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Ça y est, j’ai enfin vu Foxfire, Confessions d’un Gang de...

Par Mmepastel

 

Ça y est, j’ai enfin vu Foxfire, Confessions d’un Gang de filles, l’adaptation cinématographique par Laurent Cantet (janvier 2012) du roman de Joyce Carol Oates (1995).

Alors tout d’abord, je dois avouer que je ne peux que croire les uns et les autres qui disent que le film est très fidèle au livre, car, bizarrement, je l’ai lu (c’est même ma première lecture de cette auteure que j’allais ensuite dévorer), il m’a frappé en pleine face, mais je me souviens peu des faits, de l’intrigue. Ce qui me restait dans mes souvenirs, c’était la déconstruction narrative qui mêlait passé et présent à travers les notes de Maddy, la griserie du groupe des justicières, puis la rapide dégringolade dans le crime, le malaise, et les sentiments complexes qui liaient Legs et Maddy.

Bref, toujours est-il que j’ai beaucoup aimé le film. On peut lui reprocher mille choses, comme j’ai lu deci-delà, sa longueur, son incapacité à prendre de front les questions abordées (et elles sont nombreuses), de rester un peu en surface ; à la rigueur, c’est ce que je reprocherais si je devais vraiment me forcer, c’est d’avoir été un peu linéaire dans la narration, ce qui enlève un peu de la puissance du roman qui résidait justement dans le regard rétrospectif et nostalgique de celle qui rendait compte des faits, Maddy. En même temps, ce n’est pas très grave, ça rend l’histoire aussi plus claire, plus prenante, ça fait ressembler l’histoire de ces filles à une aventure haletante dans laquelle l’identification n’est que plus douloureuse lorsque tout dérape.

Les actrices (non professionnelles) sont formidables. Toutes. Avec leurs petits visages durs, innocents et butés, et si doux de par leur âge…tendre. La meneuse c’est évidemment la dégingandée Legs, émouvante dans sa faculté de réfléchir par elle-même alors qu’elle se débat avec un contexte familial peu amène. Un petit oiseau blessé qui se démène pour chercher des solutions à ce qui la révolte et qui derrière ses grands yeux tristes recèle une force de caractère étonnante qui devient capable d’entrainer dans son sillage les autres filles. Maddy, la réfléchie, la douce et posée est pourtant sa meilleure amie, celle sur qui ont peut compter. Mais c’est aussi, parce qu’elle est discrète et raisonnable, celle qui n’ira pas jusqu’au bout de l’engrenage nocif de leur entreprise. Malgré les liens qui unissent ces deux jeunes filles. Une amitié amoureuse basée sur l’admiration de leurs qualités différentes et respectives. La question du lesbianisme est à peine effleurée. C’est bien comme ça. Les pistes restent ouvertes. Oui, forcement, ce phalanstère induit cela, et l’identité sexuelle de Legs ou de Goldie poussent la logique jusque là. Les Foxfire ne doivent pas fricoter avec les garçons, ce que finira tout de même par faire Rita, la plus simple d’entre elles, la moins dure. Elle sera alors évincée du groupe. Et pourtant, l’idée était belle, une utopie. Se venger d’une société inégalitaire et machiste, par la manière forte, faire des coups d’éclat, faire trembler ceux qui d’ordinaire mènent la danse. Leurs premières victoires -ô combien jouissives- flattent le féminisme instinctif qui est en chacune de nous. L’euphorie qui s’ensuit, la création du groupe, la location de la maison, la douce anarchie qui y règne sont autant de moment heureux particulièrement bien rendus dans le film et rendront la chute d’autant plus poignante. Mais cette chute ne sera pas longue à venir, car l’anarchie, le refus des règles, réclame pourtant pour survivre un minimum de règles (paradoxe insoluble), les tensions entre les filles existent aussi, des failles se révèlent dans la morale de certaines (accueillir des sœurs en détresse oui, mais pas une noire !). Et le poison de l’argent. Que l’on ne peut ignorer pour qui doit vivre aux USA. Car certes, Legs veut venger ses sœurs des hommes, mais quand elle prend de face la fracture de classes sociales, son combat s’emballe. La haine du bourgeois WASP, certes exaspérant pour une fille de sa condition, se confond avec la jalousie d’un foyer familial solide qu’elle n’a pas eu. Et là, les menus larcins tournent au délit grave. Et ça se terminera mal. Forcément. La rage qui l’anime est inextinguible, contrairement à celle de Maddy. Et en se séparant, les deux jeunes filles perdent une part précieuse qui maintenait l’équilibre du groupe. Cet échec est poignant car il vient clore une tentative maladroite mais ô combien compréhensible de lutte contre les injustices, sexuelles, raciales, de classe, dans des années 50 verrouillées par le culte du bonheur familial (qui semble n’être qu’un mythe chez nos jeunes héroïnes). Chez Joyce Carol Oates, la question est bien souvent centrée autour du mal. Elle est cependant trop maligne pour confondre le mal et le mâle. Et sa démonstration est implacable. Où commence-t-on à déraper ? Quand se met-on à mal agir ? Dans une société sans horizon, on comprend que les limites soient floues, tant les jeunes filles sont cadenassées ; leur émancipation ne pouvait être qu’explosive. Mais chacune se bat aussi avec ses propres démons, et l’intime et le collectif cohabitent mal. Alors on dérape, on fait le coup de trop. C’est triste. D’autant plus triste que c’est extrêmement logique. C’est cette logique qui rend ce film poignant. Joyce Carol Oates excelle à montrer les frictions entre les aspirations personnelles et les belles idées générales. Foxfire ne pouvait brûler qu’un temps.


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