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Quelqu’un a des nouvelles de… (#6: D’Angelo)

Publié le 23 juillet 2013 par Wtfru @romain_wtfru

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Il était le plus grand. Peut être même l’est-il encore. Figure de proue de la soul des années 90 et du début des années 2000, D’Angelo a quasiment disparu de la circulation depuis. Entre mysticisme, drogues, alcools et problème de labels, l’auteur des immenses Brown Sugar et Voodoo fait encore fantasmer sur un possible retour vers les sommets. Il a le talent pour, c’est certain, mais en a-t-il l’envie ?

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Comme souvent avec les génies, tout commence très jeune. Âgé d’à peine 17 ans, Michael Eugene Archer signe un deal chez EMI Records grâce à une seule démo envoyée aux bureaux du puissant label. Nous sommes en 1991 et le R&B commercial fait son trou au détriment de la soul, dont les plus prestigieux représentants ont le meilleur de leur carrière derrière eux.
Sans bruit, celui qui se présente sous le nom de D’Angelo (lire Di Angelo) fait son trou petit à petit. Tout d’abord en composant dans l’ombre, pour d’autres artistes – notamment le hit U Will Know pour le collectif Black Men United monté à l’occasion du film Jason’s Lyric qui regroupait tous les artistes afro-américains dans la mouvance R&B de l’époque- mais surtout en se produisant en live dans divers clubs et cabarets réputés. Le bouche à oreille sur les performances du jeune homme fonctionne parfaitement et très vite, on se précipite pour voir l’élu, celui qui va ressusciter la musique soul.
Les plus grands se bousculent au portillon pour voir le phénomène. La légende veut même que Prince se soit vu refuser l’accès à une représentation du garçon sous prétexte que la salle était déjà trop remplie! Et le tout sans avoir sorti encore le moindre album.

L’attente est donc énorme autour de Brown Sugar, premier projet de D’Angelo qui voit le jour au début de l’été 95. Produit et composé entièrement par lui même, avec l’aide de Raphaël Saadiq (leader à l’époque de Tony! Toni! Toné) et d’Ali Shaheed, le producteur d’A Tribe Called Quest, ce Brown Sugar va connaître un énorme succès d’estime lançant ce qu’on appellera le mouvement néo-soul dans lequel s’engouffreront quelques temps après Erykah Badu, Lauryn Hill et consorts.
Les ventes suivront également, le disque fait son petit bonhomme de chemin restant pas moins de 50 semaines dans le classement Billboard, porté par deux énormes singles, Brown Sugar et surtout Lady. Suffisant pour voir ce type de 21 berges être nommé aux Grammy en 1996 mais aussi en 1997! Musicalement, D’Angelo réussit un joli tour de passe-passe, mariant avec génie la soul et bribes de hiphop/jazz. Il chante l’amour avec une voix haut perchée, rappelant les plus grands du passé, et maitrise l’art du piano-voix comme personne à cette époque.

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Avec autant de pressions sur les épaules, le natif de Virginie va choisir de se poser un peu avant de repartir au combat. On le retrouvera sur quelques B.O ou encore sur l’album  solo de Lauryn Hill. Il en profite aussi pour s’acoquiner avec la chanteuse soul Angie Stone et devenir père d’un petit Michael junior.
Il faut attendre donc l’an 2000 pour retrouver un disque de D’Angelo dans les bacs. Et quel disque!
Depuis quelques temps déjà, il a monté un supergroupe avec d’autres amoureux de génie de la  « black music »: les Soulquarians. Les noms ? The Roots, Common, Q.Tip, Erykah Badu, J Dilla, Raphael Saadiq et D’Angelo donc. Ensemble, ils vont écrire la plus belle page de l’Histoire de la musique afro-américaine du pont 90′s/2000′s avec Things Fall Apart pour The Roots, Like Water for Chocolate et Electric Circus pour Common, Mama’s Gun d’Erykah Badu mais surtout le magnifique Voodoo pour l’ami D’Angelo.

Un opus d’une qualité exceptionnelle, d’un mysticisme complètement fou. Sans doute le plus grand album soul des vingts dernières années à l’époque. Et l’un des plus grands disques jamais conçu, tout simplement.
Fini le musicien chanteur classe, place à un artiste engagé dans la cause afro-américaine. Place aux lyrics torturés, aux instrumentaux poussés à l’extrême, entre tribalisme primaire et ambiance soulful développée. Place à la drogue quoi. L’album est mené tambour battant par D’Angelo bien évidemment, aidé ici par le grand, l’unique, le formidable ?uestlove, tête pensante de The Roots et premier soutien du chanteur (on y reviendra).

Le succès est une nouvelle fois au rendez-vous, les critiques s’enflamment, il reçoit un Grammy du meilleur album R&B/soul, l’opus se vend comme des petits pains – rare pour un disque aussi « compliqué »- et D’Angelo défonce la barrière du mainstream passant en boucle sur MTV grâce au clip chaud de Untitled dans lequel le chanteur pose dans le plus simple appareil. Et puis il y a cette tournée mythique avec la bande des Soultronics, composés de certains membres des Soulquarians + d’autres musiciens pour une dizaine de dates autour du monde. Une performance live considérée aujourd’hui comme l’une des plus impressionnantes de l’histoire avec un D’Angelo en showman accompli comme au début de sa carrière. Sur le modèle des Funkadelic/Parliament, la scène est bondée de musiciens déguisés qui se donnent à fond pendant deux, trois voire quatre heures selon le public. On chante les titres des deux albums, on improvise, on part en freestyle, on danse. Du grand art.

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A ce moment là, D’Angelo est sans aucun doute l’artiste le plus fascinant et créatif de la planète. Mais comment se relever après une telle tornade, un tel sentiment de surpuissance ? Et bien on ne s’en relève pas visiblement…
Treize ans maintenant que Voodoo est sorti et il n’a toujours pas de successeur. Annoncé depuis dix ans, ce troisième album n’est jamais arrivé. Il faut dire que le type n’a rien fait pour, s’enfonçant dans l’alcoolisme et la drogue durant des années, frôlant la mort en 2005 lors d’un accident de voiture (il s’était endormi au volant, défoncé). Lui, le bellâtre adulé par ces dames est devenu un être totalement bouffi et rongé par les vices.

On l’a bien vu apparaître sur quelques titres, Imagine de Snoop produit par Dr Dre ou en surprenant objet pop vintage sur l’album de Mark Ronson (avec qui il bosserait tout particulièrement depuis des années) mais rien qui ne fasse vraiment envisager un nouvel album comme il aime pourtant à le faire fantasmer. On y a tellement cru que l’on se méfie désormais et le nom de James River, titre potentiel du disque, relève plus du cauchemar frustrant de fans qu’autre chose.

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Non, ce monsieur n'est pas un meurtrier.

Non, ce monsieur n’est pas un meurtrier.

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On sent tout de même qu’il se passe quelque chose. D’Angelo est revenu sur scène l’an dernier pour 3 dates européennes (complètes en moins de 24h…), a retrouvé une silhouette à peu près honorable et a même laissé fuité un titre de studio (pas mixé évidemment) qui prouverait son retour imminent. Il est également réapparu pour quelques boeufs lives avec son poto de toujours, ?uestlove, le seul qui ne l’ait jamais abandonné et qui l’aide depuis des années à se sortir de cette impasse. C’est d’ailleurs le batteur de The Roots qui a promis la sortie du prochain album pour la fin de l’année. Hypothétique peut être pour 2013 mais plausible pour 2014, le gros Ahmir n’étant pas du genre à faire des annonces dans le vent. En tout cas on va y croire, comme depuis toujours mais avec ce sentiment de méfiance qui s’est épaissi au fil des années et de l’attente devenue lassante. S’il arrive, on sera les premiers à l’écouter avec plaisir, dans le cas contraire, on se refera toujours les deux grands albums qui jalonnent sa carrière.

Car oui, D’Angelo a marqué l’époque de son empreinte avec seulement deux opus dans sa besace. Et d’ailleurs, vu la puissance de ceux-ci et la pression d’une trop longue attente, est-ce que la sortie d’un nouvel album ne serait pas un suicide artistique ? Ne vaut-il mieux pas que l’on reste sur cette frustration qui entretient également sa légende ?
Compliqué de répondre car ce con a assez de génie en lui pour revenir encore plus fort et tout fracasser. Shit, Damn, Motherfucker.

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