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Un crabe comme les autres

Par Eguillot

Je crois que quelque part, je dois être trop idéaliste, et je m'y brûle les ailes : je voudrais un monde parfait où ce ne soient que des lecteurs qui "fassent" les auteurs, sans jeu d'influence entre les auteurs. Voici ce que j'écrivais aujourd'hui à une auteur, dans une discussion à propos des commentaires sur les sites de vente. J'ai bien conscience que ce monde idéal n'existe que dans mes fantasmes. Mais jusqu'à quel point doit-on tendre vers un idéal, au risque de paraître froid et inhumain, ou au contraire faire des concessions avec la réalité et s'entraider entre auteurs, au risque d'être taxé de copinage et de jeu d'influence ?

Récemment, le site Espaces Comprises, justement un site d'entraide entre auteurs, m'a demandé ma sélection de livres de l'été, que j'ai donné de bonne grâce.

Sur mon profil et ma page Facebook, nombre des personnes qui me soutiennent activement et que j'estime sont des auteurs. Il m'est déjà arrivé d'y mentionner des livres d'autres auteurs autoédités, parce que je soutiens leur démarche et que j'apprécie la qualité de leurs écrits. 

Je ne l'ai fait en revanche que très rarement sur ce blog.

La raison ? On ne se refait pas, il y a sans doute une bonne part d'égoïsme là-dedans.

Mais il y a aussi cette histoire de jeu d'influence. Lorsqu'on commence à courir les salons de SF/Fantasy/Fantastique, on se rend compte que c'est un petit monde. Tout le monde se connaît.

Il y a les auteurs-festivaliers, les auteurs-relecteurs, les auteurs-illustrateurs, les auteurs-blogueurs (dont je fais partie), les auteurs-chroniqueurs, les auteurs-libraires, les auteurs-éditeurs, les auteurs-bibliothécaires...

A chaque fois, si vous prenez le deuxième terme accouplé à "auteur", vous voyez quel type d'influence, quel type de levier la personne essaye de manipuler. La plupart du temps, il n'y a pas de cynisme ou de calcul là-dedans. Les gens font les choses par passion, et c'est très bien ainsi.

Néanmoins, je pense que tout le monde se demande plus ou moins s'il n'y a pas de conflit d'intérêt entre ces différentes casquettes. Nul ne peut bien évidemment être objectif, et il ne faut pas voir le mal partout. Mais bon, des liens d'amitié se développent entre les personnes, et c'est bien naturel.

Je fais partie de ces auteurs qui essayent de monter une "plate-forme" suffisamment importante pour générer du buzz au moment des sorties de livres, et obtenir des ventes.

Une plate-forme de lecteurs, pas d'auteurs. Le problème est que les gens qui s'intéressent à ce blog ou à mon profil Facebook sont d'abord des auteurs. Et il est de toute façon difficile de différencier les deux. C'est là où l'idéal se heurte à la réalité.

Ne croyez pas, cependant, que les problèmes que j'évoque se limitent au milieu français de la SF/Fantasy/Fantastique. Vous connaissez les phrases en exergue sur le dos des livres, du genre : "le meilleur roman que j'ai jamais lu" - Stephen King. Eh bien ces phrases sont sollicitées par les éditeurs, et bien souvent, le livre n'est pas lu. C'est du marketing, mais qui peut aussi être teinté de copinage (ce genre de phrases appelées "blurbs" peuvent être directement négociées entre auteurs).

Pour éviter ce jeu d'influence permanent, pour éviter que les choses ne soient trop distordues pour les lecteurs, j'essaye de ne donner un coup de pouce aux uns ou autres qu'à la condition que ce ne soit pas réciproque (il faut que cela vienne vraiment d'un coup de coeur de ma part, et qu'aucun calcul d'intérêt n'entre en jeu).

Dans 99% des cas, je m'abstiens de faire des commentaires sur les sites de vente, et si j'en fais, ce n'est pas sous mon nom de plume. J'essaye de me montrer honnête dans mon appréciation, en précisant que je suis auteur pour ne pas tromper le lecteur.

Pour moi, il est important de séparer l'aspect professionnel des relations d'amitié que l'on est susceptible de nouer. Pour autant, je n'ai pas le sentiment  de me situer au-dessus du panier de crabe. Je suis un crabe comme les autres, avec quelques principes, même si parfois, cela doit égratigner le "côté business".


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