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« Lone Ranger : Naissance d’un héros » de Gore Verbinski

Publié le 08 août 2013 par Boustoune

Le personnage de Lone Ranger n’évoque probablement rien aux moins de trente ans, voire aux moins de quarante ans.
Pourtant, il s’agit d’un personnage mythique de la culture américaine, qui eut son heure de gloire dans des sérials radiophoniques, à partir des années 1930, puis dans une série télévisée et une série d’animation, dans les années 1950/1960.
Ceux qui ont vu cette série à l’époque, ou lors d’une rediffusion les années suivantes, se rappellent avec nostalgie de l’allure du personnage, cavalier tout de blanc vêtu, à l’exception de son masque noir, de son compagnon indien, le rusé Tonto et de son cheval blanc, Silver -  “Ya-ahh Silver! Au galop!” – et du thème musical parfait utilisé pour accompagner les cavalcades du héros, l’Ouverture du “Guillaume Tell” de Rossini…
Aaah! Toute une époque…

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Le producteur Jerry Bruckheimer et le cinéaste Gore Verbinski devaient être aussi un peu nostalgiques de cette série puisqu’ils se sont lancés dans une nouvelle adaptation, en respectant le matériau original, mais en le remettant au goût du jour pour plaire au public actuel. Ils n’ont pas eu à se casser la tête pendant des heures : puisque leurs “films de pirates” (la saga Pirates des Caraïbes) ont cartonné au box-office, autant reprendre la même recette pour le western.
Hop! Une bonne dose d’aventures et d’action, de chevauchées et de bagarres, des touches d’humour, une pointe de suspense, un zeste de fantastique, un récit plein de rebondissements, de trahisons et de choix cornéliens. Plus un jeune premier plutôt beau gosse dans la peau du héros, Armie Hammer, un compagnon de route qui lui vole presque la vedette, joué par Johnny Depp avec ce qu’il faut de stoïcisme et de roulements d’yeux, un méchant très méchant (William Fichtner), des traîtres, des atouts charme (Ruth Wilson et Helena Bonham Carter) et des animaux foufous (un corbeau mort et un cheval sympathique).
Le tout mélangé dans un récit qui alterne les scènes nécessaires à la progression de l’intrigue et de nombreux morceaux de bravoure, pour plaire au plus grand nombre…

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… Ou à personne.
Car si la recette a fait ses preuves, elle est désormais trop connue pour surprendre et présente l’inconvénient de donner des produits formatés, manquant de saveur et de folie.  On avait déjà vu les limites du dispositif sur les derniers films de la saga Pirates des Caraïbes, qui suscitaient l’ennui à force de jouer sur les mêmes effets, les mêmes situations, les mêmes mimiques de Johnny Depp. Mêmes les inconditionnels de Jack Sparrow avaient fini par rendre les armes.
Ici, malgré les personnages différents, le cadre différents, les ficelles scénaristiques sont exactement les mêmes et il est fort à parier que certains spectateurs s’ennuieront de la même manière devant Lone Ranger. Surtout vu la durée considérable du film (2h30).
On peut trouver cette durée excessive, car le film souffre de quelques baisses de rythme, de scènes redondantes ou un peu trop étirées. Et, comme les Pirates des Caraïbes, de scènes d’action inutiles qui ne semblent destinées qu’à rajouter des péripéties pour un éventuel jeu-vidéo tiré du film ou une attraction pour les parcs Disney.
C’est là le principal défaut du long-métrage de Gore Verbinski.

Mais pour le reste, c’est plutôt de la belle ouvrage. Le grand spectacle est au rendez-vous, le scénario est plutôt bien construit, et les acteurs assurent leur tâche avec talent. Comme à son habitude la maison Disney a bien soigné son bébé et nous offre un solide blockbuster estival. Un film certes archi-formaté et prévisible, mais haut de gamme, surtout si l’on compare avec certains navets qui nous ont été infligés ces derniers temps.

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Et au moins, Lone Ranger possède une âme. Car Gore Verbinski est un vrai fan de western. On le sait depuis son savoureux Rango, film d’animation où un caméléon domestique était contraint de se muer en cowboy pour sauver une petite ville du far-west menacée par la sécheresse. Il le montre ici encore, en jouant avec gourmandise avec les codes du western, entre attaque(s) de train(s), fusillades épiques et chevauchées fantastiques, et rendant hommage, à travers différents emprunts, à de grands classiques du genre, américains ou italiens, traditionnels ou crépusculaires. On sent bien que le cinéaste a nourri sa cinéphilie avec ces films-là, qu’il en maîtrise la composition des plans, le rythme, le découpage du récit. Et même la musique de Hans Zimmer prend des accents “Morriconéens” lors de certaines séquences.

Pourtant la principale influence du cinéaste dans ce film n’est pas un pur western, même si l’oeuvre en question se déroule dans l’Ouest Américain, pendant la Guerre de Sécession. Il s’agit du Mécano de la Générale, un chef d’oeuvre du muet qui a marqué les esprits, à l’époque, grâce à son époustouflante course-poursuite en train.

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Toute la séquence finale de Lone Ranger s’inspire de cette comédie de Buster Keaton, de son rythme trépidant, de son humour pince-sans–rire, de ses envolées poético-burlesques. Et le jeu de Johnny Depp s’inspire de la fausse inexpressivité de Buster Keaton, un acteur à qui il a déjà été comparé par le passé – pour Benny & Joon, notamment, ou Edward aux mains d’argent. Là encore, pas de surprise, mais l’idée de rendre hommage conjointement à Buster Keaton et aux grands westerns est intéressante.

La surprise, on la trouve plutôt dans l’inversion des rôles par rapport au western traditionnel, où les Indiens sont toujours représentés au pire comme des sauvages, au mieux comme des faire-valoir du héros. Même dans la série originale, Tonto n’était qu’un acolyte de Lone Ranger, un personnage secondaire. Ici, il est plus intelligent, plus vif, plus posé que le “héros”, John Reid – sauf quand il devient lui-même obsédé par son désir de vengeance. C’est un guerrier pur et dur et c’est lui le véritable centre de gravité du récit.
Tout comme on sent la passion de Gore Verbinski pour le western dans ce film, on sent aussi la volonté de Johnny Depp de jouer ce rôle et de redonner à cet Indien d’Amérique toute sa dignité et son humanité. Rien d’étonnant : l’acteur a du sang indien dans les veines et le personnage principal de son premier long-métrage en tant que cinéaste, The Brave, était également un Indien.

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Par ailleurs, la plus belle scène du film est sûrement l’affrontement entre les Comanches et la Cavalerie. Lone Ranger et Tonto essaient de raisonner le Chef Comanche et le dissuader d’entrer en guerre contre les “Visages pâles”. En vain. Le vieux chef a bien compris que les tensions entre natifs et colons étaient avivées par certains Blancs peu scrupuleux, mais il décide malgré tout de partir en guerre, pour un dernier baroud d’honneur. Une ultime façon de montrer leur attachement à leurs terres, pillées et défigurées par les pionniers, et à leur mode de vie, en train de disparaître peu à peu, sous l’effet conjoint du progrès et de la colonisation de l’Ouest sauvage américain. Lorsque le combat éclate, ce sont eux qui sont héroïques et magnifiques, pas les soldats. Ils se font massacrer, mais ce sont eux qui gagnent notre respect.
La scène est très réussie, et on ne peut que regretter que le cinéaste n’ait pas plus exploré ce versant-là de l’oeuvre, plutôt que d’enchaîner mécaniquement certaines péripéties imposées et de s’en tenir au cahiers des charges Disney, conçu pour un public familial.

Mais rien que pour cela, pour cet hommage au western, à Buster Keaton et au peuple Indien, Lone Ranger : Naissance d’un héros mérite le coup d’oeil.
Alors oui, le film est trop long, trop formaté, trop classique. La mécanique de type Pirate des Caraïbes commence sérieusement à être grippée et le public américain boude le film, peut-être parce que les plus jeunes sont moins sensibles au western ou à ce personnage, ou à cause de la durée du film. Mais ce n’est pas une raison pour passer à côté de ce blockbuster estival conforme à ce que l’on pouvait en attendre, et même un peu plus fin que la moyenne.
C’est vrai, quoi. C’est quand même tout à fait regardable, et on peut aisément y trouver son compte d’émotions cinématographiques.
Et puis, il y a quand même une vraie surprise dans le film. Une des séquences les plus dingues de l’année, mettant en scène des lapins un peu euh… spéciaux. On vous laisse découvrir leur particularité…
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Lone Ranger
Lone Ranger : Naissance d’un héros
The Lone Ranger

Réalisateur : Gore Verbinski
Avec : Armie Hammer, Johnny Depp, Tom Wilkinson, Helena Bonham Carter, Ruth Wilson, William Fichtner
Origine : Etats-Unis
Genre : western formaté, mais non-dépourvu d’âme
Durée : 2h29
Date de sortie France : 07/08/2013
Note pour ce film : ●●●●
Contrepoint critique : Studio CinéLive

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