Il y a quelque chose d’électrisant et de joyeux dans ces vraies premières journées printanières. La lumière apaise, la chaleur agrée, on est comme possédé et pourtant serein. Ne dit-on pas que la lumière est radieuse ? Que la chaleur caresse, qu’elle engourdit et qu’elle enveloppe ?
Il est curieux que ces petits phénomènes sensoriels aient un tel impact psychologique, qu’ils portent en eux une telle charge symbolique. Que les rêveries ou les bonheurs qu’ils rendent possibles obéissent à une logique aussi contraignante et régulière. Un réveil éclatant de lumière ou une nonchalante posture sous le soleil, si intimes et si personnelles qu’en soient les expériences, déterminent des sortes de conduites universelles, des pensées communes et éternelles.
Que symbolisent-elles donc ? D’où leur vient des effets aussi puissants et persistants ? Ce qu’il y a d’heureux dans la lumière, d’apaisant et de rassérénant, c’est son aspect immatériel. On en fait le symbole de l’esprit, et elle représente si bien la spiritualité, parce qu’elle semble transparente, indolore, inactive. Elle ne va pas au contact comme le feu ou le chaud, mais elle reste à la surface des corps. Ce pourquoi on la dit souvent céleste ou pure.
Tandis que le chaud à l’inverse nous pénètre et nous saisit. La chaleur est physique et impudique ; elle monte et s’insinue, va à l’intérieur des êtres, quand l’œil ou la main s’arrêtent devant la matière. La chaleur est montante et grandissante, elle se dégage ou se dissipe. D’où sa forte dimension à la fois sensorielle et sensuelle. Comme un feu, la chaleur embrase et dévore…
Tels sont les effets ambivalents et contradictoires de ces sensations élémentaires et printanières. Doux et puissants, paisibles et brûlants, spirituels et enivrants. Qu’y a-t-il d’ailleurs de plus prenant et entêtant que cette dualité des significations ? C’était la thèse de Bachelard : la contradiction des sentiments est le moteur de l’imagination.