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Le navet de l’été (et autre héros en perte de vitesse)

Par Borokoff

A propos de Crazy Joe de Steven Knight ½☆☆☆☆

Jason Statham, Agata Buzek - Crazy Joe de Steven Knight - Borokoff / Blog de critique cinéma

Jason Statham et Agata Buzek dans « Corruption d’une nonne »

Ancien militaire des Forces spéciales britanniques, Joey Jones (Jason Statham) vit comme un clochard dans les bas-fonds de Londres. Alcoolique, ayant déserté le front afghan pour éviter un procès en cour martiale, il erre désormais comme une âme en peine dans les ruelles sombres de la capitale anglaise, usé et « traumatisé » par un épisode tragique dont il ne se remet pas. De la volonté, ce vétéran n’en manque pourtant pas, lui qui essaye de remonter doucement la pente et de rebondir alors qu’il a touché le fond. Un soir, Joey parvient à échapper de justesse à des petits truands et se réfugie (par effraction) dans la riche demeure d’un homme parti vivre plusieurs mois à New-York. Bientôt, il est engagé comme plongeur dans un restaurant chinois puis devient le chauffeur attitré puis l’homme de main d’un parrain local. Alors qu’il gravit peu à peu les échelons et reprend du poil de la bête physiquement – surnommé « crazy Joe » – Joey apprend que l’amie avec laquelle il vivait dans la rue a été assassinée. Ni une ni deux, le sang de Joey bouillonne, ne fait qu’un tour et Joey n’a plus qu’une idée en tête : retrouver l’assassin et le faire payer. Pour cela, il va pouvoir compter sur l’aide… d’une bonne sœur !

Jason Statham, Agata Buzek - Crazy Joe de Steven Knight - Borokoff / Blog de critique cinéma

Autant ne pas y aller par quatre chemins, ne pas mâcher ses mots comme on dit : la première réalisation du Britannique Steven Knight (à qui on doit le scénario de Les promesses de l’ombre de David Cronenberg notamment) est une déception et un ratage total. En un mot, une catastrophe.

Déception, parce que là où l’on s’attendait à un film d’action enlevé, un thriller mouvementé, il n’en est rien. Les longueurs du film sont innombrables. Le scénario, aussi mince qu’une feuille de papier (un comble pour un spécialiste du genre comme Steven Knight) s’étire et s’étiole rapidement, s’encombrant d’une aventure amoureuse de pacotille entre Joey et une bonne sœur d’origine polonaise. Une romance qui ralentit l’action et confère aux personnages principaux comme à l’histoire tout un pathos inutile (le même que celui qui plombait Rempart, pourtant joué par Woody Harrelson et écrit par James Ellroy), à l’image des confessions qu’ils se font mutuellement. On était venu pour voir de l’action et des cassages de gueule en règle mais il n’en est rien ou très peu !

Jason Statham - Crazy Joe de Steven Knight - Borokoff / Blog de critique cinéma

Jason Statham

Les combats de rue sont trop rares et le scénario, aux airs de déjà-vu, rame, à l’image de la lenteur d’une mise en scène que l’on aurait aimé voir plus tendue et énergique.

Dernier volet d’une trilogie (après Safe et Blitz), Crazy Joe fait surtout étalage de toute une psychologie qui échoue à vouloir sortir du simplisme du personnage incarné par Jason Statham, transformé pour l’occasion en Robin des Bois à la fois ultra-violent et sentimental. Un ratage qui ferait sourire s’il n’était pas affligeant.

Car s’il faut s’amuser sans doute de cette scène où, dînant en tête à tête avec Joey (qui a improvisé un barbecue en pleine marché chinois), la bonne sœur polonaise tente de lui faire comprendre qu’il a choisi le mal en travaillant pour la pègre chinoise et le convainc de changer d’avis, on ne sait en revanche que penser exactement d’une autre scène entre les deux au musée et de ces dialogues à couper le souffle où à tomber de son siège, c’est selon.

Jason Statham, Agata Buzek - Crazy Joe de Steven Knight - Borokoff / Blog de critique cinéma

Dans cette scène mythique, notre héros a convié cette chère nonne un brin coquine (elle doute de sa foi d’autant plus qu’elle est attirée par Joey) au musée pour aller voir une exposition de photographies de nus en noir et blanc. Alors que notre bonne sœur confie à Joey, un brin gênée, qu’elle aime certes la nature mais qu’elle est choquée de voir des hommes nus, ce dernier lui rétorque que « les pénis font aussi partie de la nature », argument qui a le don de la faire rire en coin, comme si elle s’était soudain désinhibé !

Là, on touche à un sommet du film. Reste à savoir lequel. De dérision ? De grotesque ? D’humour au quinzième degré ? A vous de choisir vos légumes dans le potager comme on dit, mais le navet semble conseillé pour l’occasion.

Si les dialogues savoureux donnent à cette série B (Z, pardon) une petite touche spéciale, on regrettera encore une fois la mièvrerie des personnages et de l’histoire. Un sentimentalisme de bazar qui, chez notre héros, s’accorde mal à sa violence naturelle et à ses méthodes expéditives. Il y a en effet une contradiction intrinsèque qui frôle l’incompréhension voire l’absurde pour le spectateur. Pourquoi Steven Knight a-t-il tellement tenu à ce qu’un personnage aussi brutal et simplet que Joey devienne soudain un personnage tourmenté et profond ? On n’est pas contre une certaine remise en question mais il y a des limites. C’est un peu comme si on demandait à JCVD de jouer Sartre ou à Stallone d’incarner un grand poète du XIXème siècle. Morale de l’histoire : un héros brutal avec un QI de 2 doit rester quelqu’un qui va se battre et prendre des coups pendant 01 h 30. C’est ce qu’on est venu voir. C’est que l’on attend de ce genre de film, sans rechigner pour autant à un certain second degré dans les dialogues. Mais l’entreprise de Crazy Joe était sans doute vouée à l’échec et son ambition condamnée dans l’œuf. Trop confuse et compliquée. Un peu vaine et fastidieuse. Rendant l’ensemble fort ennuyeux pour ne pas dire assez ridicule au final…

http://www.youtube.com/watch?v=-Fty37j__Xs

Film américano-britannique de Steven Knight avec Jason Statham, Agata Buzek… (01 h 40)

Scénario de Steven Knight : 

½
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Mise en scène : 

½
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Acteurs : 

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Dialogues : 

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Compositions de Dario Marianelli :

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