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Les Damnés: La Malédiction des Petrova – Chapitre XXXIII

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

- Il me semble qu’il s’agit, au contraire, d’une excellente raison pour la tuer, intervint Viktor en apparaissant dans l’embrasure de la porte. Enfin, lorsque je dis cela, je pense surtout à moi….

Anya retint sa respiration et se figea en voyant le vampire s’avancer, la démarche sûre et arrogante. Elle jeta un coup d’œil vers le visage crispé de Klaus qui ne quittait pas l’intrus des yeux :

- Que faites-vous là ? finit-il par  lâcher entre ses dents.

Viktor émit un bref ricanement. Il se détourna et porta son attention sur la grande salle qu’il se mit à arpenter nonchalamment avant de répondre :

- Considère cela comme une petite visite « paternelle », ironisa-t-il en insistant exagérément sur le dernier terme. Ça fait longtemps que je te cherche. Véra m’a gentiment indiqué où je pouvais te trouver.

Il s’arrêta devant l’une des hautes fenêtres de la façade nord qui surplombait le ravin qui servait de douve naturelle au château. Dehors, une nuit noire s’était abattue sur les montagnes et la pluie, qui tombait dru, martelait les vitres avec violence. Le vampire baissa le regard pour contempler la rivière qui serpentait quelques centaines de mètres plus bas avec un sourire mauvais sur les lèvres.

- Je crois que je n’ai pas besoin de te dire pourquoi je suis là : j’ai eu vent de tes projets. Je suis venu y mettre un terme avant  que d’autres aberrations dans ton genre se mettent à courir les rues .  Ceci dit, je ne m’attendais pas à vous voir ici, Anya. C’est une bonne chose en fin de compte….. Je ferai d’une pierre deux coups, reprit-il en ouvrant les deux pans de la fenêtre d’un geste ample.

Une bourrasque de vent s’engouffra brusquement dans la salle, faisant vaciller les flammes de la cheminée avant de les éteindre  complètement, plongeant la salle dans l’obscurité.  Une obscurité que seule la jeune humaine subissait. Anya, pétrifiée d’effroi et désorientée, perdit l’équilibre et trébucha sur les irrégularités des dalles de pierre. Elle chercha à percer les ténèbres qui venaient subitement de l’entourer et tâtonna le vide pour trouver un appui quelconque pour tenter de se relever. Une main  agrippa  la sienne et la releva avant de l’attirer. Elle se raidit, stupéfaite de se retrouver soudain protégée par des bras familiers qui lui offraient un refuge inattendu.  Un rire méprisant couvrit  le sifflement du vent et la fit frémir :

- Vous êtes tous les deux aussi pitoyables l’un que l’autre. Waleda était vraiment bien inspirée en lançant cette malédiction. Elle devait se douter que tu n’aurais jamais le cran de sacrifier cette fille, Niklaus, ricana Viktor.

Anya écarquilla les yeux de surprise en entendant les paroles du vampire qui allaient à l’encontre des révélations de Waleda. Elle sentit l’éteinte du vampire se relâcher. Il l’écarta doucement et la tint à bout de bras. Elle tenta de distinguer l’expression de son visage malgré l’obscurité mais en vain. Si elle y était parvenue, elle aurait pu voir une soudaine affliction, qu’il ne parvint pas à réprimer, assombrir les traits du jeune homme.

Pendant ces  dernières sept années, il avait maudit et haï cette femme pour l’avoir trahi,  regrettant de ne pas avoir pu lui arracher le cœur lui-même. Et là, à cet instant, l’idée même que Waleda ait risqué de voir sa petite fille sacrifiée lui semblait totalement absurde et inconcevable. Abasourdi à cette idée, Klaus n’avait pas  vu Viktor empoigner le pieu fiché dans sa ceinture et se précipiter vers lui pour le lui planter dans le dos avant même qu’Anya ait pu ouvrir la bouche pour démentir les propos du vampire. Klaus poussa un hurlement de douleur qui la tétanisa. Elle sentit les doigts du jeune homme s’enfoncer dans ses bras avant qu’il ne la repousse violemment et que l’un et l’autre ne s’effondrent au sol.

- Ne t’en fais pas mon garçon, je ne vais pas t’infliger ce genre de choix. Je vais régler ton dilemme à ta place et tu seras aux premières loges pour assister au spectacle, lâcha Viktor en empoignant violemment Anya par le bras.

La jeune femme tenta de se débattre et de résister à la poigne du vampire qui l’entraînait inexorablement vers la fenêtre restée ouverte. Elle tâcha de retrouver un minimum de sang froid et de maîtriser la panique qui l’envahissait afin de se concentrer sur ses pouvoirs. Mais avant qu’elle n’ait pu ne serait-ce qu’esquisser un geste dans ce sens, elle se sentit empoignée brutalement à la gorge et renversée dangereusement en arrière par-dessus le rebord de la fenêtre. Ses pieds ne touchaient plus le sol, seule cette main serrée autour de son cou, et à laquelle elle s’agrippa farouchement, l’empêchait de basculer définitivement dans le vide.

Klaus, paralysé par la douleur cuisante qui se propageait entre ses épaules et qui le clouait au sol, regardait la scène avec effarement.

- Dès que j’en aurai fini avec vous deux, j’irai m’assurer que ta sorcière et Neklan se sont acquittés de leur tache. A l’heure qu’il est, les derniers membres de la  famille Petrova doivent vivre leurs derniers instants, lâcha Viktor indifférent à la jeune femme qui se raccrochait désespérément à lui comme à une planche de salut.

Une rage incontrôlable s’empara de Klaus qui tenta dans un dernier effort de se redresser afin d’atteindre l’extrémité du pieu fiché au milieu de ses épaules. Il poussa un gémissement de douleur lorsqu’il parvint s’emparer du bout de bois et à l’extraire.

 - Dis-lui adieu, Niklaus. A elle et à tout espoir de briser la malédiction, reprit Viktor avec sourire victorieux.

La pluie battante, qui lui fouettait violemment le visage, aveuglait Anya et étouffa les paroles du vampire. Elle ne percevait que le vacarme assourdissant du torrent qui dévalait les pentes montagneuses en contrebas. Soudain, elle entendit un « non », crié avec rage, résonner dans la vaste salle avant de sentir l’étreinte de Viktor se desserrer peu à peu. Dans un geste de panique et de désespoir, elle tenta de se retenir en vain à cette main qui la lâchait.  Un  hurlement d’effroi se répercuta sinistrement contre les parois des falaises, lorsque les doigts se mirent à glisser progressivement le long de son cou.

 Alors qu’elle se sentait basculer  inexorablement dans les abysses, un bras passé in extrémis autour de sa taille la redressa brusquement. En touchant à nouveau le sol, ses jambes se dérobèrent sous elle. Elle s’effondra sur les pierres froides de la salle, le souffle coupé, le cœur battant à tout rompre. Deux mains se posèrent sur ses joues détrempées par la pluie et les larmes qu’elle ne pouvait réprimer et  lui relevèrent la tête. Le visage de Klaus se dessina dans la pénombre. Sans réfléchir, elle passa précipitamment ses bras autour du cou du vampire qui resta un moment interdit devant ce geste spontané et inattendu. Puis reprenant tout d’un coup ses esprits, elle s’écarta tout aussi rapidement. Son regard inquiet balaya la pièce à la recherche de Viktor.

Le vampire, projeté violemment par Klaus à l’autre bout de la pièce, se relevait péniblement. Vexé et humilié par la riposte qu’il n’avait pas anticipé, l’originel dévisagea froidement les deux jeunes gens. Klaus remit prestement Anya debout en la saisissant par le bras et s’interposa entre  elle et son père en le voyant approcher à nouveau. Dissimulée derrière le corps de Klaus qui lui servait de rempart contre le vampire qui s’avançait dangereusement  vers eux, la jeune femme s’efforça de retrouver la pleine possession de ses esprits et se concentra sur ses pouvoirs qu’elle tenta d’invoquer.

 - Elle ne sortira pas d’ici vivante, quoi que tu fasses. Et d’ailleurs, je te réserve à toi aussi un sort presque similaire, souffla-t-il entre ses dents en passant une main dans le revers son pourpoint. Mais avant, je veux que tu la voies mour….

Le vampire s’interrompit brusquement. Le feu et les bougies, éteints par les bourrasques de vent, s’activèrent soudainement avec virulence. Klaus, d’abord surpris par le phénomène, jeta un regard par-dessus son épaule pour dévisager la jeune femme qui, tête baissée, les yeux clos, enserrait ses tempes de ses mains :

- Il n’a pas besoin de lumière pour te faire la peau. Je ne suis pas sûre que ça nous soit d’une grande utilité. Tu n’aurais pas autre chose en réserve ? demanda-t-il.

- Ferme-la ! Laisse-moi me concentrer ! s’énerva Anya devant la remarque sarcastique.

Mais Klaus n’eut pas le temps d’entendre la réponse. Viktor s’était soudain planté devant lui l’empoignant par le col avant de l’écarter violemment.

Devant la soudaineté de l’attaque et à nouveau seule face au vampire, Anya sursauta et recula précipitamment. Viktor esquissa un geste contre elle lorsqu’il émit hurlement de douleur qui le fit mettre genou à terre, les deux mains enserrant fermement sa tête pour comprimer la douleur qui le transperçait. Profitant de cette occasion, Klaus se précipita pour se saisir du pieu que son père avait utilisé contre lui  et d’un geste franc et sûr n’hésita pas à le lui planter violemment dans le cœur. Le vampire poussa un cri de douleur et de colère mêlée avant de s’effondrer au sol face contre terre.

Anya resta un moment pétrifiée devant le corps effondré à ses pieds, incapable de détacher ses yeux du visage aux veines saillantes qui avait pris aussitôt une teinte grisâtre.

Klaus la tira brutalement de son hébétude en la saisissant par les épaules pour l’obliger à lui faire face.

- Est-ce que tu saurais jeter le même sort que Véra pour l’empêcher de sortir d’ici ? demanda-t-il précipitamment.

Abasourdie, Anya secoua simplement la tête en signe de dénégation tout en gardant toujours un œil sur le cadavre de l’originel.

- Anya ! Ecoute-moi ! Nous n’avons pas beaucoup de temps avant qu’il ne reprenne connaissance. Ce pieu ne l’arrêtera pas longtemps, insista Klaus en saisissant son visage entre ses mains.

Ce contact la tira de sa contemplation. Elle plongea son regard dans celui du jeune homme qui la regardait avec une expression qu’elle ne parvenait pas à déchiffrer.

- Je veux que tu t’en ailles. Pars d’ici avant qu’il ne se réveille, lui intima avec une douceur qu’elle ne lui avait plus connu depuis longtemps.

Ils restèrent un moment silencieux, les yeux dans les yeux, luttant l’un et l’autre contre les sentiments contradictoires et violents qui les animaient tous deux. Puis imperceptiblement, ils abolirent la faible distance qui les séparait. Leurs lèvres se rencontrèrent d’abord en une caresse légère et hésitante, avant de se chercher avec impatience. Klaus attira à lui et enlaça farouchement cette  femme qu’il avait autant aimée qu’haïe. Le souffle coupé et surprise d’être confrontée à une réalité qu’elle avait tentée d’étouffer pendant des années, Anya se laissa aller à cette étreinte qui l’effrayait mais à laquelle elle ne pouvait ni ne voulait se soustraire.

Ils s’écartèrent brusquement l’un de l’autre, le souffle court.

- Va t’en maintenant, lui ordonna Klaus. Je vais tâcher de le retenir le plus longtemps possible.

- Non, je ne laisserai pas ici. Il faut que tu saches pour la malédiction, s’entêta la jeune femme.

A ses pieds, le teint de Viktor reprenait peu à peu une teinte naturelle. La vie s’emparait peu à peu à nouveau de lui. En voyant des mouvements compulsifs animer les doigts du vampire, Klaus saisit vigoureusement Anya par les épaules et lui ordonna vivement :

- Va-t-en !

Contrainte par l’imminence du réveil, Anya obtempéra de mauvaise grâce et se précipita vers la porte. Arrivée sur le seuil, elle se retourna  une dernière fois et échangea un dernier regard avec  le vampire qui l’encouragea d’un geste de la tête à partir. La jeune femme se dirigea vers l’entrée mais au moment de sortir du château, elle se figea, indécise. Elle se retourna vers l’escalier qui menait à l’étage, et après un bref moment d’hésitation, gravit les marches quatre à quatre….


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