Première scène, en plan fixe : Gabino, un jeune mexicain, cite à haute voix des titres de vieilles chansons romantiques afin de les mémoriser. “L’amour de ma vie”, “J’ai raté ma chance”, “Si tu veux être à moi”, “J’ignore pourquoi je t’aime”… Il hésite, bute sur les titres, recommence…
Deuxième scène, en plan fixe : idem. Attablé dans la cuisine, le garçon récite sa leçon pendant que sa mère lui prépare un sandwich. Il a des trous de mémoire, mais il s’accroche, reprend tout à zéro.
Troisième scène, toujours en plan fixe : idem…
A ce stade là, des spectateurs doivent normalement commencer à prendre la fuite. Ceux-là ne sauront donc pas que ce qu’apprend par coeur Gabino, ce sont les titres des chansons contenues sur un CD, une compilation de chansons populaires qu’il va essayer d’aller vendre à la criée, dans la rue. C’est son nouveau job, et il croit dur comme fer à sa réussite…
La scène suivante est une nouvelle épreuve pour le public : un sexagénaire se tient immobile devant la caméra, pour un long… plan fixe. Mais au moins, il est silencieux. Lui, au moins, ne récite pas la maudite liste de chansons. Pas encore…
Logiquement, des spectateurs, flairant le film chiant comme la pluie, devraient encore déserter à ce moment-là. Ceux-là partiront quand les choses commencent à s’animer un peu – c’est relatif… – et ne sauront pas que l’homme en question, Emilio, est le père de Gabino, de retour après avoir abandonné sa famille, des années auparavant. Il demande à son fils et son ex-femme, Luisa, de l’héberger pendant quelques jours.
S’ensuit une conversation (en plan fixe) entre le père et le fils, autour de leurs projets professionnels respectifs. Emilio veut se lancer dans le commerce de compléments alimentaires et autres vitamines et essaie de convaincre Gabino de s’associer avec lui. Le jeune homme promet d’y réfléchir.
S’ensuit une conversation (en plan fixe) entre le père et le fils, autour de leurs projets professionnels respectifs. Emilio veut se lancer dans le commerce de compléments alimentaires et autres vitamines et essaie de convaincre Gabino de s’associer avec lui.
Non, ce n’est pas une redite de notre part. C’est juste que le cinéaste refait la prise une seconde fois, mais avec une variante. Cette fois-ci, le fiston ne se laisse pas démonter et affirme à son papa que l’avenir est à la vente de CD. Et voilà qu’il pousse son vieux à apprendre à son tour les titres des chansons. Et c’est reparti pour un tour avec les récitations : “L’amour de ma vie”, “Un peu de moi”, “Où est cet amour?”.
“Oui, c’est vrai, ça, où est-il?” demanderont certains spectateurs en partant à sa recherche illico, en dehors de la salle.
Ceux-là partiront avant d’autres expérimentations tout aussi audacieuses et rateront la seule partie vraiment intéressante du film.
On y pénètre via la seule scène d’extérieur du film. Ou presque. Emilio attend sa famille dans la voiture, toujours mutique (à la limite, on préfère ça aux titres de chansons répétés en boucle…). Et en plan fixe longue durée, bien sûr…
Cela dit, il y a dans cette scène quelque chose de touchant. Au spectateur d’imaginer ce qui passe par la tête du sexagénaire à ce moment-là. Des regrets? Des remords? La perspective d’une nouvelle chance?
Une nouvelle chance de quitter la salle, surtout, pour les cinéphiles les moins endurants.
Ceux-là rateront une scène de beuverie elle-aussi assez longue, où les enfants en profitent pour forcer leur père à s’excuser de les avoir abandonnés, puis une discussion entre la mère et le fils, où il est décidé de pousser Emilio vers la sortie.
Luisa demande alors à Gabino de la préparer à l’affrontement, en jouant le rôle de son père et en imaginant les arguments qu’il pourrait lui sortir pour prolonger encore un peu le séjour. Là, logiquement, aucun spectateur ne quittera la salle, car c’est la meilleure scène du film. La joute verbale en dit bien plus long sur les blessures, les rancoeurs, les frustrations de cette famille éclatée que toutes les scènes longuettes proposées jusque-là.
En revanche, beaucoup fuiront à la séquence suivante, quand l’acteur qui joue le père est brusquement remplacé par un autre, sans explication, et que seront rejouées, avec quelques variantes, plusieurs des scènes précédentes. Ou bien quand passent dans le champ de la caméra le perchman, les techniciens électro, et autres éléments des coulisses du tournage.
Toujours est-il qu’à la fin du film, quand les lumières se rallumeront, il ne devrait plus rester grand-monde. Les trois ou quatre spectateurs courageux se demanderont alors quel peut bien être le sens de ce salmigondis cinématographique et quel est le propos du cinéaste. Ou pas…
Plus sérieusement, on comprend bien que le Nicolas Pereda a voulu faire de ce film une réflexion sur le cinéma, sur l’incarnation d’un personnage et sur la quête de la vérité d’une scène. Mais l’ensemble, avec ses bidouillages narratifs et ses expérimentations bizarres est vite plus fatiguant que stimulant.
Peut-être sommes nous complètement passés à côté de ces Chansons populaires et que nous n’avons rien compris des intentions du cinéaste. Mais peut-être, aussi, n’y a rien à sauver dans ce bidule prétentieux et vain. Après tout, l’estampille “Art & Essai” ne garantit en rien la qualité d’une oeuvre et on trouve aussi des nanars parmi les films dits “sérieux”…
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Les Chansons populaires
Los Mejores Temas
Réalisateur : Nicolas Pereda
Avec : Gabino Rodriguez, Teresa Sánchez, Luis Rodriguez, Luisa Pardo, Francisco Barreiro
Origine : Mexique, Canada
Genre : expérimental chiant
Durée : 1h43
Date de sortie France : 31/07/2013
Note pour ce film :●○○○○○
Contrepoint critique : Télérama
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