge. 
Troisième 
ACCALMIE 
Quel rivage est-ce donc que les vagues nous content 
Et qui ne se peut rencontrer 
Si nombreuses que soient les nefs gagnant la mer ?  
Et qu’est-ce que cela que rencontrent les vagues 
Mais qu’on ne voit jamais surgir ? 
Et ce bruit de la mer déferlant sur la plage,  
Où est-il frappé d’existence ?  
Île à la fois proche et lointaine,  
Qui à nos oreilles persiste,  
Pour notre vue en rien elle n’existe.  
Et quelle nef, quelle flotte, quelle armada, 
Pourrait rencontrer le chemin 
Qui conduit à la plage où la mer persévère, 
Si à perte de vue la mer est solitaire ?  
Existe-t-il des déchirures dans l’espace 
Qui donnent sur l’autre côté, 
Et permettent, si l’une est rencontrée, 
Ici, où ne se trouvent que sargasses, 
Le surgissement d’une île cachée, 
La contrée fortunée 
Qui préserve le Roi déporté 
Dans sa vie enchantée ?  
CALMA 
Que costa é que as ondas contam 
E se não pode encontrar 
Por mais naus que haja no mar? 
O que é que as ondas encontram 
E nunca se vê surgindo? 
Este som de o mar praiar 
Onde é que está existindo? 
Ilha próxima e remota, 
Que nos ouvidos persiste, 
Para a vista não existe. 
Que nau, que armada, que frota 
Pode encontrar o caminho 
À praia onde o mar insiste, 
Se à vista o mar é sozinho? 
Haverá rasgões no espaço 
Que dêem para outro lado, 
E que, um deles encontrado, 
Aqui, onde há só sargaço, 
Surja uma ilha velada, 
O país afortunado 
Que guarda o Rei desterrado 
Em sua vida encantada? 
Fernando Pessoa, Message, in Œuvres poétiques, préface par Robert Bréchon, édition établie par Patrick Quillier, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2001, p. 1269. (l’édition n’est pas bilingue).
 
Les poèmes de Message ont paru au tome II de l’édition des œuvres de Fernando Pessoa, dans la traduction de Maria Antonia Câmara Manuel, Michel Chandeigne et Patrick Quillier, Christian Bourgois, 1988. Révision des traductions antérieures par Patrick Quillier, en collaboration avec Maria Antonia Câmara Manuel, Christian Bourgois, 2001.  


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