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[note de lecture] Annie Lafleur, "Rosebud", par Hugo Pernet

Par Florence Trocmé

« Throw that Junk » 

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Certains écrivent parce qu'ils s’imaginent qu’ils ont « quelque chose à dire ». Dans Rosebud, Annie Lafleur laisse parler la langue sans rien dire : elle se contente de frapper, frapper pour faire parler. La langue de Rosebud est mutique, violente, parfois un peu bizarre. Elle perd son lecteur « par manque de tout », lui tend la main pour le mordre en retour : « doberman pitbull rottweiler / assener la beauté ». Mais sa poésie n’est pas faite que de noir : un livre de couleur rose, nommé Rosebud, écrit par Annie Lafleur. Voilà au moins une forme d’humour tautologique (ou d’auto-érotisme). Sur la couverture, il est écrit « poèmes ». Pourtant ce livre n’est pas vraiment un recueil de poèmes. Il s’agit plutôt d’une forme de « poème sériel », au sens ou l’entendait Jack Spicer : deux séquences faites d’énoncés courts qui s’enchainent de page en page, entrainent la lecture dans leur vitesse – celle des magazines ou des contrats qu'on signe sans les lire (les conditions de vente). Des énoncés siphonnés dans la réalité, émergeant « de la vase » du travail poétique, rendus au monde « sans instruction » (sans éducation, sans consigne). Dans ces « pages sans maître », les référents n'ont pas d'importance. Il faut frapper la langue, « taper sur ce mirage » ; la rendre à son animalité, à son néant. Surtout ne pas faire de poésie, oublier la poésie. 
[Hugo Pernet] 
 
Annie Lafleur, Rosebud. Le Quartanier, série QR, mars 2013.  


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