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« Les Apaches » de Thierry De Peretti

Publié le 14 août 2013 par Boustoune

Le titre, Les Apaches, pourrait faire penser à un western, mais le film de Thierry De Peretti utilise les décors naturels du sud de la Corse, dans les environs de Porto-Vecchio, plutôt que ceux du far-west américain, et il développe une trame, tirée d’un fait divers réel, qui l’apparente plus à un drame criminel. Les “Apaches”,  c’est le surnom que donnait le Préfet de Paris aux mauvais garçons et aux petits délinquants. Un terme qui correspond bien aux protagonistes de cette histoire sordide.

Tout commence avec une banale bêtise d’adolescents, une nuit d’été. Après avoir passé la soirée ensemble dans un night-club, Maryne (Maryne Cayon), Aziz (Aziz El Haddachi) , François-Jo (François-Joseph Culioli), Hamza (Hamza Meziani) et Jo (Joseph Ebrard) décident de se prendre un bain de minuit. Aziz, qui travaille avec son père à l’entretien des luxueuses villas appartenant à des continentaux, sait que l’une d’elles est inoccupée, et qu’elle dispose d’une grande piscine. Il y entraîne le reste du groupe.  Mais non contents d’occuper les lieux clandestinement, les cinq jeunes quittent les lieux en dérobant quelques objets, dans l’espoir de pouvoir les revende ultérieurement.
Evidemment, quand la propriétaire des lieux débarque, elle est furieuse. Elle se plaint auprès d’une de ses connaissances, un petit caïd local, qui prend immédiatement l’affaire en main. Il commence logiquement par interroger Aziz, qui ne tarde pas à craquer et à rendre une partie du butin.
De crainte qu’il ne les dénonce, ses complices décident de l’emmener faire un tour pour l’intimider et lui intimer le silence, mais la situation tourne au drame…

Les Apaches - 3

Ce qui sort de l’ordinaire, dans ce film noir, ce sont déjà ses contrastes, très forts.
Le jeune âge des protagonistes, jeunes coqs insouciants, tranche avec la barbarie de leurs actes. Tout comme la douceur feutrée des nuits contraste avec la lumière crûe et brûlante du jour, où se déroulent paradoxalement les actes les plus sordides. Et puis la Corse elle-même, lieu partagé entre traditions et modernité, entre la nature sauvage du maquis et les constructions modernes qui fleurissent le long du littoral. Une île de beauté  vantée pour ses paysages paradisiaques, mais également connue pour son contexte politique “explosif” et la lutte des indépendantistes.
Mais la particularité du film de Thierry De Peretti, c’est également d’aller au-delà de la simple reconstitution d’un fait divers, pour s’interroger sur l’impact de cet environnement, de ces contextes politiques et historiques violents sur les jeunes acteurs du drame. Et de réfléchir à la notion de “territoire”.

Les Apaches - 2

Territoire physique, tout d’abord. Un territoire à défendre, menacé par les cohortes de touristes “moches, moches et moches” qui envahissent l’île en été, et par les “Gaulois”, terme employé pour désigner les Français continentaux, qui installent leur résidence secondaire en Corse, exhibant leur réussite et leur argent à des insulaires souvent bien moins fortunés qu’eux. On retrouve là l’idée du western. Les natifs Corses sont semblables à ces indiens que les pionniers dépossédaient de leurs terres, contraints de subir chaque été l’invasion de ces Gaulois sans-gêne. Ils ont leurs propres règles, leurs propres coutumes. Comme celle de laver son linge sale en famille et de refuser de faire appel à la gendarmerie – symbole de l’Etat Français – pour résoudre une affaire de cambriolage…
Ils ont aussi leurs propres “indiens”. Une minorité qu’ils traitent avec mépris et hostilité : la communauté maghrébine, de plus en plus nombreuse sur l’île, et cantonnée à des zones spécifiques, semblables à des ghettos. Aziz est traité avec une certaine condescendance par François-Jo et Joseph, et quand il se fait rattraper par les hommes de main du caïd, l’un d’eux lui intime l’ordre de rester définitivement dans son quartier, non sans employer des propos très durs, empreints de clichés racistes : “ Restes dans ton quartier. Tu as ton kebab, tu as ta Mosquée, tu seras bien… Je ne veux plus te voir ici.”Pour lui, comme pour Hamza, l’enjeu est de se faire accepter sur le territoire Corse.
Le Territoire peut aussi être à conquérir. Ailleurs. Comme cette jeune femme qui veut s’installer sur la Côte d’Azur pour y travailler, consciente du manque d’opportunités professionnelles en Corse, où l’activité est principalement saisonnière.

Les Apaches - 4

Territoire immatériel, symbolique, ensuite. Les quatre garçons tentent de conquérir le même coeur, celui de Maryne, le même “territoire sentimental”. Ils tentent de s’imposer, de s’affirmer, de gagner du terrain sur les autres. Par d’innocentes chamailleries, puis par des assauts plus heurtés.
Ils passent ici brutalement à l’âge adulte, en franchissant des frontières morales, notamment celle délimitant le Bien et le Mal. Et ils perdent ainsi leur innocence, dans tous les sens du terme.

Le cinéaste ne juge pas ses personnages. Il suit juste leur cheminement vers la violence, sans retour possible, usant d’une mise en scène simple, brute, aride, qui conserve toujours une certaine distance avec les protagonistes. Comme les films de Jia Zhang-Ke, Brillante Mendoza ou Rabah Ameur-Zaimeche, dont le cinéaste revendique l’influence. Ceci fait que Les Apaches n’est pas un film “agréable” à regarder. Mais c’est une oeuvre forte, maîtrisée, portée par des jeunes comédiens très spontanés face à la caméra, et porteuse d’un message social qui invite à la réflexion.

Pour un premier long-métrage, c’est donc une belle réussite, saluée par une sélection au dernier festival de Cannes, dans la section de La Quinzaine des Réalisateurs.
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Les Apaches
Les Apaches
Les Apaches

Réalisateur : Thierry De Peretti
Avec : Maryne Cayon, Aziz El Haddachi, François-Joseph Culioli, Hamza Meziani, Joseph Ebrard
Origine : France (Corse)
Genre : western brocciu
Durée : 1h22
Date de sortie France : 14/08/2013
Note pour ce film : ●●●
Contrepoint critique : L’Express

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