« Où avais-je lu qu’un otage, isolé du monde, finissait à la longue par prêter attention aux petits détails ? Tous les bruits extérieur s’impriment dans sa mémoire ; des écoliers qui chahutent ; l’aboiement d’un chien ; un bruit de moto. Il se met à guetter tous les signes. Les ravisseurs sont-ils nerveux ? Que préparent-ils ? Et puis l’on perd la mémoire des noms…
La pièce est nue. A peine éclairé par une ampoule jaunie au plafond. Aucun mobilier. Je repense à mes ravisseurs, au discours du septuagénaire. Serait-ce la nouvelle Egypte ¸une révolution bientôt confisquée par quelques barbus ? »
Alors qu’elle est en proie à un véritable séisme social et politique, déferlant révoltes et injustices, Gilbert Sinoué décide de nous offrir un voyage littéraire dans son pays natal, l’Egypte. L’espace d’une nuit, celle du 29 janvier 2011, le lecteur suit Karim lors de sa traversée du pays devenu fou, dans le but de retrouver une femme (forcément).
Résumé
Voilà 45 ans que Karim n’est pas revenu au Caire, sa ville d’origine, et le narrateur constate tristement que ses souvenirs juvéniles sont bien loin de la réalité actuelle à laquelle il doit se confronter. De déceptions en kidnapping, le narrateur, malgré le danger omniprésent, continue son périple pour arriver à son lieu de rendez-vous, l’hôtel Sheraton à Zamalek, situé en plein cœur des manifestations. C’est ici que l’attend Myriam, un amour de jeunesse qu’il n’a jamais pu oublier.
Avis
Si Gilbert Sinoué a choisi la date du 29 janvier 2011 pour son roman Les Nuits du Caire, ce n’est évidemment pas un hasard. Cinquième jour de la révolte sans précèdent, tenue contre le régime d’Hosni Moubarak, l’auteur accorde une grande importance à l’aspect historique des événements dans son récit. Se dessine donc au fil des pages, une alternance entre faits historiques et romance, faite de façon plus ou moins habile.Malgré le style agréable et même plutôt poétique de l’auteur, les anecdotes historiques, bien qu’intéressantes, sont ressenties comme des digressions, qui font perdre le fil de l’histoire au lecteur. L’intrigue est alors saccadée, et s’avère au final assez creuse, manquant de contenu. La romance entre Karim et Myriam apparaît comme un détail du récit, donnant l’impression que le roman n’est finalement qu’une suite de faits historiques, et que l’auteur utilise l’idylle des deux personnages comme prétexte pour pouvoir enchaîner ses descriptions des lieux, des manifestations et des révoltes.
Un livre qui s’avère donc plus intéressant pour son point de vue historique que pour son intrigue, laissant franchement à désirer. Gilbert Sinoué se rattrape un peu grâce à la morale que l’histoire véhicule, et qui guide toute la fin du récit, apportant une certaine profondeur au personnage : « Vous avez vécu dans le souvenir du bonheur, Karim. Or, rien n’empêche le bonheur comme le souvenir du bonheur ». Petite touche philosophique qui vient meubler la fin d’un récit que l’on finit par trouver un peu long.