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Et si Le Congrès était le film de l’année ?

Par Wtfru @romain_wtfru

le-congres

Écrit et réalisé par Ari Folman
Avec Robin Wright, Harvey Keitel, Paul Giamatti, Danny Huston, Kodi Smit-McPhee, …
2h02

Résumé

L’actrice Robin Wright se voit proposer par Miramount Pictures d’être scannée numériquement afin de pouvoir exploiter son image au cinéma. Vingt ans plus tard, en 2030, la Miramount Nagasaki est devenue un conglomérat supranational, actif notamment dans l’industrie pharmaceutique. Robin Wright, âgée de 63 ans, après avoir vu son image être déclinée à tout-va, est invitée au Congrès de futurologie où est présentée la dernière invention de la multinationale : vivre son film sur demande, sur simple prescription…

Avis

Si vous êtes un tantinet attentif à l’actualité cinématographique, vous aurez pu remarquer que ces 6 premiers mois n’auront guère été folichons. Quelques bons films, un paquet de moyens, et aussi pas mal de longs métrages bas de gamme : tout ceci n’est guère enthousiasmant.
Pourtant, au milieu de cette nuée un peu fade, quelques pépites parviennent toujours à se glisser. La première, Cloud Atlas, est arrivée sur nos écrans il y a maintenant quelques mois, et voici désormais la seconde, Le Congrès, le nouveau film d’Ari Folman, le réalisateur multi-récompensé de Valse avec Bachir.

Pour vous donner un léger aperçu de ce que peut être Le Congrès, imaginez que Leos Carax et Ralph Bakshi réalisent ensemble un film sous LSD, et vous aurez, je pense, une idée à peu près correcte de ce long métrage !

La première partie du film, à l’instar d’Holy Motors (d’où la référence à Carax), se veut en quelque sorte être une réflexion sur le 7ème art, et particulièrement sur son avenir.
Robin Wright, le personnage (à ne pas confondre avec Robin Wright l’actrice, bien qu’il y ait quelques similitudes, et que ce soit par ailleurs Robin Wright qui interprète Robin Wright… Vous suivez ?) se retrouve à un tournant dans sa carrière. Après avoir refusé moult rôles inintéressants à ses yeux et privilégié la santé de son fils, plus personne ne souhaite véritablement l’engager et elle se voit contrainte d’accepter de se faire numériser afin que son visage persiste sans elle et tel quel à travers les ans.

La seconde, totalement en animation, qui se situe vingt ans plus tard, est elle beaucoup plus centrée sur le livre de Stanislas Lem, Le congrès de la futurologie, et traite des paradis artificiels, de la drogue, et des liens qu’elle pourrait avoir avec le cinéma (une simple pilule pourrait nous faire devenir n’importe quel personnage de film), transformant ainsi le monde en un mélange complexe d’utopie et de dystopie.

Le vrai génie d’Ari Folman et de son film réside justement dans ce mélange de genre : tant l’action live et l’animation que le roman de Lem et l’histoire originale de Folman. Tout se répond ici avec une fluidité déconcertante et le spectateur se retrouve entraîné dans un voyage sensoriel où la beauté plastique fait écho à l’intelligence du propos.

L’idée maîtresse du metteur en scène semble être de montrer le cinéma tel qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire à la fois un art en plein chamboulement, et puisqu’il est également l’art le plus représentatif de ce qu’est la vie, notre vie, de montrer ainsi notre monde qui est lui aussi en pleine révolution.
Le constat qu’il opère est d’ailleurs des plus alarmants : plus qu’un monde en plein bouleversement, c’est bel et bien un monde en pleine déshumanisation qu’il nous décrit. A l’heure où les révélations de Snowden font grimper les ventes de 1984 (+ 5800% sur Amazon !), ce n’est pas la déshumanisation triste et incolore à la Orwell que nous propose Folman, mais plutôt une forme plus vicieuse, polychrome et déjantée, où l’univers de Tex Avery vient croiser celui d’Hayao Miyazaki dans un mélange agréable aux mirettes, mais terrifiant pour l’esprit pourvu qu’on s’y attarde un peu !

Ce monde animé et multicolore est terrifiant car il nous décrit un univers où les êtres humains sont surmédicamentés et où chacun peut choisir, à l’aide d’une pilule révolutionnaire, de devenir n’importe quel personnage ou personnalité. C’est ainsi qu’aux détours des sentiers de cette frétillante société nous rencontrons de multiples Frank Sinatra, George Clooney, Jésus, Clint Eastwood, et même un Ron Jeremy qui plonge sa tête dans l’opulente poitrine d’une Marilyn Monroe rieuse !

Si cette éventualité peut faire « rêver » un temps, elle s’avère surtout révélatrice de l’état actuel de notre monde, et de notre culture, tous deux ravagés par un manque d’imagination et d’ambition, et surtout par un excès de stupidité.
Folman nous montre un univers où les êtres ne veulent plus « être » justement, mais « être comme » ; devenir quelqu’un, n’importe qui, mais surtout pas soi-même ; acquérir une part de célébrité, peut importe si celle-ci s’avère finalement illusoire.

Le monde du Congrès est un monde où l’invention et l’imagination ont disparu, où les gens ne créent plus mais utilisent des personnages existants afin de ne pas perturber leurs petites habitudes. On a beau rire de l’exagération de l’utilisation du personnage de Robin Wright, mais il n’y a qu’à regarder dans nos multiplexes pour se rendre compte que l’exagération n’est pas si grosse que ça.
Et cette numérisation qui fait tant douter la belle Robin Wright (toujours impeccable soit dit en passant), on sait bien qu’elle nous pend au nez elle aussi ! Spielberg, Zemeckis et Cameron l’ont d’ores et déjà utilisée pour leurs films et d’ici quelques années, nul doute qu’elle viendra remplacer la 3D au titre de plus grande révolution technique inutile de l’histoire du septième art !

Utiliser le cinéma comme outil de représentation du monde devrait b.a.-ba, et pourtant beaucoup l’ont aujourd’hui oublié. Heureusement qu’il reste des gens éclairés et acharnés comme Ari Folman pour nous rappeler que le cinéma est un art d’expression, et non uniquement de monstration, et qu’il demeure plus que tout un art suprême, capable d’émerveiller nos sens de mille et une façons !
Plus qu’une expérience, The Congress est une œuvre d’art, un modèle de cinéma tel qu’il devrait être : intelligent, drôle, émouvant, fou, ambitieux et sans limites…
Et quand le monde s’en rappellera, il ira beaucoup mieux !


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