Première review d'un jeu vidéo, genre dans lequel je m'aventure trop peu au regard de l'extraordinaire expérience immersive qu'il peut offrir. Erreur corrigée avec possiblement la dernière surprise préparée sur PS3 avant l'arrivée des prochaines consoles nouvelle génération...
Introducing Ellie et Joel.
- La fille de l'homme
Empruntant à tout va jusqu'à se poser comme un genre hybride entre cinéma et jeu vidéo, The Last of Us part sur les traces du roman de Cormac McCarthy, La Route, s'imposant comme une adaptation terminale du récit post-apocalyptique qui serait mâtinée de l'apprêté du film de Alfonso Cuaron, Les Fils de l'Homme. Le jeu navigue entre le blockbuster évènementiel pour sa reproduction chirurgicale d'un monde en berne, et le film d'auteur pour sa narration disloquée et ses a propos intimistes. On nous y fait incarner Joel, dur à cuire au trauma majeur (brillamment mis en scène dès l'introduction du jeu s'assurant notre coopération), survivant d'une bataille perdue d'avance à qui l'on jette dans les bras, bien malgré lui, le destin d'une adolescente. Plus largement, l'avenir de l'humanité semble être en jeu ; rien de grandiloquent cependant, puisque dès qu'on plonge dans l'histoire, tout n'est décidé que par suspicion (celui, toujours vague, d'un espoir : une ration dans un tiroir, des infectés pas trop costauds, une ronde de gardes qui s'arrêterait pile à l'endroit où l'on se cache)… mais le jeu ne parle vraiment que d'une chose : de l'amitié entre un père esseulé et une fille orpheline.

Coucher de soleil sur la ville défraîchie.
- La balade sauvage
Neil Druckmann et Bruce Straley, le duo responsable de Uncharted 2, ont mis leurs tripes dans ce nouveau bébé, inspiré d'un niveau du jeu précité où deux personnages (dont l'un contrôlé par la console), s'entraidaient le temps d'un niveau. The Last of Us lorgne ainsi terriblement du côté de Ico, jeu concept de la Playstation 2 où l'on accompagnait un double virtuel en le guidant et le protégeant. Ici, The Last of Us pousse le bouchon un peu plus loin…

Rare moment de paix pour les deux voyageurs.
- Dynamique de couple
Le rapport émotionnel tissé entre Joel et Ellie est intrinsèquement lié au joueur et il est difficile, alors que l'on progresse dans le jeu, de les voir périr sous le feu ennemi ou aux griffes d'une horreur quelconque. Et mon binôme de jeu, de me provoquer en me demandant ironiquement où est passé mon investissement face à mon abandon périodique devant des phases de jeu éreintantes, où, 10 fois, 20 fois, Joel succombe à des assauts particulièrement violents, ou quand, Ellie, qu'on a échoué à protéger, se fait abattre de sang-froid sous nos yeux de joueurs/spectateurs/témoins et voyeurs. La pression du jeu passe beaucoup par le fait de devoir réfréner ses instincts guerriers en pensant en amont sa stratégie. Ainsi, les nombreuses séquences de jeu en appelant à la nécessité d'être furtif (un lancer de brique ou de bouteille détourne l'attention) évoquent un désormais lointain Metal Gear Solid dans ma mémoire, véritable première expérience d'immersion pour l'époque, où taper du poing un mur changeait la donne des intelligences artificielles ennemies en les distrayant temporairement. Infiltration, exploration et action composent les phases de jeu principales.
De façon générale, The Last of Us semble être une sorte de best of de la production actuelle vue l'excellence générale du gameplay où se rajoutent certaines données pensées pour le joueur : découvrir médusé la fin du monde à travers les yeux d'une fillette, dévoiler des indices grâce au bouton L3 lorsqu'on tourne en rond dans des niveaux labyrinthiques, trouver un lance-flamme pour rejouer The Thing de John Carpenter, s'ébrouer dans la forêt le temps d'une balade à cheval, marteler un bouton pour repousser les attaques d'un ennemi ou encore, et c'est le plus immersif, intervenir au beau milieu de cinématiques pour influer sur le destin d'un personnage sans cesse poussé jusque dans ses derniers retranchements.

Le genre de balade qui finit souvent mal...
- La chair et le sang
À l'heure où j'écris ces lignes, je suis dans un état psychologique précaire devant l'horreur de ma situation : les vacances se sont achevées bien trop tôt, me laissant à 92% de progression dans le jeu. Je ne sais pas ce qu'il advient de Joel et de Ellie, si leur quête aboutie effectivement sur une résolution satisfaisante, ou si, elle s'achève dans un retournement de situation pernicieux, dans l'anonymat d'un couloir d'immeuble ou quelque part dans une forêt enneigée. Mon partenaire et moi avons compati de longues heures devant une progression parcimonieuse, en mode difficile, à travers les saisons (le voyage à travers les États-Unis s'étale sur un an), aidant à construire, devant l'écran, une nouvelle amitié forgée dans le jeu ; à ce sujet, j'admets que le mari de ma cousine est bien meilleur que moi à contrôler ses nerfs dans les séquences de stress imposées par le jeu…
The Last of Us n'a pas fini, en ce qui me concerne, de dévoiler ses secrets ; j'en garde un souvenir ému en attendant une prochaine chance d'en découdre avec ses derniers niveaux.
Beau jeu, belle expérience.
The Last of Us
Exclusivement sur PS3
Announcement trailer :
Pour terminer, un fan-art de Marie Bergeron, designer canadienne dont les pièces sont souvent proposées à la Bottleneck Art Gallery de New-York : la frustration du jeu-vidéo à la troisième personne, c'est de ne pas voir le visage des personnages qu'on incarne.
