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La grâce des brigands, de Véronique Ovaldé

Par Guixxx @zeaphra
Parfois, une couverture de roman n’a rien à voir avec le sujet du livre. On se demande alors qui a eu l’idée de trouver cette couv’, souvent moche, inutile : le stagiaire ? L’éditeur ? Un pote aveugle ? Bref, c’est ce que je me suis demandée après avoir lu La grâce des brigands, de Véronique Ovaldé, aux éditions l’Olivier. Bien heureusement le roman était vraiment top, bien que je ne comprenne pas cette couv’ d’une totale laideur. Donc j’ai lu La grâce des brigands la semaine dernière. Pour tout vous dire, comme ma boss m’a clairement fait comprendre que mon penchant pour les romans étrangers ne devait pas passer avant le fait que la rentrée littéraire française soit avant tout une rentrée de romans français, je me suis penchée, un peu forcée je l’admets, sur les nouveaux romans français. Je me suis tournée vers des valeurs sûres, me basant sur de précédents échos de collègues aguerris possédants de bons goûts, Céline Minard, Sorj Chalandon, Véronique Ovaldé. Seul hic, le dernier roman de Yannick Haenel qui m’est sorti par les trous de nez. M’enfin que voulez-vous on peut pas toujours faire un sans-faute. Donc la seule que j’avais déjà lu et appréciée était Véronique Ovaldé, découverte avec Ce que je sais de Véra Candida, paru y a déjà un petit moment. Et je peux dire que j’ai encore plus aimé La grâce des brigands, où je n’ai pas retrouvé les longueurs qui m’avaient parfois déplu dans le roman sur Véra Candida. La grâce des brigands raconte l’histoire de Maria Cristina, jeune auteur canadienne découverte par le grands public à la sortie de son premier roman alors qu’elle avait tout juste 16 ans. Suite à la sortie de ce premier ouvrage autobiographique, sa mère, bigote extrémiste, lui a fortement déconseillé de remettre les pieds dans la ville de Lapérouse où elle a été élevée, et de se tenir loin de ses parents et de sa sœur. C’est cette histoire que va nous raconter le narrateur, une tierce personne dont nous ne connaissons pas l’identité, retraçant ainsi l’enfance difficile et stricte de Maria Cristina, et les derniers mois de sa vie en Californie plus de dix ans plus tard, qui vont être bouleversés par un appel de sa mère lui demandant de venir chercher Peeleete, le fils de sa grande sœur, afin de l’élever loin de Lapérouse. Une requête étrange qui poussera Maria Cristina à retourner vers sa famille, et constituera l’un des derniers tournants de sa vie. Ce qui m’a le plus fasciné, c’est l’enfance de Maria Cristina que nous dépeint le narrateur, cet inconnu qui semble avoir bien connu le personnage, mais qui se base visiblement sur les journaux intimes et les écrits de l’héroïne pour nous conter son histoire. Notamment sa relation avec sa sœur, à peine plus âgée qu’elle, leur lien unique renforcé par la folie de leur mère, mais aussi leur rivalité  attisée par la préférence du père pour la petite dernière. Le poids sur les membres de la famille de la personnalité dérangée de leur mère, qui d’une part écrase le père, renfoncé dans son univers, rencogné dans son mutisme, malheureux à souhait, et qui ensuite accable ses filles, sans cesse à l’affût d’une nouvelle crise, habituée à se faire maltraiter sans raison. Malgré ça Maria Cristina se forge un caractère, aventureux, ambitieux, malin. Son intelligence et l’amour de son père sont les atouts qui vont la mettre à l’abri de la colère maternelle, de la jalousie sororale, et de l’atmosphère confinée, froide et arriérée de Lapérouse et de l’environnement familial. Sa sœur n’a pas autant de chance. Un accident, dont Maria Cristina se sent coupable, va arrêter son évolution à l’âge de quatorze ans, la condamnant à une adolescence perpétuelle, à une folie incontrôlable. Puis il y l'arrivée de Maria Cristina à Los Angeles est un vrai contraste avec son enfance en noir et blanc. On est dans les années 80, c’est l’ambiance bigarrée et cool de LA qui va l’aider à sortir de sa coquille, la rencontre avec Joanne, sa colocataire hippie et libérée, mais surtout sa relation avec Claramunt, auteur et poète argentin bien plus âgé qu’elle qui va lui faire découvrir les joies de l’univers littéraire américain et devenir bien plus que son mentor. Véronique Ovaldé nous raconte l’histoire de ces personnages avec un véritable talent. Le roman commence avec une héroïne déjà adulte, qui a mûri  et un événement inattendu dont on a envie de savoir la suite, entrecoupé de l’histoire sur plus de vingt ans de Maria Cristina et sa famille, passionnant, sans aucun temps mort, à la fois glaçant et enivrant. Le spectre de sa rude enfance, l’ivresse de sa carrière, et la fin du roman qui se compose de ce retour vers un passé honni, oublié. Encore une fois, comme avec Ce que je sais de Véra Candida, on est face à la construction d’une femme après une éducation pesante et négative, la recherche d’une identité, l’envie de liberté et de délivrance, d’échapper à un conditionnement et à une sorte de malédiction familiale. Si au premier abord on pouvait s’attendre à un roman féminin, à un roman facile d’accès et grand public, il n’en est absolument rien. L’écriture de Véronique Ovaldé est particulière, composée de peu de points, de longues phrases enroulées de virgules, qui donne un ton à la fois grave et homérique au récit. Mais donc, pour en revenir au début de cette chronique, qu’en est-il de cette couverture sans intérêt ? Franchement, je me gratte la tête, réfléchis, me dit que, non, franchement, je ne sais pas, ne comprend pas, pourquoi elle est si laide et si peu en lien avec le roman. M’enfin. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Mais si quelqu’un à une explication je suis preneuse. Ça m’intrigue. En attendant, si vous cherchez un superbe roman français à lire pour la rentrée, prenant et bien écrit, La grâce des brigands vous attend sur les tables de toutes les bonnes librairies de France. Alors s’il vous plait, oubliez un peu la Nothomb (et Yannick Haenel, vraiment, oubliez-le lui aussi….), et choisissez de lire un bon auteur, talentueux, qui mérite votre attention.
Je m’en retourne m’abîmer les yeux sur les pages de la rentrée, grattant négligemment le ventre rebondi du félin endormi, j’ai du boulot moi.

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