Août, le temps file à une vitesse ahurissante. Il règne à
Paris une atmosphère de vacances, que j’embrasse allègrement, même si pour moi
les vacances sont belles et bien finies. Néanmoins le soleil brille brille
brille à Paris, la touffeur de mon appartement ne se dissipe pas malgré mes
fenêtres grandes ouvertes, et je perds peu à peu mon (faible) bronzage en
passant mon temps affalée sur le divan de mon salon à lire. Lire à en perdre
haleine.
J’ai arrangé ma bibliothèque (à moitié rongée par la
dentition de lait du chien chien) en fonction de la parution des titres de la
rentrée littéraire que je dois lire avant le 21 août. Le 31 juillet je me
disais « j'suis laaaarge », maintenant je me rends compte que je n’ai
que 15 jours pour lire au moins quinze livres de la rentrée. Parfois on haït son métier. Heureusement qu’il
y a beaucoup de bon (mais surtout du mauvais) là-dedans ! Bref, hier j’ai
passé ma journée dans Faillir être flingué de Céline Minard. Figurez-vous que
Rivages sort une collection de littérature française. On les connaissait pour leurs
polars noirs et leur littérature anglo-saxonne, voilà maintenant qu’il nous
proposent un nouvelle collection avec comme tête d’affiche une auteur et un roman qui a tout pour me plaire. Faillir être flingué, le titre en jette, et promet quelque aventure pétaradante et jouissive.
Faillir être flingué, c’est l’histoire du Far West, de son
attrait pour les chercheurs d’or, pour les fuyards, pour les rêveurs, pour les désœuvrés,
pour les exaltés. Un territoire qui n’appartient à personne et à tout le monde,
arpenté par de dangereuses et mystérieuses peuplades indiennes, balayées par
des gangs de voleurs, fourmillant d’une faune et d’une flore à la fois foisonnante de vie et mortelle. Par le hasard, ou par la chance, plusieurs
personnages vont trouver le chemin d’une ville nouvelle, dans laquelle ils vont
tenter leur chance de devenir quelqu’un et de s’enrichir enfin.
Il m’est difficile de décrire ce qui m’a plu dans ce roman
de Céline Minard. Je crois que je ne m’attendais pas à retrouver l’atmosphère
western des films et séries télés, qui m’ont abreuvé dans mon enfance. Pourtant,
c’est typiquement pour ça que je l’ai apprécié. Les chevauchées vers l’Ouest en
roulottes, les attaques d’indiens, les scalps et les peaux de bisons. Je ne m’attendais
pas à la mythologie indienne, aux jeux de pokers et rasades de whisky, au barbier
et son siège inclinable, aux migrants chinois et au shérif véreux. C’est pour
ça que la lecture de Faillir être flingué était jouissive, c’est l’histoire de
la bonne fortune au Far West, d’une utopie et de ses aléas, les raids indiens
sur les troupeaux de bœufs, les vols de moutons, les picoles au bar à putes et
les conversations de comptoir bien arrosées.
C’est aussi l’écriture, belle, fluide, dansante à certains
moments de Céline Minard, qui donne sa cohérence au roman. J’aurais peut-être
aimé un peu plus de profondeur sur certains aspects. Mes moments préférés
restent ceux de la guérisseuse indienne et de son disciple, Gifford, médecin
tourmenté reconverti en sauvage dépouillé collectionneur de plumes, amateurs de
chants d’oiseaux, artiste du nouveau monde, et ceux avec la roulotte de
famille, les deux fils, le petit-fils, et la grand-mère au bord de la mort qui recueillent
une gamine chinoise au regard mystérieux. Ces moments-là, pleins de grâce, plus
profonds et touchants, auraient dû être un peu plus nombreux.
On s’attache beaucoup aux personnages, assez caricaturaux -
mais bien caricaturés - bagarreurs, à la morale parfois douteuse, de bons
bougres qu’on a envie de voir accéder au succès. Mais le personnage principal c’est
cet Ouest, enchanteur, ravageur, fatal pour certains et le début du bonheur
pour d’autres. Comme tout bon western, il y a des colts, il y des bagarres, il
y a des vainqueurs et des vaincus, il y a des gentils et des méchants, même si
les uns ne sont pas beaucoup mieux que les autres. J’ai aimé Faillir être flingué
pour son atmosphère poussiéreuse et guerrière, ses personnages rêveurs et
heureux de vivre, son western assumé qui donne la pêche.
C’est l’un des seules fois où vous me verrez faire une
critique aussi courte. Il y a peu de choses à dire sur le roman de Céline
Minard, il faut le lire et vivre l’aventure aux côtés de ses personnages.
J’enchaîne de suite avec un autre roman, la rentrée n’attend
pas, les clients non plus (et vous l’avez
lu celui-là ? Non ? Et celui-là ? Non plus ?... ben
dis-donc… vous avez rien lu quoi. C’est pour éviter ce genre de
conversation…). Que voulez-vous, certains diraient que statistiquement, si tu lis pas cinq romans par semaines... t'es un mauvais libraire. Il faut s'adapter à ce monde de requins ! Je me plonge donc dans le Moscou-Babylone des années 90 de Owen
Matthews, et son règne d'escrocs capitalistes. Je vous en donnerai des
nouvelles, mais pour l’instant, je suis conquise. ;)