Par exemple, je le dis sans fausse humilité, et non pas comme prédateur ni comme copieur : ce n'est pas me mettre sous, ni même adopter posture de suiviste ou d'élève, j'ai toujours cannibalisé ce qu'il nous fait découvrir. Depuis que j'ai placé une fois un fragment de son inventaire des murs anti-bruits de nos autoroutes dans une page, je n'ai jamais publié un livre sans qu'il comporte, secrètement, un sample d'Echenoz, et pareil pour mon copain Séréna : on se dit que si à tel endroit on le recopie, c'est qu'on se sera mis un instant à ce lieu où le réel de la fiction, en tant que reconstruction perceptive du monde, remplace ce que la pratique ordinaire nous enseignait de nos rues, nos voitures et nos appartements, encore reconnaissable mais évincé.
François Bon, Sur Jean Echenoz, Publie.net, 2006
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