Encore un titre à la France Dimanche tout juste bon à attirer des lecteurs (enfin plutot des lectrices) fans de ce romancier au charme certain et à la plume merveilleuse. Je n'ai évidemment pas rencontré Olivier Adam cet été, autrement qu'à travers ses livres et ses films. Par contre, la fin de mon titre n'est pas mensonger...plus je le lis et plus je trouve cet auteur vraiment génial...
Car, aussi surprenant que cela puisse paraitre en plus de 1200 messages dont la moitié au moins de chroniques littéraires, je n'avais, au jour d'aujourd'hui, jamais écrit la moindre ligne sur Olivier Adam, que je considère pourtant comme un des tous meilleurs romanciers français, si ce n'est le meilleur.
Et comme dès demain, je pars en vacances en famille pour deux semaines (donc normalement bien moins d'activités bloguesques en perspectives) à Saint Malo, quoi de mieux que de rédiger une ode à l'auteur qui parle le mieux de Saint Malo dans ses romans? En effet, Olivier Adam est venu habiter dans cette cité fortifiée de Bretagne il y a une dizaine d'années, et s'est servi de cette ville comme cadre de certains romans, dont notamment Des vents contraires qu'il a sorti en 2009.
J'avais lu le roman dès sa sortie et j'avais été emballé par la force de l'écriture et de cette intrigue qui voyait Paul Steiner, un romancier ébranlé par la disparition de sa femme, partir avec ses deux enfants, Clément et Manon, à Saint Malo, la ville de son enfance pour tenter de retrouver le gout de sa vie. Un roman qui m'avait définitivement fait prendre conscience qu'Adam, dont les tous premiers romans ( notamment "Je vais bien ne t'en fais pas", dont j'avais préféré l'adaptation ciné de Philippe Lioret) m'avaient peu convaincus, à l'écriture trop naive, était vraiment devenu un écrivain singulier et incontestable de la littérature française actuelle. Son style, située quelque part entre lyrisme romantique et noirceur de l'âme, avec des personnages souvent complètement paumés qui cherchent leur place dans une société en chute libre, ne peut que me toucher énormément. Et cette façon de sonder l'intimité de ces personnages à travers leurs difficultés à trouver leurs places socialement m'avait complétement épaté.
Je n'avais pas vu à sa sortie le film éponyme tiré du roman Des vents contraires, que l'acteur et cinéaste Jalil Lespert (actuellement à l'affiche de Landes dont j'ai parlé ici même) car le livre était encore trop présent dans ma mémoire, mais je me suis rattrapé cet été, ne serait ce que pour avoir des images de Saint Malo dans la tête pour préparer mon voyage.
J'ai vu le film en DVD (on le trouve à 2€ sur Amazon, étonnant, pour un film récent de telle qualité, non??) et si l'histoire ne m'a évidemment pas surpris, vu que l'adaptation de Lespert est assez fidèle, j'ai trouvé le film parfaitement tenu, avec des scènes justes et sensibles, et surtout une interprétation très solide (Magimel, assez proche de l'image qu'on se fait des héros d'Olivier Adam à la lecture; mais aussi un Ramzy Bédia très étonnant dans son premier rôle tragique) qui emportent largement le morceau.
Et juste après avoir retiré le DVD du lecteur, je me suis plongé dans le dernier roman en date d'Olivier Adam, ces fameuses Lisières sorties à la rentrée littéraire de 2012 et que j'avais classé en tête des romans que je voulais lire à cette époque.
Finalement, je ne l'ai pas lu à sa sortie, mais j'ai profité de sa-rapide- publication en poche, chez J'ai Lu, pour me plonger avec avidité dans ce pavé de plus de 400 pages.
C'est d'ailleurs assez étrange comme sensation d'enchainer les Vents contraire (le film) et ces Lisières, vu que les noms des personnages sont les mêmes: là encore, le narrateur s'appelle Paul Steiner et il est écrivain, sa femme, est dans les deux livres infirmière et s'appelle Sarah, et ses deux enfants portent également le même prénom et sembler possèder des caractéristiques similaires.
Je savais qu'Olivier Adam creusait un peu le même sillon dans ces romans, à l'image d'un Philip Roth , mais cette continuité dans son travail ne m'avait jamais autant sauté aux yeux. En tout cas, cela a du me gener quelques lignes seulement, car ensuite, j'ai été totalement pris par ce livre et par la façon dont Adam mélange à ce point autofiction (ce Paul Steiner lui ressemble énormément sur plein de points), intrigue à rebondissements (il ya dans ce livre une noyade, des révélations familiales, des trahisons...) et réflexion intime et pertinente sur le retour aux sources .
Ces lisères sont sans doute- sur le papier et à la lecture- le roman le plus audacieux et le plus ample de son auteur, tant il peut -être appréhendé à différents degrès de lectures : Olivier Adam mêle l'histoire personnelle d'un homme expulsé de sa propre vie ( sa femme l'a quitté au début du roman et il voit peu ses enfants, à son grand désarroi) à l'histoire des classes moyennes aujourd'hui en France. Adam arrive à tisser cette histoire intime à ces réflexions sociologiques et poltiques avec un brio absolu.
Paul est paumé géographiquement, affectivement, socialement. Et ceux qui gravitent au fil de ses longs et passionnants chapitres ne sont pas plus solidement ancrés que lui dans la réalité quotidienne.
Ce constat est certes peu reluisant, mais en même temps il sonne terriblement juste. Sa fresque prend alors des accents de vérité incroyable, tout en portant un souffle romanesque parfois incroyable, alors même que son écriture n'a jamais été aussi sèche, débarassée des fioritures de ses débuts.
Adam ressasse toujours les thèmes qui lui sont propres, et qui ne sont pas forcément d'une grande gaeité ( la dépression, la recherche de sa place dans un monde vide, la difficulté d'être père, les hypocrisies du monde de l'édition), mais je me suis tellement reconnu dans certaines de ses pensées et dans la justesse de ses propos que c'est le plaisir de lecture qui est largement au bout.
Ce récit fait terriblement écho à nos histoires personnelles, même si l'on n'est ni romancier, ni issu de milieu ouvrier, ni séparé de sa femme et de ses gosses, et c'est tout l'immense talent d'Adam de nous donner cette impression là avec une jublitation permanente de lecture.
Oui, jubilation, car c'est vraiment le sentiment que l'on ressent en plongeant avec ce Paul dans les méandres de son passé, un plongeon certes douloureux (sa famille n'est pas des plus aimables-doux euphémisme) qui lui permettront peut-être de renaitre à la et à ce moment là, qu'importe l'enfance que l'on a eu, le récit ne peut que se faire écho à notre propre histoire, surtout si on a ( comme moi) un peu coupé avec ses racines familiales.
Surtout, Les lisères désarme par la sincerité de l'oeuvre et cette totale mise à nu d'Olivier Adam, qui met tellement de lui dans ce roman qu'il ne peut que toucher au coeur. Le fils de banlieue devenu auteur à succès interroge ses propres contradictions, ne se fait pas de cadeau, mais nous dévoile .
Alors, si ce roman n'était pas forcément la préparation idéale pour Saint Malo, car seulement 3 à 4 pages du livre nous dévoilent un peu de cette ville que l'auteur aime profondément, je suis indubitablement heureux de l'avoir enfin lu, tant pour moi ce roman est incontestablement un des tous meilleurs de la rentrée dernière, si ce n'est le meilleur de la cinquantaine (c'est la formidable Sophie Herisson, instigatrice de son challenge 1%rentrée littéraire qui a fait le décompte) que j'ai pu lire!!