Magazine Bd

La sélection de la semaine : Clichés de Bosnie, Scalped, Biscottes dans le vent, Poissons en eaux troubles et Un matin de septembre

Par Casedepart @_NicolasAlbert

Selection16aout

Pour cette troisième semaine d’août, Case Départ vous propose sa sélection d’albums de la semaine. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : un album-reportage sur les conséquence de la  guerre de Bosnie, Clichés de Bosnie; le huitième tome de la saga de Jason Aaron Scalped; Biscottes dans le vent, la vie quotidienne d’un jeune postier; un recueil d’histoires Poissons en eaux troubles par le mangaka Susumu Katsumata et Un matin de septembre, un album sur les séquelles des attentats du World Trade Center. Bonnes lectures !

Clichés de Bosnie : au cœur d’un pays meurtri

clichés de bosnie
   Aurélien Ducoudray est photographe et journaliste et par un heureux hasard, il part en Bosnie pour une action humanitaire. C’est ce périple que raconte Clichés de Bosnie (Bosanska Slika), un album optimiste sur les conséquences de la guerre, scénarisée par le photographe et mis en images par François Ravard.

2004. Aurélien Ducoudray est journaliste-photographe dans un quotidien de province. Son travail, peu enthousiasmant, se résume aux manifestations, aux matchs de Ligue 2 du club local, aux remises de décorations et aux anniversaires des centenaires de la commune. Mais cette routine va être bousculée, lorsque dans son propre journal, il va découvrir qu’un convoi humanitaire part pour la Bosnie dans les prochains jours.

Il contacte alors Arlette, professeur, organisatrice du convoi humanitaire et il réussit à la convaincre de l’emmener. L’enseignante en collège monte un projet pédagogique, tous les ans et ce depuis 6 ans, afin d’affréter un convoi pour les réfugiés bosniaques, grâce à l’aide de ses élèves et des parents. Le plus compliqué pour le journaliste, c’est de convaincre son supérieur hiérarchique de le laisser partir quinze jours pour rapporter des clichés qui seront publiés sur 2 ou 4 pages. Sans réussite, il décide de prendre un congé pour partir.

Le camion part de son côté et les bénévoles de l’autre : Yves et Fabien, futurs infirmiers, Jean-Philippe, étudiant en quatrième année de médecine, François, bricoleur du dimanche et Arlette. L’expédition est un véritable périple de 1800 km et de quatre frontières à passer. Après 56 heures de route, Aurélien découvre alors un pays défiguré et traumatisé par une guerre fratricide longue, faite de morts, par centaines de milliers, de destructions de maisons, de femmes sans maris ni fils, de pauvreté et d’insalubrité.

Sur place, les convoyeurs rejoignent Nermina, l’interprète aux devinettes pas terribles, le médecin désagréable et ses bidons à remplir, et enfin la famille bosniaque qui les héberge, avec Essed, le père, Hava, la mère et les deux fils.

Aurélien découvre alors la vie difficile des habitants, entre la mafia, le manque de nourriture et les maladies. Tout cela, il veut l’immortaliser en photos. Il rencontre aussi un jeune déficient mental qui passe sa journée devant sa télévision ou encore un écrivain touché par la polio.

Mais le plus dur pour lui, c’est lorsqu’il découvre «le tunnel », un endroit où Racim recense et entrepose les corps issus des charniers et qui n’ont pas encore été reconnus par leurs proches. L’homme doit d’ailleurs nettoyer à la main toutes les combinaisons qui suintent. Arlette lui offre alors un lave-linge qui lui facilite la vie.

Drôle et extrêmement touchant, cette bande dessinée-reportage d’Aurélien Ducoudray ne laissera personne insensible. L’auteur oscille entre humour et gravité. Dans un premier temps, ce carnet de bord ressemble à une aventure des Pieds Nickelés tant la maladresse et la naïveté des personnages est forte. Mais l’histoire prend un tour plus dense et dur lorsque le photographe arrive dans les camps et qu’il découvre la misère quotidienne des bosniaques. Intime et délicat, l’auteur n’épargne pas le lecteur ; il raconte les bons comme les mauvais moments, avec une ironie très bien maîtrisée. Le trait chaleureux en noir et blanc de François Ravard contraste avec la vie difficile des habitants, mais illumine cette histoire d’un dessin rond qui permet de mettre de la distance face aux événements. Le lecteur est happé par cette autobiographie, empreinte de beaucoup d’humanité. A la fin de Clichés de Bosnie, un cahier regroupe des dessins de Ravard qu’il a rapporté d’un voyage en 2011 et des photographies de Ducoudray prise lors du convoi en 2002. Soutenu par Amnesty International, l’album est l’un des plus beaux ouvrages de ce premier semestre 2013.

  • Clichés de Bosnie
  • Auteurs : Aurélien Ducoudray et François Ravard
  • Editeur: Futuropolis
  • Prix: 27 €
  • Sortie: juin 2013

Scalped : une saga indienne trouble

scalped

Le prix du salut est le huitième tome de la série extrêmement  réussie Scalped, scénarisée par Jason Aaron et dessinée par R.M Guéra, Jason Latour ou encore Davide Furno. Prévu en dix tomes, cet opus amorce la dernière ligne droite de la vie de ces personnages haut-en-couleur que sont Dashiell, Red Crow, l’agent Nitz ou encore Carol.

Prairie Rose, réserve indienne. Dashiell Bad Horse, est de retour après un exil de 15 ans. Il est engagé dans la police tribale du chef Red Crow, bandit notoire, qui règne sans partage sur les trafics d’alcool et de drogue de la réserve. Il est infiltré dans cette organisation par le Fbi afin de faire chuter le grand boss. Mais Carol, la fille de Red Crow, le déstabilise dans sa quête et il sombre peu à peu dans une dangereuse destruction. A force de persévérance, il tient enfin la enfin l’élément principal qui permettra au FBI de coffrer le vieux chef : le témoin d’un meurtre perpétré par ce dernier.

Dans ce huitième tome, alors que son coéquipier est mort, l’agent fédéral Nitz détient un élément principal pour relancer l’enquête sur le chef de la réserve. Dashiell, quant à lui, a presque trouvé l’assassin de sa mère, Gina Bad Horse. De plus, il est très proche de faire tomber Red Horse et pourquoi pas même prendre sa place à la tête de la réserve. L’officier Falls Down endure une bien curieuse captivité. Seul Dino Poor Bear semble bénéficier d’une certaine accalmie dans son quotidien plus désinvolte.

Entremêlant habilement les différentes histoires construites en parallèle de l’intrigue principale, Jason Aaron, permet de relancer l’intérêt de son récit et lui donner un très bon rythme. Au fil des leur propres souvenirs racontés par des flash-backs, le scénariste réhausse leur caractère souvent sombre mais qui leur confère une certaine empathie de la part du lecteur. Et pourtant, Les Lakotas sont montrés sous un jour terrible : l’alcool et la criminalité sont au cœur de leur vie ; leur conditions de vie sont dures. Intense, cet album est un des excellents tomes de cette drôle de saga sombre; il permet de donner un nouveau souffle à une série qui n’en manque pourtant pas.

  • Scalped, tome 8 : Le prix du salut
  • Auteurs : Jason Aaron, R.M. Guéra, Jason Latour et Davide Furno
  • Editeur: Urban Comics
  • Prix: 15 €
  • Sortie: juin 2013

Biscottes dans le vent :

tranches de vie d’un jeune postier

biscottes dans le vent
Biscottes dans le vent est la suite de Tartines de courant d’air, paru en 2001 aux éditions Vents d’Ouest. L’album est donc l’intégrale regroupant les deux histoires créées par Pascal Rabaté et Bibeur-Lu. Cette chronique sociale raconte la vie d’un jeune homme qui rêve de devenir postier.

Daniel Saboutet est un jeune parisien d’une vingtaine d’années. Fan d’aéromodélisme, il passe le plus clair de son temps à construire des avions, qu’il fera décoller de la fenêtre de son appartement, quelques fois avec perte et fracas. Célibataire, il partage sa vie avec des amis et finit souvent des soirées arrosées dans un terrain vague autour d’un barbecue. Il apprécie une jeune fille qui loge dans un appartement en fac du sien et pour la conquérir, il utilise son petit avion pour lui transmettre de doux messages romantiques. Lorsqu’il part voir ses parents en province, il revient chez lui avec un sac de provisions pour plusieurs mois, ainsi que de l’argent de poche. Daniel est heureux de cette vie, heureux de ces petits riens. Chômeur, il vit de petits boulots par-ci par-là comme distributeur de prospectus. Mais ce qu’il attend le plus, ainsi que ses parents, c’est le résultat du concours de La Poste. Il se rêve en postier.

Puis, un jour, alors qu’il ne l’attendait plus, la réponse favorable de La Poste l’envoie dans un petit village paumé en pleine campagne bretonne. Mais sa nouvelle vie prend un tour différent de celui qu’il a connu : plus simple, plus routinier, fait de tournées en petite voiturette, de sorties en vespa, de collègues sympathiques et de clients très particuliers. La vie de Daniel, sans éclat mais certainement pas sans charme, trouve son relief dans les petites frustrations et les bonnes surprises de la vie de tous les jours.

Léger et parfois naïf, le récit de Pascal Rabaté est une chronique social douce-amère charmante et parfois drôle. Son anti-héros est un personne simple avec des rêves et des buts très simples. Tendre dans l’approche de ses personnages, il réussit à apporter de l’émotion grâce à un quotidien fait de petites banalités touchantes. Bibeur-Lu apporte une touche de légèreté grâce à son trait sans fioriture et son dessin nous berce dans une ambiance campagnarde où le temps semble s’être arrêté.

  • Biscottes dans le vent
  • Auteurs : Pascal Rabaté et Bibeur-Lu
  • Editeur: Vents d’Ouest
  • Prix: 25.50 €
  • Sortie: juin 2013

Poissons en eaux troubles :

un recueil d’histoires étonnantes

poissons en eaux troubles

Susumu Katsumata, décédé en 2007, a écrit beaucoup d’histoires courtes plutôt pour les adultes. Pourtant d’une très bonne qualité, peu de ses récits ont été publiés en France. Après Neige Rouge chez Cornélius, l’éditeur poitevin Le Lézard Noir a publié en avril le recueil de neuf histoires Poissons en eaux troubles. Ces nouvelles furent publiées initialement dans Garo, magazine alternatif des années 70-80. Deux histoires ont pour cadre le nucléaire, les quatre suivantes sont des récits se déroulant à la campagne et les trois dernières sont des récits intimistes.

Les invisibles du nucléaire et Devil Fish, sont deux histoires qui ont pour toile de fond le nucléaire et la sûreté des établissements liés à l’atome. Dans le centrale Hokuto Electric, tous les jours, et avec une certaine routine, des employés vacataires sous qualifiés nettoient tous les recoins de la centrale. Exposés fortement au rayonnement, ils doivent quand même retourner faire ce délicat travail. Malgré leur combinaison et les prises de douche pour se laver, les dosimètres s’affolent au péril de leur vie. Katsuma connait parfaitement ce secteur d’activité, il fut lui-même physicien nucléaire dans les années 80. A cette époque, il dénonçait déjà les conditions de travail et la dangerosité des radiations. Ces deux récits, quelques fois glaçant de cynisme, résonnent terriblement avec l’actualité et la catastrophe japonaise de Fukushima.

Les nouvelles suivantes : Monsieur Kappa, Histoire du Kappa Hanbê ou encore Le soutra du moine Ryôzen, sont elles, beaucoup plus poétiques. Ayant pour cadre la campagne, le lecteur peut approcher de près des yôkaï, des kappas et tanukis, petites créatures fantastiques.

La mer d’hiver et Fantôme de printemps sont des récits plus intimes, inspirés de la jeunesse de l’auteur. Sombres, les histoires évoquent l’amertume et le côté solitaire du jeune héros.

Subtil et fort en émotion, cet album est une agréable surprise. Varié en ce concerne les genres littéraires, le recueil est aussi varié en ce qui concerne le dessin. Comme le pays, le recueil mêle habilement le progrès technologique avec les centrales et le côté traditionnel et ancestral du Japon avec les contes campagnards. A la fin de Poissons en eaux troubles, un dossier critique très complet, permet aux lecteurs de mettre en perspective les différents récits. Un album à ne pas manquer pour les inconditionnels des mangas d’auteur.

Image de prévisualisation YouTube
  • Poissons en eaux troubles
  • Auteur : Susumu Katsumata
  • Editeur: Le Lézard Noir
  • Prix: 22 €
  • Sortie: avril 2013

Un matin de septembre :

à la recherche d’une voix

un matin de printemps
Un matin de septembre est le tout premier album de Jérôme Pigney. Publié aux éditions Des ronds dans l’O, il aborde les terribles séquelles liées aux attaques des tours jumelles du World Trade Center, le 11 septembre 2001 et plus spécifiquement les ravages causés par le nuage de fumée toxique.

Alexandre, jeune professeur d’arts plastiques, est bouleversé par le décès tragique de sa mère, Catherine, dans un accident de voiture. Il tente par tous les moyens de retrouver le son de sa voix afin d’apaiser un peu son chagrin. Recueillir coûte que coûte cette mémoire sonore qui lui manque de plus en plus.

Par un grand hasard, il va retrouver dans la voiture de la défunte, un sac rempli de cassettes audio. Sur l’une d’elles, il y entend une voix, celle d’un homme qui se confie. Cette révélation est celle de Paul Varela, écrivain et essayiste new-yorkais, le dernier compagnon de sa mère. Alexandre décide alors d’enquêter sur ce mystérieux homme et part pour les Etats-Unis où il cherchera à rencontrer les amis et la femme de Paul.

Avant de s’installer à New-York en tant que spécialiste de la conservation du Patrimoine, Paul entreprend des études scientifiques dans un lycée français de Buenos -Aires. Il y découvre la littérature et deviendra ami de Borges, directeur de la Bibliothèque Nationale. Il épouse Mathide et ont un garçon, Daniel, qui sombre dans la drogue lorsqu’il grandit.

Mais le 11 septembre 2001 survient ! Daniel, alors devenu secouriste, intervient sur les lieux des attentats. Il inhale une dose très importante d’amiante, de plomb, de dioxine et d’hydrocarbure. Il contracte alors une grave maladie à la suite cet événement, une fibrose pulmonaire. Il devient grabataire à l’âge où les jeunes gens sont pourtant en pleine forme. Comme un malheur n’arrive jamais seul, sa jeune compagne décède.

Paul, rescapé des attentats, décide de fuir son quotidien en Irak où il assiste au pillage de la Bibliothèque Nationale de Bagdad. Incrédule devant l’inaction de l’armée américaine, il revient en France pour se reposer. C’est là qu’il fait la connaissance de Catherine.

Cette quête du passé est très grand roman graphique de Jérôme Pigney. Très écrit et formidablement mis en image, le récit poignant de l’auteur parisien est bouleversant. Ecrit comme un polar, Alexandre, le héros, mènera une vraie enquête pour percer les secrets de Paul. Parcourant New-York, il découvrira un homme qui cache une blessure profonde. Un matin de printemps est aussi un magnifique mise en lumière des contradictions des Etats-Unis, d’un côté le devoir de mémoire vis-à-vis des personnes décédées et de l’autre, les séquelles profondes, tant physiques que psychologiques liées au 11 septembre. Mais aussi la guerre d’Irak, toujours d’actualité, une guerre sans visage, celle de la lutte contre le terrorisme.

  • Un matin de septembre
  • Auteur : Jérôme Pigney
  • Editeur: Des ronds dans l’O
  • Prix: 20 €
  • Sortie: 29 août 2013

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Casedepart 4468 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines