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ELYSIUM : de la SF équitable

Publié le 20 août 2013 par Unionstreet

2009. Neil Blomkamp nous avait quittés plein d’espoirs et de belles promesses avec son District 9, nouveau venu dans la science-fiction made in JoBo, brutal et réaliste, sale et grinçante avec juste ce qu’il faut de conscience politique. Ce premier film construit une anticipation malheureusement pertinente d’une Afrique du Sud en proie à ses anciens démons ségrégationnistes à l’arrivée d’extraterrestres, plus proches de l’immigré clandestin que de l’envahisseur. De la science-fiction sociale en somme.

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Avec Elysium, le réalisateur sud-africain change d’échelle: de budget d’abord avec une cagnotte de 100 millions de dollars et un Matt Damon en vedette et surtout un changement de décor. Exit donc les townships et les Bantoustans d’Afrique du Sud pour la Californie du futur, totalement hispanisée et transformée en bidonville. Changement d’échelle pour le meilleur et pour le pire.

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De la lutte des classes…

En 2154, le monde se divise entre riches et pauvres. Les damnés restent sur Terre, coincés entre la pollution, la famine et les hôpitaux surpeuplés et sous la menace permanente d’une administration robotique féroce. Les nantis, quant à eux vivent sur la station orbitale Elysium, une sorte de Beverly Hills meublée par Romeo et désignée par Jean Roch mais où tout pousse en abondance et où surtout, la maladie n’est qu’un lointain souvenir grâce aux medbox, des capsules de guérison miracles. Observant avec envie ce paradis d’opulence, certains tentent d’y immigrer clandestinement, mais se font perpétuellement repousser par les politiques ultra-sécuritaires d’Elysium, menées par la Secrétaire Delacourt (Jodie Foster). Max (Matt Damon), ex-taulard devenu ouvrier, rêve de se payer légalement le billet pour la station. Mais lorsqu’il est irradié dans l’exercice de son travail et n’a plus que cinq jours à vivre, il va tout faire pour infiltrer Elysium et profiter de ses infrastructures médicales, capables de tout guérir.

Avec un tel pitch, Neil Blomkamp applique une recette assez proche de celle de District 9 avec 2-3 petites nuances: la ségrégation raciale laisse place à la lutte des classes dans deux territoires complètement opposés. La Terre aux pauvres et le ciel aux riches pour faire court.

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C’est dans ce registre futuriste-polémique que Neil Blomkamp se montre le plus à l’aise et le plus percutant. Le réalisateur livre par petites touches une vision du monde désenchantée, pessimiste et dont une simple observation de l’actualité nous fait prendre conscience de son réalisme et même de son imminence. Il suffit de prendre l’exemple du Brésil et de ses favelas et quartiers hyper sécurisés pour comprendre qu’on n’est pas (que) dans la science-fiction. A croire que Blomkamp a tout lu Pierre Hillard. Et ça c’est pour le meilleur.

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… à Heal the World

Hélas toutes ces bonnes intentions n’empêchent pas Elysium de se faire rattraper par la machine à broyer et simplifier appelée Hollywood. Et c’est au moment crucial de rentrer dans l’action – c’est-à-dire après toute la présentation de ce nouveau monde post-apocalyptique – que le film se perd et se met à engrener toute une série de clichés bien-pensants sur les riches, les pauvres, l’amour etc… Pour faire encore plus simple, c’est quand le spectateur attend que ça défouraille – surtout avec l’arrivée du grand méchant Kruger (merci Sharlto Copley) – et que la rébellion devrait arriver que le scénario commence à faire dans le sentimentalisme niais. La preuve en est le sacrifice du héros pour sauver une petite fille malade de son amour d’enfance qu’il a rencontrée… à l’orphelinat!

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Cette nouvelle dictature du sentiment (qui gâche aussi l’intérêt de World War Z) efface alors toute le complexité initiale du film et gâche son aspect « SF à contre-courant » pour en faire une anticipation à peine flippante mais saupoudrée de niaiseries juste ce qu’il faut.

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Et comme dans World War Z, le film se termine par un spot de pub tout droit sorti d’un show reel de l’OMS ou de n’importe quelle ONG financée par Jacques Attali alors qu’à bien y réfléchir, la situation est encore plus problématique qu’au début.

Pour son essai américain, Neil Blomkamp vise mais ne tire pas. Dommage c’était pourtant bien parti.

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