Magazine Cinéma

France Ha (Noah Baumbach)

Par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

A en croire la bande-annonce, il va être question d’une histoire d’amitié forte entre deux jeunes femmes qui approchent de la trentaine. En noir et blanc, il introduit un doute quant à l’époque à laquelle il prend effet.

Seulement voilà, une fois passées les premières minutes, aux plans des deux jeunes héroïnes qui font les quatre cent coups ensemble, passant de folies douces à des scènes touchantes du quotidien, succède la vraie intrigue : à savoir le parcours chaotique de France, la jeune héroïne. Ces scènes anodines sont en réalité fondamentales, car elles saisissent sur le fait la relation qu’il existe entre les deux femmes, leur attachement mutuel, et leurs représentations personnelles. On devine que l’autre ne représente pas tout à fait la même chose pour chacune d’entre elles.

franceha_sophie

Dans cet entre-deux de l’âge, on perçoit France comme elle se décrit elle même, comme n’étant “pas encore une vraie personne”, par là même elle justifie son accomplissement à venir. Le film pose ainsi la question de cet état d’inachèvement constant comme un syndrôme générationnel.

Formidablement incarné dans son anti-héroïne, le propos se développe à mesure que le film avance. France refuse de grandir et se réfugie dans des situations et un quotidien regressif, pour se rassurer et retrouver des repères. Sa maladresse chronique contribue à faire d’elle un personnage attachant à la candeur désuète. Les plans et les situations cocaces servent cette dimension enfantine : la folle course pour trouver un distributeur, les jeux où l’on se raconte sa vie, les séances télé en plein après-midi… Ainsi donc elle échoue d’appartements en appartements, change plusieurs fois de colocataires, et surtout sans se préoccuper vraiment de sa situation professionnel se condamne et finit par échouer à intégrer la compagnie de danse dans laquelle elle est remplaçante.

frances-ha-colloc

Toujours en décalage avec la situation, elle a constamment un train de retard, et cherche sa place, n’étant jamais où elle devrait être. Pourtant à ses côtés, les autres changent, évoluent, essaient de construire des choses, pas forcément toujours satisfaisantes, comme le montre habituellement la vie, mais ils tendent vers leur réalisation. France, elle, cultive sa solitude, jusqu’à tomber plutôt très bas. Dans cette lente descente, elle ne perd pourtant jamais son optimisme et son sourire.

france-Ha

C’est elle qui devient un repère, une personne presque immuable pour les autres, qui la retrouve dans des moments de régression, ou avec un sourire nostalgique en se rappelant d’une époque. Dans ce film indéniablement indépendant, les plans esthétisants, réhaussés par le noir et blanc, servent aussi à refléter les impressions de l’héroïne, son ressenti profond. Il s’agit de moments contemplatifs, où France monte dans un ascenseur, où elle attend son amie devant son lieu de travail, où elle marche dans la rue, et le plus fort peut être lorsqu’elle sillonne les rues en dansant sans s’interrompre. Une belle sensation de liberté s’en dégage.

Si elle joue à se faire raconter sa vie par sa meilleure amie, son histoire réelle fluctue, tourmentée par ce que dicte le système, les contraintes sociales, et le point de vue des autres. Le scénario ainsi fait l’effort de ne pas tomber dans toutes les voies évidentes et déjoue les attente du spectateur plus d’une fois. Cela fait aussi bien plaisir de voir un film dans lequel le couple n’est pas l’issue, et la quête de l’autre n’est pas la finalité. L’autre dans le cas de France n’est d’ailleurs jamais masculin, affublée du surnom d’”undatable” (incasable) par son ami et colocataire d’un temps, cette piste est d’ailleurs totalement balayée du propos. On peut tout juste déplorer la scène finale, pourtant magnifique, qui ne montre pas tellement la résolution de la situation.

hero_FrancesHa-rencontre

Ainsi donc, dans ce film qui sort de l’ordinaire, on note les références nombreuses, certains verront chez les personnages ont une parenté lointaine avec ceux de Woody Allen par exemple, mais ce qui est incontournable c’est l’hommage rendu au cinéma français de la Nouvelle Vague. Un de ses représentants, Jean‑Pierre Léaud,  est d’ailleurs carrément nommé. C’est dans ce cinéma que les films sont peuplés de héros, un brin névrosés, qui cherchent à se dépatouiller de leur vie. Dans l’esthétique noir et blanc, choisie par Noah Baumbach, les airs de jazz, les rues parisiennes et new yorkaises se parachèvent l’imagerie séduisante propre à ce courant, parfois tout de même un tantinet cliché.
Pourquoi le choix du noir et blanc ? Dès le début du film la sonnerie d’iPhone et le Mac montrent en effet que l’histoire nous est contemporaine. Esthétique et intemporel, le film réussit ainsi à inscrire son propos dans un temps qui semble figé, captant pourtant ce qui agite la génération actuelle. Noah Baumbach s’explique alors en ces termes : “J’ai choisi le noir et blanc pour accentuer ce sentiment de renouveau : la filmer ainsi me permettait de regarder la ville avec des yeux neufs, d’en retomber amoureux. Je voulais que le film soit aussi joyeux, romantique et généreux que l’est le personnage de Frances Ha. Le noir et blanc allait dans ce sens, parce qu’il rend les choses belles et donne du rythme.

A voir :
France Ha, un film américain de Noah Baumbach (1h26)

Articles en rapport:


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Carnetauxpetiteschoses 1154 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines