Le temps où l’atelier de l’artiste était associé au cliché de « La bohème » de Puccini est révolu depuis longtemps. Le cadre dans lequel le peintre, nécessairement jeune et désargenté, amoureux déçu, subsistant dans le froid de son atelier en maugréant contre le mauvais goût de la bourgeoisie, subissant ce passage obligé de la pauvreté avant que son talent soit reconnu, fait partie de la mythologie du dix neuvième siècle.
L’avancée de l’art vers de nouveaux territoires a ouvert les ateliers, les a parfois fait abandonner au profit de terrains encore vierges, d’espaces à conquérir, de paysages, d’un art nomade sans frontière. Parfois encore l’atelier de l’artiste a pris la configuration d’un bureau comparable à une agence d’architecte.
La Coutellerie
La Coutellerie d'Arnaud Cohen
Arnaud Cohen, depuis une dizaine d’années, a investi une usine en ruines à Cenon sur Vienne, ancienne coutellerie transformée au gré de l’histoire en usine d’armement. Avec les années, l’artiste a réussi à exhumer d’une végétation envahissante les bâtiments dans lesquels il a pu disposer à sa guise d’un espace hors normes pour y établir son atelier.
Le risque était de s’engloutir dans la seule restauration de ce bâtiment industriel, d’y abandonner toute son énergie et tout son temps. Il a fallu à Arnaud Cohen composer avec ces contraintes pour que son activité d’artiste n’en subisse pas de dommages.
Au fil du temps, cette entreprise de réhabilitation si elle n’ a pas annihilé l’énergie de l’artiste, a apporté des arguments nouveaux dans sa réflexion au point de donner au lieu une vocation nouvelle : faire partie de l’œuvre elle-même.
Aujourd'hui, Arnaud Cohen entreprend un travail avec l'outil vidéo en y associant son usine-atelier. A la manière d'une Cinnecitta à la française, telle partie des bâtiments se voit transformée, peinte à neuf pour devenir le décor d'une scénographie bientôt filmée.
Un nouvel in situ
Avec cette approche, atelier et oeuvre se fondent dans une nouvelle entité qu'il va bien falloir définir, qui modifiera de fait le statut de l'oeuvre d'art. L'atelier n'est plus, dans cette nouvelle approche, l'endroit le plus souvent confidentiel dans lequel l'artiste élabore un travail futur qui sera présenté dans un tout autre contexte. L'atelier deviendrait donc partie prenante de l'oeuvre, cette dernière n'étant plus un élément disponible pour toute autre présentation. L'in situ d'une oeuvre réalisée dans un espace donné mis à la disposition de l'artiste se transforme dans un nouvel in situ, celui désormais indissociable de l'univers de l'artiste : son atelier.
La Factory
Arnaud Cohen reprendrait-il avec une réflexion nouvelle la Factory de la 47eme rue de New-York où Warhol utilisait son atelier à la fois comme studio d’enregistrement pour ses œuvres cinématographiques et de lieu de rencontre pour son entourage ?
L'artiste met au point de nouveaux projets pour faire de ce lieu le cadre d'une oeuvre, projets sur lesquels la discrétion s'impose encore. Il reste que, dans ce lieu privilégié, Arnaud Cohen met en mouvement une réflexion à suivre de près.